Nous nous souvenons du 15 avril 2019 comme si c’était hier, lorsque l’entame du crépuscule se transforma en un brasier de désolation. Notre-Dame, joyau architectural et lieu de culte, prenait feu dans la stupeur générale, avant que la chute de sa flèche ne lui fit perdre en hauteur. Heureusement, la structure du bâtiment le plus prestigieux de Paris se fut trouvée intacte et la France commence à célébrer la réouverture de celle dont l’aura fut renforcée par Victor Hugo. La cathédrale, avec laquelle chacun a noué un lien intime, nous rappelle l’exigence de verticalité.
Pendant longtemps, notre société, qui assistait aux offices religieux, était verticale par le simple fait de sa foi partagée. L’espérance d’un au-delà allégeait les souffrances, ancrait le passage terrestre dans une éternité céleste, promettait la justice, fût-elle dans un autre monde. Dans cet univers de pensée, tout convergeait vers Dieu, de l’architecture aux prières. Las, il ne demeure aujourd’hui à nos pieds que les décombres accumulés par le wokisme.
L’absence actuelle de verticalité découle aussi de la dévalorisation de l’enracinement, à l’heure où le nomadisme – celui des migrations et du tourisme de masse – est porté aux nues, avec pour conséquence de voir les individus souffrir de ne pouvoir encore être de quelque part et d’être considérés comme suspects lorsqu’ils veulent s’inscrire dans une lignée historique. N’est-ce pas d’ailleurs dans cette absence d’ancrage et de sédimentation qu’il faut trouver la cause de l’état de dépression généralisée de la société ? Rien n’est en effet plus beau que d’imprimer ses pas dans ceux de ses aïeux et ancêtres.
A ne pas manquer, Pierre Lamalattie: Notre-Dame ressuscitée
Le morne paysage offert par les post-modernes est par trop horizontal à ne plus vouloir répandre que le bruit et la cacophonie, celle des élus de La France Insoumise, des klaxons et de la mauvaise musique, alors que les notes de Bach s’élevaient vers l’immortalité – ce n’est pas un hasard si Cioran disait de ce dernier que Dieu lui devait tout. En entreprise, on vante aujourd’hui le bonheur au travail, l’absence de hiérarchie, les open spaces, l’inclusivité – sorte de communisme ludique -, tout sauf le travail, la mission collective ou la vision d’un chef.
Tel un symbole, il n’est qu’à observer le manque de hauteur de beaucoup d’hommes qui ne se tiennent plus droit, comme s’ils souffraient d’une carence en légitimité et en fierté. Il reste du travail aux ostéopathes et aux kinésithérapeutes pour les redresser afin qu’ils portent le poids du monde plutôt que de se faire écraser par celui-ci. Signe qui ne trompe pas, il y a bien longtemps que nombre d’entre eux ont laissé tomber la très verticale cravate.
L’horizontalisme est un des synonymes de l’égalitarisme ambiant au nom duquel tout est nivelé, forcément par le bas, pour ne pas dire le très-bas. À l’aune de ce relativisme, il est désormais difficile d’encore dénicher la beauté seule à même de sauver le monde, de bâtir des cathédrales et d’établir une hiérarchie entre un borborygme et une symphonie, une copie truffée d’approximations syntaxiques et un roman de Stendhal, le chahut d’un étudiant et le savoir professoral. Or, une civilisation qui tranche ce qui dépasse, qui considère que tout se vaut et qui refuse de prendre de la hauteur est condamnée à mourir sans panache. Alors, renouons avec la verticalité et prenons les pierres jonchant le sol pour bâtir les édifices qui perpétueront notre héritage commun. La réouverture de Notre-Dame devrait en cela profondément nous inspirer.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !