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Juillet, sur l’été
« Caresser l’été,
Savoir de l’été
Le poids d’allégresse
Qu’on peut supporter. »
Eugène Guillevic (1907-1997), Sphère (Gallimard)
Août, à propos du charme des petites villes françaises qu’on assassine
« En combien d’infimes bourgades ne me suis-je pas arrêté, entre deux trains ? J’en ai perdu des heures, une par-ci, une par-là, à me promener mélancoliquement dans la grand’rue ou à la buvette de la gare, devant un bock ou un café, à Rosendaël, à Melun, à Sucy-en-Brie, à Gravelines, à Malo-les-Bains, à Sens, à Montereau, à Pierrefitte-Stains, à Crépy-en-Valois, à Creil, à Meaux, à Lagny, à Survilliers, à Gargan-Livry… On devait me prendre pour un touriste fourvoyé. Voilà où vous mène le goût de l’exotisme : à Arnouville-lès-Gonesse. »
Henri Calet, Monsieur Paul. (Gallimard)
Septembre, sur une rentrée
« On conviendra que les nouvelles d’aujourd’hui, entendues il y a vingt ans, nous auraient paru un absurde cauchemar, une mauvaise plaisanterie. Le journal de l’année prochaine ne nous semblerait pas moins inepte et déprimant. Nous le lirons pourtant de notre vivant. Lichtenberg disait sa curiosité de savoir le dernier titre du livre qui serait imprimé. Je crois que personne n’a celle d’assister à l’ultime journal télévisé. »
Baudoin de Bodinat, La vie sur Terre, Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, tome premier (Encyclopédie des Nuisances, 1996)
Octobre, sur la disparition programmée des téléphones fixes et l’époque où ils étaient encore poétiques
« Et aussitôt que notre appel a retenti, dans la nuit pleine d’apparitions sur laquelle nos oreilles s’ouvrent seules, un bruit léger – un bruit abstrait – celui de la distance supprimée – et la voix de l’être cher s’adresse à nous.
C’est lui, c’est sa voix qui nous parle, qui est là. Mais comme elle est loin ! Que de fois je n’ai pu l’écouter sans angoisse, comme si devant cette impossibilité de voir, avant de longues heures de voyage, celle dont la voix était si près de mon oreille, je sentais mieux ce qu’il y a de décevant dans l’apparence du rapprochement le plus doux, et à quelle distance nous pouvons être des personnes aimées au moment où il semble que nous n’aurions qu’à étendre la main pour les retenir. Présence réelle que cette voix si proche – dans la séparation effective ! »
Marcel Proust, Le côté de Guermantes
Novembre, sur la fête des morts
« La mort peut être plus ou moins juste, je veux dire représenter plus ou moins une perte irrémédiable, selon la manière dont on l’accueille. Depuis toujours, la puissance et le nombre nous ont empêchés d’accepter l’unique justice qui est « l’instant précis », ou l’unique morale qui n’est d’autre qu’une réduction de notre être à sa plus simple expression.
La distance infinie qui sépare une statuette cycladique d’un galet, il nous est impossible de la mesurer avec la même aisance que nous le faisons quand il s’agit d’une centaine d’années-lumière. Cela précisément constitue notre talon d’Achille ; et c’est pourquoi nous rivalisons désespérément avec le savoir. Mais la part des dieux, si elle existe quelque part en dehors des religions, est assurément une grâce – mouette dont les ailes oscillent au-dessus d’une immense étendue bleue. Nous faisons semblant de l’effacer, d’avoir trouvé la gomme adéquate. Et après ? Elle, le lendemain de notre perte définitive, elle perdure. Deux ignorances qui ne se touchent pas mais qui pourraient instantanément donner naissance à la lumière. »
L’espace de l’Egée d’Odysseus Elytis (L’Echoppe, 2015, traduit par Malamati Soufarapis)
Décembre, sur Noël
« Noël de France, Noël de mon pays
Des forêts du Nord aux vallées du Midi
Un seul chant montera cette nuit
Au ciel de neige, l’étoile brillera
Pour guider tous ceux qui s’en vont dans le froid
À la crèche, adorer l’Enfant-Roi »
Noël de France, Eddy Mitchell et les Chaussettes Noires (1961)
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