Marie Lajus, ancienne préfète d’Indre-et-Loire a été démise de ses fonctions suite aux remontées négatives d’élus.
Nous aurions dû tous être Marie Lajus mais cela ne nous arrivera pas. Cette préfète d’Indre-et-Loire, au parcours remarquable et original, a été démise de ses fonctions par le ministre de l’Intérieur en vertu du « pouvoir discrétionnaire de l’exécutif » dans la gestion de carrière des préfets. Il y a une certaine ironie à ce que ce même ministre ait déclaré que dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier il n’y avait pas eu « d’incident notable » puisque seulement 690 véhicules ont été incendiés et 490 arrestations opérées. Une paille !
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Une tribune et une pétition ont été diffusées au soutien de la préfète limogée. Il est clair que la manière et les raisons de son éviction ont beaucoup choqué bien au-delà de l’univers des hauts fonctionnaires. Parce qu’elle posait des questions d’éthique, de légalité et de fermeté. En gros, pour être une préfète acceptable et acceptée, fallait-il être soumise, forcément cordiale et bienveillante, adepte du compromis et, surtout, sans la moindre aspérité ? Il est possible que sa rigueur dans l’application du droit de l’urbanisme et son exigence pour les contrôles de légalité n’aient pas été les seules causes du mécontentement qu’elle a suscité chez quelques élus de la majorité dans ce département, mais il semble qu’elles ont été essentielles et que, pour le reste, sa raideur et son manque d’empathie ont complété le portrait. Gérald Darmanin, dénonçant des « mensonges », semble cibler plutôt des problèmes de caractère.
Je comprends bien, pour en avoir été parfois le témoin ou les avoir subies, à quel point des dispositions de caractère rigides, inflexibles, peuvent être éprouvantes ; mais l’expérience m’a démontré, en tout cas sur le plan professionnel, que le plus souvent l’alternative se situe entre l’efficacité peu aimable, voire rogue et la bienveillance guère opératoire. En tout cas, j’ai rarement connu des personnalités fidèles à leurs principes et exemplaires qui n’aient pas été mal jugées par ailleurs.
J’imagine bien qu’on aurait préféré une préfète plus souple, ayant davantage le sens politique, moins éprise de la loi, plus « cool »… Mais est-ce à des élus, pour des motifs purement personnels, de faire la pluie et le beau temps et d’avoir tellement d’influence auprès du ministre que ce dernier leur donnera raison ? Contre le soutien qu’il aurait dû apporter à la préfète ? Cela ne montre-t-il pas la distance que le pouvoir a établie avec un respect strict de la loi au profit d’accommodements pas forcément raisonnables ?
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À supposer que son seul mauvais caractère soit le ressort du déplaisir qu’elle pouvait inspirer à quelques-uns, on aurait donc osé se servir du pouvoir discrétionnaire de l’État pour justifier une répudiation aussi peu fondée techniquement et politiquement ? Si nous étions tous des Marie Lajus dans nos institutions et nos services publics, le climat ne serait peut-être pas gai mais la tonalité et les pratiques seraient irréprochables. Il n’y aurait pas l’ombre d’une hésitation à avoir.
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