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Abandon de Notre-Dame-des-Landes: ça ne coûte rien, c’est l’État qui paye !


Abandon de Notre-Dame-des-Landes: ça ne coûte rien, c’est l’État qui paye !
Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, juin 2017. SIPA. 00809438_000055

Notre-Dame-des-Landes est un tonneau des Danaïdes financier… qui pourrait absorber encore plus d’argent public en cas d’abandon.


On nous annonce une décision imminente d’Emmanuel Macron concernant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Celle de l’abandon qui semble tenir la corde, serait le symbole d’une invraisemblable gabegie, politique et financière. 50 ans d’études préalables, des années d’analyse, de recherches, d’expertises, d’études d’impact, de déclarations d’utilité publique, de mise en concurrence, de décisions administratives exécutoires, près de 150 décisions de justice établissant la régularité de ces procédures… ont débouché sur le choix d’opérateurs privés chargés de la réalisation et de l’exploitation de l’équipement. Après huit ans de palinodies et de lâchetés politiques, de nouvelles études, de référendums locaux, on semble se diriger vers un naufrage, dont personne n’aborde sérieusement la dimension financière.

Ce serait pourtant la moindre des choses. On imagine d’ores et déjà ce que toutes ces années ont coûté à la puissance publique, mais en ces temps d’exigence de transparence, on aimerait connaître le montant cumulé des chèques que l’État va devoir signer. Pour que Nicolas Hulot reste au gouvernement et que les télévisions ne filment pas d’affrontement avec les zadistes qui occupent la zone.

Pour annuler, il faut payer!

Rappelons les principes de ce que l’on appelle le partenariat public-privé (PPP), procédure utilisée pour la construction de cet aéroport. Pour construire et gérer un équipement public, la puissance publique peut en confier la conception, la réalisation et l’exploitation à un professionnel privé dont c’est le métier. Celui-ci va remplir cette mission en contrepartie du versement d’une redevance. On remplace une dépense d’investissement par une dépense de fonctionnement. Ce qui soulage le maître d’ouvrage public qui redevient cependant propriétaire de l’équipement à la fin du contrat. Mais, bien évidemment, les sociétés privées y viennent pour réaliser des profits. Il m’arrive de le regretter mais je rappelle que la France est toujours un pays capitaliste. Par conséquent, le prestataire sera choisi après une procédure de mise en concurrence suivie de négociations. Le calcul du montant de la redevance est une question très importante qui doit faire l’objet d’un soin particulier. Et c’est ainsi qu’en France, on construit des écoles, des collèges, des gendarmeries, des hôpitaux ou des stades.

Mais, dans ces montages, il faut savoir que la puissance publique bénéficie d’un privilège exorbitant du droit commun. Elle peut décider de résilier les contrats, pourtant déjà signés, pour un motif d’intérêt général qu’elle apprécie souverainement. Il y a cependant une contrepartie à cette prérogative exorbitante : il faut indemniser les opérateurs privés, de toutes leurs dépenses et investissements non amortis, mais également leur payer le bénéfice qu’ils auraient réalisé pendant 30 ans si l’opération s’était faite et le contrat exécuté. Elle n’est pas belle la vie ? « Si l’on arrête les frais » comme l’avait élégamment demandé Ségolène Royal, il faudra prévoir, en plus de ce qui a déjà été gaspillé, quelques menues dépenses pour le contribuable, environ 3 milliards d’euros, hypothèse basse…

Notre-Dame-des-Landes, déjà une catastrophe politique et juridique

Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire, qu’avant la signature du contrat, j’ai diligenté pour le compte de collectivités locales opposées au projet, les instances devant le Conseil d’État, tendant à l’annulation de la déclaration d’utilité publique (DUP). Mais à partir du moment où les procédures et les décisions administratives ont toutes été validées par les juridictions, et le contrat signé, il est indispensable que le partenaire de l’État puisse compter sur le respect de sa signature par celui-ci. Par conséquent, soit on réalise l’équipement, soit on fait un très, très gros chèque. Il est anormal que cette question ne soit jamais abordée dans le débat.

Nous avons déjà une catastrophe politique où l’on a piétiné toutes les procédures légales, toutes les décisions régulières, passé outre les décisions des collectivités locales représentatives. Le tout pour céder à une minorité bruyante, ce qui est plus qu’une mauvaise action, une imposture.

Nous avons aussi une catastrophe juridique qui pulvérise les principes généraux du droit, en particulier ceux de « sécurité juridique » et de « confiance légitime » dont les citoyens sont fondés à attendre le respect. On va y ajouter dans une opacité construite un gaspillage de fonds publics éhonté. Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’une solution alternative sera mise en œuvre avec l’extension de l’aéroport Nantes Atlantique. Celui-ci est coincé entre l’agglomération de Nantes et une zone humide exceptionnelle. Un tel projet serait l’objet des mêmes oppositions, de riverains, d’écologistes, de décroissants et de punks à chiens. Dans 15 ans on y sera encore. En ayant gaspillé encore plus d’argent.

Souviens-toi d’Ecomouv

Pour mesurer l’ampleur du problème, et constater que, comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron pratique la transparence dans le brouillard, revenons quelques instants sur l’affaire Écomouv. Ce sera aussi l’occasion de taper sur Ségolène Royal, multirécidiviste dans le gaspillage des fonds publics. La mission d’Ecomouv était de mettre en place les outils de saisie du passage des camions sur le réseau routier (portiques, systèmes informatiques embarqués, plates-formes informatiques, etc.) et ce sur l’ensemble du territoire national. Ensuite de procéder au calcul, d’identifier les assujettis, de les contrôler et de prendre en charge la perception et le recouvrement d’une taxe à vocation écologique. Comme l’ont fait plusieurs pays d’Europe. Ce contrat nécessitait des investissements initiaux importants (800 millions d’euros) et la mise en place d’un outil technique et humain assez lourd, prévoyant naturellement l’embauche d’un personnel important chargé d’accomplir ces tâches. Tout avait été réalisé, les portiques installés, les camions équipés, les personnels embauchés etc., etc.

Face à la fronde des « bonnets rouges » la madone du Poitou a immédiatement calé et résilié le contrat. Suivant le vieil adage du père de ses enfants : ça ne coûte rien, c’est l’État qui paye. On ajoutera à ce qu’il a fallu payer pour indemniser les opérateurs privés, le coût qu’a dû représenter le transfert en province de 1500 fonctionnaires des douanes chargés de gérer la partie publique du système. Nouvelle installation, mutations et déménagement des agents, le tout étant fort normalement à la charge de l’État. Il serait intéressant de savoir ce qu’ils sont devenus. Personne n’ayant fait les additions et en particulier l’instance pourtant chargée de le faire, la Cour des Comptes, on est obligé d’évaluer au doigt mouillé. Difficilement moins de 2 milliards d’euros.

À propos d’Écomouv, les attentifs ont découvert récemment l’existence d’un joli tour de passe-passe concocté par Bercy. Le Parquet national financier (PNF), vous savez l’instance impartiale qui a exécuté en urgence la candidature présidentielle de François Fillon, avait pensé redorer son blason en annonçant à grand son de trompe la fixation d’une amende à la charge de la banque HSBC de plus de 350 millions d’euros en contrepartie de l’abandon des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale contre l’établissement. Le caractère rondelet de la somme a valu quelques compliments au PNF. Une telle recette dans les caisses de l’État, c’était une bonne nouvelle. Le problème c’est qu’ils n’y sont pas restés longtemps les 350 millions. Une petite ligne du budget adopté par le Parlement en décembre dernier nous a appris que la somme a servi immédiatement à régler le solde (je dis bien le solde) de ce qui était dû à la société Écomouv…

Une « clause bizarre »

Une recette, une dépense, et tout le monde est content ? Ça se discute, parce que cette acrobatie jette une lumière particulière sur l’utilisation du PNF par le pouvoir, sur le coup d’éponge pénal dont a bénéficié HSBC, et parce que cette façon opaque d’éponger les conséquences d’une gabegie politique n’est pas vraiment glorieuse.

Revenons à Notre-Dame-des-Landes, ou face au brouhaha que risque de provoquer la possible annonce de l’abandon, il vaudrait mieux que la question des conséquences financières ne vienne pas sur le tapis.

Alors on va utiliser la bonne technique de la « fake » news, en balançant un nanard prétendant que l’État vient de s’apercevoir, huit ans après sa signature qu’il y aurait une « clause bizarre » dans le contrat signé avec l’opérateur susceptible de le faire « annuler ». Les médias relayeurs s’abritent derrière les déclarations d’un « ministre anonyme » pour nous offrir ce baratin, qui abrite une énormité juridique. S’il existait vraiment une clause « léonine » dans ce contrat, il y a probablement longtemps que l’État, qui n’a quand même pas signé un bandeau sur les yeux, s’en serait prévalu. De toute façon, si ladite clause était annulable, elle serait considérée comme détachable du contrat qui, lui, se maintiendrait. Enfin, pour avoir travaillé sur plusieurs dizaines de dossiers de ce type, je sais bien que cette clause est habituelle et à ma connaissance n’a jamais donné lieu annulation par les tribunaux administratifs.

A lire aussi: Emmanuel Macron et la « fake » liberté d’expression

Alors, malgré ma connaissance du dossier, je n’ai pas d’avis tranché sur l’utilité indiscutable de cet équipement. Mais je constate que toutes les procédures mises en place dans un État de droit ne pèsent pour rien face à l’agitation d’une minorité, et qu’une fois de plus des décideurs politiques, pour financer leur lâcheté, vont être très généreux avec l’argent des autres.

En l’occurrence le mien, celui du contribuable que je suis. Et qui aurait dû être mieux employé.



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