Accueil Monde Non, les Britanniques ne veulent pas vraiment « cancel » « 1984 »

Non, les Britanniques ne veulent pas vraiment « cancel » « 1984 »

... mais la folie "woke" gagne de nouveaux sommets


Non, les Britanniques ne veulent pas vraiment « cancel » « 1984 »
D.R.

Une information mal interprétée en provenance du Royaume Uni a fait jaser dans les chaumières (numériques) de la France.


Tout est parti d’un article publié le 23 janvier par l’avatar dominical de The Daily Mail, article qui révèle qu’une université anglaise, celle de Northampton, a formulé un avertissement – un « trigger warning » dans le jargon wokiste – à propos du chef-d’œuvre romanesque de George Orwell, 1984. Se laissant un peu emporter par leur zèle dénonciateur, les internautes français n’ont pas toujours saisi très clairement de quoi il s’agissait.

Tout un programme

L’université en question ne cherche pas à censurer ce livre d’Orwell qui constitue lui-même un avertissement contre les différentes formes que peut prendre la censure – Big Brother, novlangue, police de la pensée – quand elle est pratiquée par un système totalitaire. Au contraire, le livre figure au programme d’un cours. Le vrai problème est que ce cours porte sur les liens entre le sexe, la violence, le genre, la race, le langage offensant et la politique.

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Son titre, « L’identité en construction » (Identity under Construction), est tout un programme aussi bien que tout un poème progressiste. Les étudiants tentés de prendre cette option sont donc invités par l’université à comprendre que tous les ouvrages au programme, qui comprend aussi la pièce de Samuel Beckett, Fin de partie, peuvent heurter les sensibilités délicates. C’est là tout le sens du terme « trigger warning », littéralement « avertissement de déclenchement », qui indique qu’une œuvre d’art peut déclencher un trauma chez une personne fragile sur le plan psychologique.

Sensiblerie britannique

Ainsi, la problématique en jeu ici n’est pas la censure, mais la sensiblerie délicate des étudiants. A l’époque antédiluvienne où j’étais étudiant, si on m’avait dit qu’un cours parlait de sexe et de violence, je l’aurais choisi tout de suite. Une telle publicité aurait déclenché une ruée vers les inscriptions.

Maintenant, les jeunes sont encouragés à croire qu’ils sont essentiellement fragiles, et que tout ce qui sort de l’ordinaire peut les choquer. Le terme inventé par la méchante génération du baby boom pour décrire leurs enfants et petits-enfants est snow flakes, « flocons de neige » : au moindre contact avec une notion désagréable, ces mauviettes se liquéfient.

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Certes, on peut sur-jouer le numéro « Nous, on était des durs à cuire. » Certes, il y a un petit nombre de personnes parmi les étudiants qui ont déjà souffert de réels traumas dans leur vie. Là où le bât blesse, c’est que le système pousse généralement les individus à se considérer comme vulnérables, à leur fournir des prétextes pour éviter tout ce qui est un peu déplaisant dans la vie. Dans les établissements scolaires, dans les universités, le mot sur toutes les lèvres est « bien-être mental » (mental wellbeing). Ce bien-être mental doit être protégé à tout moment, quoi qu’il en coûte, et le prétexte de cette protection permet d’éviter au besoin les questions difficiles, les matières difficiles et jusqu’aux épreuves scolaires difficiles. Notre 1984 contemporain, ce n’est plus seulement la dictature des hommes forts, inspirés par la volonté de puissance ; c’est aussi la dictature des jeunes faibles, inspirés par la volonté de larmoiement.



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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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