Un recueil de nouvelles est souvent le meilleur moyen d’entrer dans l’univers d’un écrivain, et il serait dommage que vous ratiez celui de Chuck Palahniuk, l’auteur américain le plus innovant de ces dernières années par sa manière de se placer au carrefour de la critique sociale, de la littérature fantastique, du roman noir, de l’épouvante mais aussi de la science-fiction ou de la poésie comme seul l’avait fait avant lui, peut-être, J.G. Ballard. Lire Palahniuk est une manière d’appréhender une Amérique qui vivait déjà, bien avant le 11-Septembre, comme si la fin du monde avait eu lieu. Une Amérique peuplée de freaks qui nous ressemblent pourtant comme des frères, qu’il s’agisse d’escort boys accompagnant des malades en phase terminale ou de fermiers américains rejouant Mad Max avec leur moissonneuses-batteuses.
[access capability= »lire_inedits »] »Téléphones roses, réunions de soutien aux malades, groupes d’aide aux victimes d’addiction… Autant d’écoles pour apprendre à construire des récits efficaces. À haute voix. Pour un public. Et pas simplement pour chercher des idées mais pour les mettre en scène.« , nous dit Palahniuk, surtout connu en France de manière indirecte par Fight Club, le film de David Fincher adapté d’un de ses romans, où l’on voyait un cadre moyen schizophrène, à travers un club secret voué à la baston, parvenir à faire s’effondrer le système financier mondial. Prophétique, vous avez dit prophétique ? Comme c’est prophétique…
Le Festival de la couille et autres histoires vraies
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Savez-vous qui sont les gopnikis ? C’est la caillera de l’URSS gorbatchévienne, quand celle-ci entre en plein effondrement historique, social et idéologique, au milieu des années 1980. On croyait tout connaître de l’horreur des banlieues mondialisée avec les ghettos de L.A. ou les favelas de Rio de Janeiro. C’est que l’on n’avait pas encore fait connaissance avec ces gamins de 13 ans de moyenne d’âge qui ne verront probablement pas le XXIe siècle. Né en 1972, Vladimir Kozlov appartient à leur génération. Il ne théorise pas l’implosion d’un système, ne commente pas et ne cherche pas le pathos. C’est un romancier hautement moral dans son genre. Il se contente, ce qui est la plus belle des exigences, de simplement rendre compte, dans une prose qu’on dirait brûlée par la bière Baltika n°9 ou le Samogon, l’alcool distillé maison, « gris et épais comme du sperme » pour assommer le spleen. Une prose qui boit la lumière et donne aux bastons avec les punks l’allure de combats de zombies. Même les étés au kolkhoze ont quelque chose de cendreux pour ces Racailles et les scènes d’école font davantage penser à l’antichambre de carnages programmés qu’à La Guerre des boutons. Quand on se souvient qu’il s’agissait là des années de la glasnost, c’est-à-dire de la transparence, on comprend toute l’ironie implicite de Kozlov, écrivain au cœur sombre mais à l’œil impitoyable.
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