La contribution du XIXe siècle – et notamment de Viollet-le-Duc – est dénigrée par certains, qui souhaiteraient faire de la cathédrale Notre-Dame une bimbeloterie contemporaine.
L’archevêché de Paris a surpris tout le monde au sujet de Notre-Dame. Un groupe de travail interne vient de présenter aux prêtres du diocèse l’état de ses cogitations non encore officielles, mais ayant largement fuité. Les ecclésiastiques envisagent tout bonnement de demander un grand réaménagement intérieur de la cathédrale s’avérant non seulement coûteux, mais aussi très destructeur sur le plan du patrimoine. Ils voudraient d’abord qu’on enlève les vitraux des bas-côtés, créés et implantés par Viollet-le-Duc, pour mettre à la place des choses plus branchées. Ils souhaiteraient remiser le mobilier d’époque, tels que confessionnaux et autels, également dessinés par le maître et ses collaborateurs. L’aggiornamento s’étendrait même probablement à des statues et peintures d’artistes associés à Viollet-le-Duc. Tant qu’à faire, on se débarrasserait des modestes chaises paillées actuelles au profit de bancs imaginés par des designers et rehaussés de leds, à la façon des parkings, pour repérer de loin un espace libre. Des dispositifs de projections sur les parois et les voûtes permettraient enfin une communication évangélique en format XXL.
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Tout le problème avec Notre-Dame, on l’a assez dit, est que beaucoup de gens, même éminents, ignorent ou dénigrent la contribution décisive du XIXe siècle et de Viollet-le-Duc. Notre-Dame est, certes, une cathédrale du XIIIe siècle, mais elle est aussi et surtout, jusque dans les moindres détails, une cathédrale du XIXe siècle. Ce serait absurde et d’une grande vulgarité de mettre à la place de ce legs une bimbeloterie contemporaine. La Charte de Venise, traité international qui régit la protection du patrimoine, nous impose d’ailleurs de respecter l’œuvre des artistes d’autrefois.
Puisse la ministre de la Culture tenir le cap de la défense du patrimoine !
Déjà, dans les années 1960, d’autres vitraux de Viollet-le-Duc, jugés insuffisamment gais, sont malencontreusement déposés. Les années Malraux (1959-1969) sont, on le sait, des années noires pour le patrimoine. Des verrières plus modernes sont alors commandées à un certain Jacques Le Chevallier qui prétend « renouveler l’art du vitrail » en « renonçant à la figuration » et en faisant des choses « extrêmement simples ». En réalité, avec le recul, on voit que sa verroterie est surtout simpliste. Disons-le, c’est très moche. C’est du moderne qui a mal vieilli. Heureusement, ces verrières sont placées si haut qu’elles ne sont pas très gênantes. Si on en avait la possibilité, le mieux serait cependant de réimplanter les verrières d’origine de Viollet-le-Duc. À défaut de pouvoir réaliser ce rêve, le bon sens exige d’éviter de gâcher ce qui reste.
Roselyne Bachelot a d’ores et déjà exclu la possibilité de retirer les vitraux classés. C’est le plus important et il faut se réjouir de son intervention claire et nette. Souhaitons que la ministre de la Culture continue à tenir fermement le cap de la défense du patrimoine à Notre-Dame.
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