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Non, M. Sarkozy, Éric Zemmour n’a pas une tête de rat!

Cela laisse songeur sur la qualité de celui qui s'est autorisé une telle comparaison...


Non, M. Sarkozy, Éric Zemmour n’a pas une tête de rat!
Université d'été d'Eric Zemmour, Vinon-sur-Verdon (83), 11 septembre 2022 © Louai BARAKAT/SIPA

L’ancien président de la République a reçu à déjeuner le chef de « Reconquête », dans son bureau, rue de Miromesnil, le 6 septembre.


Non, ce n’est pas Jean-Paul Sartre, pourtant spécialisé dans les comparaisons bestiales contre ses adversaires, qui aurait pu écrire cela mais malheureusement c’est Nicolas Sarkozy évoquant Eric Zemmour, si l’information annoncée par Europe 1 et confirmée par Le Figaro et Marion Mourgue est exacte (mais cette réduction à une bête malaimée ne s’invente pas !). Ses propos exacts, tenus en privé, sont les suivants : « Il a une tête de rat qui correspond à ses convictions… » ou « quand on voit ce visage tellement sympathique » ! Dérision et mépris.

Le comble est que Eric Zemmour, qui le souhaitait, a été reçu à déjeuner par le très ancien président rue de Miromesnil et ils ont partagé, paraît-il, leur expérience politique. Quel que soit le complément sur les « convictions », je ne peux pas m’habituer à ce « tête de rat ».

Le passage de Sarkozy dans le camp progressiste est difficile à avaler

Pour qui se prend donc Nicolas Sarkozy ? encore pour le formidable candidat de 2007 qui a tant déçu par la suite ? pour quelqu’un d’infiniment séduisant qui, lui, aurait des certitudes bien ancrées et qui serait la sympathie même ? pour quelqu’un qui aurait une personnalité formidable parce qu’il serait régulièrement avec son épouse, en couverture de Paris Match ? pour un maître en politique alors que dans sa complicité délétère avec Emmanuel Macron, et les couples étant de la fête, c’est lui qui s’est fait flouer ? pour un homme courageux et fidèle ayant soutenu son camp quand il avait besoin de lui et aidé sa candidate Valérie Pécresse trahie sans vergogne au contraire ? pour un mis en examen ou pour le condamné criant au scandale judiciaire ? pour le conférencier somptueusement payé pour ses interventions ? pour l’ami du Qatar assistant, sans être gêné, à tous les matchs du PSG, à l’honneur aux côtés de son président qatari ? pour un vieux sage de la politique quand il n’est pas vieux et, malgré sa sérénité surjouée dans les entretiens, guère sage et toujours autant aux aguets ? Ces multiples visages de Nicolas Sarkozy, s’ils montrent la richesse diverse et contrastée de sa personnalité, expliquent aussi pourquoi il est passé, de la part de beaucoup, d’une forte et incroyable inconditionnalité à une chute brutale dans l’estime de ses soutiens, de ses fidèles même les plus constants.

Il est évident – et j’y insiste – que son passage avec arme et bagages dans le camp macroniste – encore une fois, sans le moindre gain – a pesé lourd. Même si Valérie Pécresse a été malheureusement une mauvaise candidate, sa désertion qui a culminé lors des élections législatives a été perçue comme l’abandon en rase campagne de quelqu’un qui a préféré une complicité mondaine, flattant son narcissisme, à une éprouvante solidarité dont les conséquences auraient été bienvenues, j’en suis certain. Car lui avait du talent à revendre !

Sarkozy reproche à Zemmour de rétrécir la droite

Et pourtant Eric Zemmour a voulu déjeuner avec lui. Pour apprendre de lui quelles leçons ? Les sombres ou les brillantes ? Nicolas Sarkozy lui a reproché de s’être pris pour le général de Gaulle. Mais quel responsable politique de droite ou du centre, et d’abord lui-même, n’a pas cru bon de se réfugier derrière l’ombre écrasante du fondateur de la Ve République, comme s’ils allaient tous bénéficier d’une aura rétrospective ? Il a surtout affirmé que « toute ma vie, j’ai voulu élargir la droite, je ne peux pas aujourd’hui soutenir quelqu’un qui veut la rétrécir. On ne renverse pas la Tour Eiffel pour la poser sur un bout ».

Ce qui a pu être vrai dans certains des choix qu’il a faits en 2007 est devenu de plus en plus caduc au point que l’homme d’influences qu’est Nicolas Sarkozy, certes moins qu’il ne le pense, n’a pas hésité à « élargir la droite ». Jusqu’à l’inciter à disparaître dans un salmigondis qui, notamment pour ses sujets phare – par exemple le régalien -, était aux antipodes de ses préoccupations constantes. Se trahissant donc en même temps qu’il lâchait ses troupes qui n’en sont pas revenues !

Qu’un Christian Estrosi ait sur un petit pied opéré la même volte face ne prêtait pas à conséquence mais de la part de Nicolas Sarkozy, c’était une stupéfaction, presque un cataclysme ! Certes ce déjeuner n’entraînera aucun « rapprochement politique » mais il a eu lieu. Un signe de plus de la faiblesse actuelle d’Eric Zemmour qui pourtant n’aurait pas eu besoin de l’ancien président pour identifier ce qu’ont été ses forces et ses manques, le crédit attaché quelque temps à son appréhension lucide, voire brutale du réel et le passif d’un programme extrême impossible à mettre en œuvre. Pour Eric Zemmour, la Reconquête a du plomb dans l’aile et pour Nicolas Sarkozy, elle a été stoppée net, le roi est nu, plus la moindre illusion à son sujet.

Mais je persiste. Ce qui passe mal chez moi, et qui ajoute à mon désabusement radical, est ce que Nicolas Sarkozy a osé dire d’Eric Zemmour : « une tête de rat… » Cela laisse songeur sur la qualité de celui qui s’est autorisé une telle comparaison, même en privé. Mais nous n’avons pas à être plus zemmouristes que Zemmour !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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