Le professeur et écrivain Pierre Jolibert vous parle de ses années Causeur…
À quoi tient qu’on retrouve la marque d’Élisabeth Lévy dans tout ce qu’elle entreprend ? Dès que j’ai lu son « Kosovo, l’insoutenable légèreté de l’information », un des plus grands bonheurs de ma vie d’étudiant, je l’ai suivie le plus fidèlement possible, sur ondes ou papier. Sur le vif ou de l’escalier, l’esprit est demeuré le même, et s’il peut animer toute une équipe, c’est qu’il n’est pas imposé, puisqu’il se trouve que « vous n’êtes pas d’accord ».
Eugénie Bastié, qui y a fait ses armes, s’inquiétait il y a peu dans un entretien: « Il y a un nouveau politiquement correct de droite qui est en train de naître. » Causeur nous handicape : le lecteur qui ne se rend qu’ici a du mal à ne pas s’étonner de cette idée, même en l’élargissant. Comment ? Une pensée unique à droite ? Où ça ? Et qu’il soit difficile de la voir et de l’imaginer n’est pas seulement dû à la présence permanente ou occasionnelle de voix de gauche diverses au long des 100 numéros que nous fêtons.
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De façon plus ou moins manifeste, les grands moments de tension et d’emballement donnent lieu à la même interrogation : les faits ; les opinions ; la conscience qu’ont celles-ci de ce qu’elles sont et font. Causeur a pour réputation d’être un média d’opinions, mais la question des faits y est assez souvent posée, comme il a été vu récemment à propos du président Sarkozy.
Quant aux opinions, en plus de leur tolérance, la sagesse a tout l’air de vouloir qu’il ne soit pas si grave qu’elles s’ignorent. Cyril Bennasar n’a pas détrompé le boucher qui semble le confondre dans sa clientèle bobo courante. Son récit m’a étonné, charmé et réconcilié avec le malentendu, la maldonne, les jugements de travers. Nous vivons dans le faux ; et si la rectification des faits stricts selon leur stricte exactitude est un devoir absolu, pour le reste il est peut-être inévitable, voire indispensable à l’équilibre même du monde, de s’accommoder, tant qu’elles ne versent pas dans le délire accusatoire dangereux, des erreurs d’appréciation. (Et pourtant, combien je regrette de m’être dit trop tard que P. commentait sous son vrai nom.)
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
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