Les Écoles Normales Supérieures (ENS), jadis traditionnels foyers de culture classique, servent désormais de support à l’écriture inclusive.
Dernier front ouvert par le féminisme dans son combat eschatologique contre le patriarcat, la langue française doit affronter les assauts outranciers de l’écriture inclusive. Si cette nouvelle lubie ne rencontrait pas un large consensus dans les cercles universitaires, elle prêterait à sourire. Or, les Écoles Normales Supérieures (ENS), jadis traditionnels foyers de culture classique, servent désormais de support à l’inclusivité.
Progressivement, l’écriture inclusive s’y est diffusée au point d’y devenir l’orthopraxie à laquelle il faudrait se conformer.
Défigurer l’orthographe à coups de points
Les rapports de jurys, les courriers officiels, les mails de professeurs ou les conversations de classe se sont tout à tour convertis à l’écriture inclusive. Dans ces écoles censées former la future élite universitaire, refuser l’écriture inclusive revient même à être classifié « ennemi de l’égalité », étiquette aussi peu enviable que les « ennemis du peuple » en régime communiste. On ne peut déclarer « cela va nuire aux étudiants » sans devoir ajouter précipitamment « et aux étudiantes ». Tout doit sans cesse être féminisé sous peine de froisser son interlocuteur ; l’attention doit être constante. Par un habile retournement de stigmate, d’oppressés les partisans de l’inclusif deviennent ainsi oppresseurs. Versant dans le sectarisme, ils n’hésitent pas à mettre au ban tous ceux qui refusent de défigurer l’orthographe à coups de points.
Une langue imprononçable
Le point médian est en effet la forme prédominante de l’écriture inclusive. On devrait par conséquent écrire : « Tou·te·s les étudant·e·s concerné·e·s doivent lire Causeur ». Les limites de cette écriture sautent aux yeux. En plus de rendre la phrase difficilement lisible, le point médian la rend imprononçable. Mais, de façon plus surprenante, les critiques à cette écriture existent également parmi les tenants de l’inclusivité.
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Le point médian paraît effectivement ouvrir deux options dans la lecture d’un mot : soit on le considère comme masculin, soit comme féminin. Qu’en est-il dès lors des personnes non-binaires, qui ne s’identifient ni au masculin ni au féminin ? Ne seraient-elles pas elles aussi discriminées par cette écriture ? La fièvre de l’inclusion pousse à aller toujours plus avant dans la déstructuration de la langue. Aussi, afin que les non-binaires se sentent pleinement inclus, il fallait trouver une solution géniale. Eurêka, utilisons la majuscule ! Il ne faut alors plus dire « les étudiant·e·s » mais « les étudiantEs ». Lumineuse trouvaille…
« Iel » ou « elleux » ?
Et la folle évolution de l’écriture inclusive ne s’arrête pas là. Un nouveau jargon devait encore émerger pour rendre l’inclusif prononçable et lisible. Véritable attentat contre la langue, ce sabir consiste à créer de toute pièce de nouveaux mots. Ainsi « celleux » remplace « celles et ceux », « toustes » remplace « toutes et tous », et, plus risible encore, pour ne pas hésiter entre oncle ou tante il convient d’adopter le terme « tancle ». En formulant des phrases avec ces éléments la supercherie retentit : « Iel est allé·e voir saon cousin·e pour ellui remettre un mot. Iel ellui a dit que les jumelleaux s’étaient mis·e·s toustes belleaux pour faire plaisir à celleux qui étaient présent·e·s ». Ne riez pas ! Le jour viendra peut-être où les jeunes générations apprendront docilement ces mutilations ignominieuses faites à notre langue. Dans certains cercles normaliens, ce langage est devenu chose courante. Les termes « iel » ou « elleux » y sont parfaitement intégrés au langage oral, et il est même de très mauvais ton de ne pas les utiliser.
Les ENS ne récoltent que le ridicule
Inutile d’aller jusqu’à ces extrémités pour percevoir les dangers de l’écriture inclusive. Alors qu’une langue tend habituellement à se simplifier, l’écriture inclusive entraîne une complexification des règles d’écritures, complexification qui ouvre une grande confusion quant à certains fondamentaux. La grammaire et l’orthographe traditionnelles en pâtissent.
Ainsi, dans ces mêmes élitistes Écoles Normales l’on voit apparaître des absurdités du niveau collège. À la rue d’Ulm, le document distribué le premier jour commençait par souhaiter « bienvenu·e » aux entrants. Problème, écriture inclusive ou pas, le français dit « bienvenue » sans point médian. De la même façon à l’ENS Cachan le Powerpoint de rentrée appelait les normaliens à devenir « acteur·e·s » de leur diplôme. Dommage là encore qu’on ne dise pas une acteure mais une actrice…
Il apparaît clairement qu’en devenant les idiots utiles de cette pensée égalitariste les ENS ne récoltent que le ridicule. Elles rompent de surcroît avec leur vieille tradition d’excellence en tombant dans les vulgaires pièges du dogme de l’inclusivité. Tout doit être repensé à l’aune de l’idéologie égalitariste et progressiste. Tant pis si cela exclut les réactionnaires de l’ancien monde. Tant pis si l’inclusif n’inclut pas.
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