Plus d’un jeune Français sur 5, après des années passées dans les murs de l’école de la République, se trouve dans une situation d’insécurité linguistique globale à l’oral comme à l’écrit. Cette insécurité obscurcit durablement son horizon culturel et professionnel. Échec scolaire, errance sociale, voilà où les a conduit l’incapacité de mettre en mots leur pensée avec précision et de recevoir celle de l’Autre avec vigilance. Pour tous ces jeunes gens et jeunes filles, la défaite de la langue c’est aussi la défaite de la pensée et le renoncement à tout engagement pacifique.
Que l’on ne se méprenne pas ! Je ne plaide pas pour une servile obéissance à une norme immuable. Je ne me lamente pas sur la pureté perdue d’une langue que tout changement pervertirait. Dénoncer l’insécurité linguistique, ce n’est pas stigmatiser les fautes d’orthographe et de grammaire. Ce n’est pas, non plus, pester contre les innovations lexicales. En matière de langage, la nostalgie est toujours mauvaise conseillère… Ce que je dénonce, c’est qu’aujourd’hui trop de jeunes soient privés de mots suffisamment nombreux et précis, de structures grammaticales suffisamment rigoureuses et de formes d’argumentation suffisamment articulées pour imposer leur pensée au plus près de leurs intentions et pour accueillir celle des autres avec infiniment de lucidité et d’exigence.

Une école de la République trop complaisante
Reclus dans leur entre-soi, ils n’ont connu que promiscuité, banalité et indifférence ; leur horizon de parole limité a réduit leur vocabulaire et brouillé leur organisation grammaticale. Ce sont les « pauvres » du langage, impuissants à défendre leurs points de vue, incapables
