« La normalité est une expérience plus extrême que ce que les gens veulent communément admettre » nous dit David Cronenberg, comme pour faire écho au nouveau chef de l’Etat qui nous promet d’être un président normal. Qu’est-ce qu’un président normal, me direz-vous ? Eh bien, il me semble confusément comprendre que c’est un président « pas comme Nicolas Sarkozy » : la normalité, en fin de compte, c’est tout ce que n’était pas le précédent.
Ce qui est troublant, somme toute, si l’on se réfère à des définitions simples de la normalité. Sans aller chercher dans la chimie (normalité d’une solution = nombre de moles et blablabla) ou la statistique gaussienne (car je me gausse de l’arithmétique); la normalité, c’est le caractère de ce qui est normal ! Sarko n’était pas normal ? Fou dans la tête, incohérent, excentrique, dépravé, vicieux, mystique, déviant, atrabilaire, copocléphile, eczémateux, insomniaque, que sais-je ?
Le concept est double, paraît-il comme le gras du même tabac. Je lis : quantitativement, conforme au type le plus fréquent, ce qui est dénombré en plus grande quantité et qualitativement : conforme à une norme, une règle, à ce qui DOIT être, en adéquation avec un référent d’ordre supérieur… Résumons: les François Hollande courent les rues et ils correspondent à la Volonté Divine ou peut-être à l’Esprit supérieur de la République (Ah, les mânes de Charles de Gaulle). Faire un régime amaigrissant, distribuer des iPads aux enfants corréziens, sont quelques unes des adéquations catégoriques à la normalité contemporaine.
D’ici quelques années, il faudra sans doute oublier toute symbolique de l’ancien temps, ces âges obscurs et obscurantistes de l’amour des livres, du cassoulet arrosé de Madiran bien chambré, de tante Yvonne et des gaufres à la Chantilly…
Je crains que Cronenberg ne soit encore loin de la réalité : la normalité est un cauchemar.
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