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Du danger du second degré: désacraliser Notre-Dame

Après Finkielkraut, Michel Pastoureau!


Du danger du second degré: désacraliser Notre-Dame
Michel Pastoureau sur le plateau de "la Grande Librairie" sur France 5 le 25 novembre 2010 © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00610407_000023

Notre-Dame des touristes ou Notre-Dame des fidèles, à vous de choisir!


Dans une tribune du 15 avril au titre tonitruant « Michel Pastoureau : il faudrait déconsacrer (entendez désacraliser) Notre-Dame et la transformer en musée », le quotidien La Croix donne la parole, à trois spécialistes, sur l’avenir de la cathédrale, au moment où se pose, avec sa reconstruction, la question de « la cohabitation » des touristes et des fidèles. Et l’article de prêter au fameux médiéviste Michel Pastoureau la proposition iconoclaste qu’on vient de lire. Aussitôt le monde des médias s’enflamme. Ce ne sont que réactions indignées voire agressives sous la plume de journalistes patentés. Un professeur éminent d’histoire antique va même jusqu’à moucher son confrère. Eh quoi ! À aucun moment, journalistes et lecteurs n’ont pensé à l’ironie de la part de cet éminent médiéviste qu’est Michel Pastoureau, connu de tous, et catholique pratiquant ? La réponse, hélas, est non.

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Étonné de ces réactions violentes, Michel Pastoureau a fait hier une mise au point relayée par La Croix où il s’étonne — il y a de quoi !— des réactions de ses lecteurs devant un texte pas compris. « Mon texte a-t-il été lu » ? s’interroge-t-il. Ou seulement le titre qui dit le contraire de sa pensée ? « Suis-je devenu sénile ? » Que Michel Pastoureau se rassure : son texte n’a pas été lu mais seulement un titre qui rend compte du contraire de la pensée de l’historien. Car imaginer que le texte n’ait pas été compris serait offenser l’intelligence des lecteurs.

Bis repetita

On se souvient de la polémique (le mot est à la mode) au lendemain de l’émission où Alain Finkielkraut, exaspéré par le féminisme agressif d’intervenantes, dont Caroline de Haas, lance la phrase fameuse : « Violez ! Violez ! Et moi, je viole ma femme tous les soirs ». Le Web s’enflamme. Tout le monde de réclamer justice contre ce féminicide. Encore heureux, ai-je écrit dans un article de Causeur, qu’il n’ait pas ajouté : « Et ma femme adore ça ! » De même, Michel Pastoureau « prônerait » l’exode des catholiques, afin de livrer le vaisseau de la cathédrale aux flots incessants de touristes aux tenues décontractées ? On connaît le texte fameux de Montesquieu sur « l’esclavage des nègres » modèle de l’antiphrase dont l’ironie cinglante devait faire réagir contre la traite négrière : ce texte serait aujourd’hui censuré par les associations de défense des droits de l’homme.

Michel Pastoureau dit avoir usé de l’antiphrase « pour mieux exprimer sa colère contre le tourisme de masse et son rituel imbécile de photographier tout, n’importe quoi, n’importe comment. » Il dénonce la main mise « d’autorités de tutelle qui ignorent ce qu’est la foi, le culte, la prière » et « semblent jouer les touristes contre les fidèles. » Est-il normal, en effet, que d’un car débarque, les jours de Semaine sainte, un flot de touristes exotiques dont la forêt d’écrans au bout de leurs bâtons empêche les fidèles de participer à l’office, par leur invasion bruyante et irrespectueuse ? 

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Le 22 avril, la Croix fait « une mise à jour » : « Michel Pastoureau souhaite apporter des précisions » sur ses propos. Il ne s’agit pas de précisions mais d’un titre fautif du journal. Cette histoire doit nous mettre en garde contre les lectures hâtives que nous faisons des textes et des articles.

Quant à la langue de Voltaire, si elle se contente de donner des ordres : « Restez chez vous, ne pensez plus, prenez soin de vous », le président Macron aura eu raison : on sera vraiment passé, en France, d’un monde à un autre.

L’esprit des Lumières dont on se gargarise, c’est en premier, l’ironie, parce que l’ironie est une arme contre l’idéologie, le fanatisme et la bêtise. Il est étonnant que cette ironie — la marque de fabrique de l’esprit français — se soit retournée si vite et inconsidérément contre un historien éminent qui l’a maniée de façon si claire afin d’exprimer sa colère et nous faire réagir. L’ironie serait-elle devenue, décidément, le sens interdit de la pensée française ?



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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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