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Notre-Dame: Apocalypse badauds

Notre-Dame de Paris, entre rancœur, espoir et dépit


Notre-Dame: Apocalypse badauds
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Entre rancœur, espoir et dépit, Notre-Dame de Paris était au cœur des préoccupations aujourd’hui. L’apolitique des pierres brûlées.


La flèche de 90 mètres est tombée. Au-dessus de l’autel, on voit le trou rouge. Mais l’autel est intact. La croix est intacte de la Pietà. Le grand orgue est sauvé. La structure principale a tenu bon. Les vitraux sont sauvés. Dehors, les tours fidèles sont debout. Grâce à la ligne d’eau des pompiers, que de trésors mis en sûreté ! Rendons hommage à l’intelligence et au courage de ces pompiers. Quant à l’Etat, il « assumera sa part de responsabilités », a dit le ministre de la Culture Franck Riester.

Notre-Dame 2024

Un conseil des ministres s’est donc tenu, ce matin, pour la reconstruction de Notre-Dame. Une souscription nationale et internationale va être lancée. Nul doute qu’un élan de générosité sans pareil réunira bientôt tous les Français. En attendant, les architectes Didier Rykner et surtout Alexandre Gady ne cachent pas leur colère dénonçant l’incurie de la mairie de Paris : « On fait du festif, on s’amuse, et puis un jour la facture arrive. » En 2024, on va dépenser des millions pour des JO : l’incendie de Notre-Dame, lui, va faire des milliers de touristes en moins. C’est quand il vient à manquer que l’amour se fait sentir : hier, la maire de Paris et Franck Riester avaient des visages malheureux. Un peu cyniquement, pourrait-on dire que le feu du ciel n’aurait pas été inutile si Notre-Dame se refaisait aussi une toilette spirituelle ? Peut-être n’en pouvait-elle plus de tous ces Nikon au bout de bâtons la photographiant sans pudeur pour si peu d’argent dans les troncs et les panières dominicales ?

« Il ne faut pas reconstruire »

On n’en finirait pas de dire ce que représente Notre-Dame à travers neuf siècles d’histoire. Épargnée pendant la guerre, il s’en est fallu de peu qu’elle succombât, hier, à un incendie interne. Cet incendie, on l’a dit, est lourd de symboles. Il suffisait d’écouter les propos des badauds entre Apocalypse et inconscience. L’un disait : « Une amie proche est en train de nous quitter… On l’a vue partir… Il ne faut pas reconstruire. » Un autre : « C’est une page d’histoire de France qui se tourne. » Un spécialiste des religions bavardait un peu à tort et à travers devant le feu qui se propageait : « Il faut raison garder et reconstruire, songer que, au cours des siècles, des églises brûlaient régulièrement… L’Archevêque de Paris est médecin, il a vu des horreurs… Ça fera du travail pour les gens… On peut dire la messe sur des cageots… » L’historien, sans doute ému, oubliait que Monseigneur Aupetit n’est pas pompier.

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Un couple avec ses enfants avait prévu de passer la nuit pour « admirer » ce qu’on ne voit qu’une fois dans sa vie : Notre-Dame brûler. Comme la nuit serait longue, a dit le père, on s’est bien couvert et on a pris des sandwichs pour les enfants. Avec le portable. Qu’ils vivent ça le mieux possible. C’est ça, l’Apocalypse : la société du spectacle.

Et sur ces pierres je bâtirai mon église…

L’incendie a pris dans « la forêt » de la cathédrale. Ces chênes que les compagnons allaient chercher, au XIIIe siècle, dans la forêt domaniale d’Île de France. Forêt primaire dont on ne retrouvera plus la pareille. Le travail humain qui a coûté tant d’années peut être détruit en peu de temps. Mais on reconstruira la cathédrale parce que nous sommes un peuple de bâtisseurs.

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On entendait dire aussi devant les flammes qui brûlaient les pierres : « Les pierres ce n’est rien. C’est nous, les pierres vivantes. » Certes. Mais faut-il rappeler que, dans L’Ancien Testament, Dieu demande à David de lui construire une demeure car il veut planter sa tente parmi nous ? Pour que nous vivions avec lui et l’honorions, non pas à la sauvette ni sur des cageots mais dans la beauté, et le respect ? Ce ne sont que des pierres… Il faut relire le livre magnifique de l’architecte Fernand Pouillon : Les pierres sauvages. Dans la nef de Notre-Dame, un foyer brûlait encore, au bout de la nuit.

Il est revenu le temps de Victor Hugo

Celui qui eut une parole juste, ce fut Jack Lang qui a vu, raconte-t-il, depuis l’Institut du Monde arabe, la façade orientale de Notre-Dame brûler : d’une voix grave et émue, il a parlé « d’un grand jour de deuil et de pleurs ». Tout était dit. Quant à Gautier Capuçon, il est venu jouer du violon, ce matin, sur un bout de trottoir, pour Notre-Dame: Après un rêve de Gabriel Fauré. Comme autrefois Rostropovitch avait joué devant le mur de Berlin. Il y a eu aussi un grand gagnant littéraire : Victor Hugo dont le roman Notre Dame de Paris a fait un succès de librairie aujourd’hui.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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