Le président Macron a court-circuité le ministère de la Culture afin d’annoncer une reconstruction rapide de Notre-Dame. Cette précipitation n’annonce rien de bon, car une restauration à l’identique exige une réflexion poussée sur l’identité profonde de l’édifice.
En novembre 1793, une jeune actrice se produisait sur un rocher en carton-pâte installé dans le chœur de la cathédrale profanée, devenue alors le « temple de la Raison ». On sait que cette raison-là n’a pas mieux réussi à Notre-Dame qu’ailleurs, il était déjà trop tard dans le siècle et les Lumières s’éteignaient partout : l’édifice fut ainsi dévasté par le vandalisme jacobin, dont l’iconoclasme en annonce d’autres, plus contemporains.
Après l’incendie du 15 avril dernier, la Raison n’a pas non plus refait surface. Tandis que Madame Hidalgo, nostalgique de la Commune de 1871 qui a mis le feu, en vain, à la cathédrale, se prosternait quasiment devant la relique de la couronne d’épines du Christ, Jean-Luc Mélenchon, pourtant un des derniers zélateurs du terrorisme jacobin, pleurait la vieille cathédrale ! Quant au président de la République, il était frappé d’une nouvelle bouffée d’hybris : mélangeant tout avec une incompétence exaltée, il annonçait pour « rebâtir » (sic) Notre-Dame des délais absurdes, des embellissements douteux, allant jusqu’à rallumer un nouvel incendie avec l’idée baroque de lancer un concours international pour la nouvelle flèche. Ce n’était sans doute pas encore assez, et le gouvernement devait parachever le tout par l’élaboration d’un projet de loi d’exception rédigé pendant que la cathédrale fumait encore, et nommer un général d’armée à la retraite pour diriger le tout – nous aurions préféré pour notre part l’énergique Monsieur Benalla !
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Ce faisant, le gouvernement a fait une seconde victime : le ministère de la Culture, si absent de la séquence, alors qu’on touche ici au cœur de son métier. L’actuel locataire de la Rue de Valois a-t-il compris les enjeux politiques que sous-tendent ces décisions exceptionnelles ? Après le loto de Stéphane Bern, voilà maintenant la reconstruction de Notre-Dame qui lui échappe : c’est ainsi tout le système traditionnel des Monuments historiques qui est mis en danger. La culture du coup politique et de la communication permanente amène à ne plus utiliser les services existants, que le contribuable paye pourtant, et dont l’expérience accumulée depuis 1830 n’est pas négligeable, malgré quelques limites régulièrement dénoncées. Dans le domaine complexe de la restauration, qui met en jeu des questions à la fois
