Publication d’une Nouvelle histoire du Moyen Âge, sous la direction de Florian Mazel
C’est un beau livre illustré, pesant et volumineux ; sur sa couverture, un manuscrit du VIIIème siècle aux couleurs vives… Les éditions du Seuil ont publié une Nouvelle histoire du Moyen Âge qui fait un peu parler d’elle : parue dans la collection qui avait il y a quelques années donné naissance à l’Histoire mondiale de la France, et rédigée sous la direction de Florian Mazel, médiéviste qui avait participé à l’élaboration de cette dernière, elle a été largement présentée dans les médias comme renouvelant en profondeur notre compréhension du Moyen Âge.
La crainte d’une réécriture woke de l’histoire médiévale
« Renouvellement » qui fait l’objet de louanges aussi bien que de critiques. Se souvenant de la controverse de 2017, qui avait notamment vu Alain Finkielkraut regretter la déconstruction à l’œuvre dans l’Histoire mondiale de la France, le lecteur innocent pourrait légitimement se montrer circonspect à l’égard de la Nouvelle histoire du Moyen Âge. D’autant que Florian Mazel, dans son propos introductif – exercice qui ruine bien souvent, hélas, le reste du livre –, lui donne quelques raisons, en blablatant sur les « tentations identitaires actuelles » et en annonçant refuser la « généalogie mythique des nations ».
Il serait pour autant malheureux de s’arrêter à cette piètre introduction et de ne pas reconnaître le grand intérêt de ce livre, qui demeure en réalité franchement classique. Le cadre géographique, celui de la chrétienté latine (mis en regard avec l’empire byzantin et l’islam) est parfaitement traditionnel, la périodisation avec une insistance sur l’Eglise et sur le « tournant grégorien » l’est tout autant, et l’approche thématique adoptée à la fin de l’ouvrage rappelle beaucoup le superbe Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval publié en 1999. Autant dire que cette Nouvelle histoire du Moyen Âge ne prend pas de risque inconsidéré !
Des synthèses passionnantes
La nouveauté, donc, de cet ouvrage réside dans une volonté de présenter certaines des fascinantes avancées historiographiques des dernières décennies : une cinquantaine d’universitaires souvent remarquables a été appelée à proposer au « grand public cultivé » des synthèses très denses. On lira entre autres Jean-Pierre Devroey brosser un tableau de l’économie rurale des VIIe-XIe siècles, essayant de comprendre les choix d’exploitation des terres ou les réactions humaines aux catastrophes ; Claire Angotti raconter l’essor de l’université au XIIIe siècle, portée par la diffusion du savoir ; Jean-Philippe Genet s’intéresser aux « vecteurs de l’idéel », dans une approche de la communication du pouvoir médiéval. S’il est quelque chose que montre le rassemblement de ces travaux dans la Nouvelle histoire du Moyen Âge, c’est, dans la grande tradition française de l’école des Annales, la pénétration de plus en plus avancée des sciences humaines dans l’histoire, et en particulier de l’anthropologie et de ses questionnements.
De ce que nous avons lu, ces contributions sérieuses et spécialisées ne cèdent pas aux lubies woke : réjouissons-nous, car c’est d’ailleurs globalement le cas de l’honorable discipline de l’histoire médiévale française.
Nouvelle histoire du Moyen Âge, sous la direction de Florian Mazel, éditions du Seuil.