À ânonner « Je te crois » dans nos rues et à vitupérer contre une prétendue « culture du viol », les militantes de #NousToutes ciblent indistinctement les hommes blancs et hétérosexuels, perçus comme des violeurs en puissance. Ainsi, elles se rendent coupables d’un sexisme à l’envers…
C’est toutes les semaines que les médias nous serinent de ce qu’il y a eu de manifestations féministes dans notre pays. Récemment, le mouvement #NousToutes – fondé par la nouvelle prêtresse autoproclamée de la cause des femmes Caroline de Haas – a « marché ». Aujourd’hui, on ne fait plus que ça, marcher. Et rien de tel qu’une bonne pancarte pour changer la face du monde, pas vrai ?
Sur leurs affiches, on pouvait lire cette fois-ci : « on ne naît pas femme, mais on en meurt » (nouvelle trouvaille), ou encore « notre féminisme est antiraciste » (original !).Un troisième slogan a particulièrement attiré mon attention. Il disait, juste comme ça : « je te crois ». Ce n’est pas la première fois qu’on le déclame haut et fort, celui-là. Mais m’y attardant cinq minutes, j’ai compris pourquoi il me posait tant problème.
La fable du viol « par le regard »
D’abord, et sauf mon respect, il me semble que la croyance de ces militantes marche à deux vitesses. Que font-elles des victimes qui refusent de s’engouffrer dans la victimisation ? Doivent-elles être regardées comme étant moins victimes que les autres ? Autrement dit, faut-il nécessairement marcher, pancartes à la main, aux côtés de ces #NousToutes pour être considérée comme une victime ? Je m’y refuse.
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Ensuite, ce n’est pas que je ne les crois pas, mais simplement il me semble difficile de souscrire à certains amalgames. Je m’adresse ici aux « eye-rappené.e.s ». Ne confondons pas violences conjugales et viol d’un côté, et regards insistants, blagues lourdingues ou drague un poil trop incommodante de l’autre… Comme ça me semble évident, et que j’ose espérer ne pas être la seule à le penser, inutile de s’y attarder outre mesure… Néanmoins, à celles qui croient à la fable du viol par le regard ou à la culture du viol, j’ose rappeler que si l’indifférence ne tue pas, elle meurtrit aussi.
Drôles de guerrières
Le combat des néoféministes n’a pour seule audace que de faire feu de tout bois. Doit-on leur rappeler cependant que, pour accoucher d’un monde meilleur (j’emploie ce mot à dessein), encore faut-il savoir poser les vrais diagnostics et affronter les (vrais) problèmes. Il en faut du courage pour appeler un chat un chat, tracer des frontières et appliquer la nuance. Puis en fait de courage, parlons de lâcheté ! Partout, cette génération de Snowflakes fait l’autruche. Et puisqu’elle ne veut pas être importunée, elle enfouit bien loin la tête dans le sable, forte des néo-concepts de safe space, trigger warning, no-platforming, j’en passe et des meilleurs…
Que vous soyez des guerrières Mesdemoiselles, à la rigueur, pourquoi pas ! Mais pour cela, encore faut-il qu’il y ait une guerre, et sur ce point, je dois bien confesser que non, je ne vous crois pas. D’ailleurs, à moins de souscrire d’emblée à la défaite, on n’envoie pas sur un champ de bataille des soldat.e.s qui s’envolent à la moindre bourrasque ! Vous dites que ce qui ne vous tue pas, vous affaiblit ? D’accord, but not in my name.
Les néoféministes prétendent vouloir vivre dans un « monde où [elles n’ont] pas peur ». Je ne connais encore personne qui m’ait confié vouloir vivre sous le règne de la terreur du matin au soir… Mais c’est pourtant elles qui désormais insufflent partout la crainte. À considérer chaque mâle blanc dominant et patriarcal comme un potentiel agresseur, mon anti-néoféminisme va tourner au masculinisme ! Car, navrée, je n’ai pas moins de peine pour les femmes micro-agressées que pour tous les hommes, d’emblée, injustement condamnés. Et j’en parle en connaissance de cause. On peut avoir été « victime » et se refuser, pour autant, à verser dans le manichéisme. Ce n’est pas incompatible.
Mon expérience avec les frotteurs
Un jour dans la ligne 4 du métro parisien, alors que je suis assise sur un strapontin bancal, deux touristes entrent dans la rame et m’encerclent. L’un des deux écarte les jambes du plus qu’il le peut pour pouvoir effleurer la mienne. Face à mon absence de réaction, il pose – à peine discrètement – sa main sur ma cuisse. La rame était pleine, d’hommes certes, mais aussi et surtout de femmes. Pas une n’a moufeté, pas une ne s’est sentie concernée, pas une n’a levé les yeux ni la voix pour protester. Les mêmes qui, sans aucun doute, élèvent des pancartes dans toutes les rues de France et de Navarre…
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Seul un homme, blanc, cinquantenaire (dominant et patriarcal d’un acabit qu’on n’oserait plus même soupçonner), n’a cessé de regarder avec insistance la scène qui se déroulait sous ses yeux. Puis, il s’est approché de moi, m’a jeté un regard comme pour me dire « j’ai compris, ne t’en fais pas ». Je suis descendue à l’arrêt suivant, il est descendu avec moi et m’a demandé, plein de déréliction et de bienveillance dans les yeux (et nulle part ailleurs, c’est promis), si tout allait bien. Il a sans doute agi comme un père avec sa fille. Saleté de patriarcat !
Je ne sais pas ce qui se serait passé si mon mâle blanc n’avait pas été là, mais ce que je sais, c’est que les hommes aussi, malgré toutes leurs prétendues tares, peuvent être providentiels. De cette histoire, je n’ai retenu qu’une réalité qui, comme toujours, est plus complexe qu’elle n’y paraît : personne n’est là, a priori, pour jouer le rôle du bon ou du méchant. Le suspect n’est pas toujours le bourreau, et la Samaritaine pas toujours bienfaitrice. Nous sommes tous et toutes des hommes, pas des martyres. Ça, je vous le dis, et moi aussi, vous pouvez me croire.
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