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Non à la suppression du concours d’entrée à Sciences Po!

La fausse bonne idée de la rue Saint-Guillaume


Non à la suppression du concours d’entrée à Sciences Po!
© SERRES FABIEN DE / SIPA

L’équipe dirigeante de Sciences Po, soucieuse des difficultés de la « diversité », caresse le projet de supprimer le concours d’entrée. C’est la mort de la méritocratie. Si cette initiative se concrétise, elle enverra un très mauvais signal à la jeunesse.


L’enfer est pavé de bonnes intentions. Vouloir recruter 30% de boursiers est en soi une bonne  chose. Encore faut-il ne pas se tromper de moyens pour y parvenir. Supprimer les épreuves écrites de culture générale (histoire et français) est une mauvaise solution. Les remplacer par la prise en compte du parcours académique du lycéen et par un oral permettant d’apprécier « les capacités d’ouverture d’esprit, d’inventivité, d’engagement, de ténacité », selon les termes des porteurs de la réforme, en est une autre.

Risque d’arbitraire dans le recrutement

Abandonner le concours écrit, c’est d’abord se priver de la seule appréciation qui reste à l’abri de l’arbitraire des examinateurs. En effet, selon quels critères ces derniers apprécieront-ils « les capacités d’ouverture d’esprit, d’inventivité, d’engagement, de ténacité » des candidats ? Que signifie une « ouverture d’esprit » ? Être incollable sur les caractéristiques du dernier iPhone ? Ou bien sur le dernier morceau du rappeur à la mode? Et qu’adviendra-t-il du dossier d’un élève qui fait preuve d’une authentique « capacité d’engagement », mais qui commet une faute d’orthographe à chaque phrase ?

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Derrière cette phraséologie se dissimule une idéologie progressiste qui considère que les élites françaises de demain ne seront débitrices envers aucun héritage, qu’il soit culturel ou politique. C’est une génération « année zéro » que ce projet désire recruter. Est-ce ainsi que la France pourra se construire et traverser les crises à venir ?

Les effets pervers de la discrimination positive

Les initiateurs du projet désirent favoriser la diversité. Encore faudrait-il s’en donner les moyens en amont. Or, ce n’est pas en choisissant la voie d’une discrimination positive (qui ne dit pas son nom) que les antichambres du pouvoir s’ouvriront comme par enchantement aux minorités. Attention à l’effet d’optique ! Et surtout au ressentiment que cette mesure, qui prend le contre-pied de la méritocratie républicaine, risque d’entraîner chez les candidats malheureux, qui mettront sur le compte d’une discrimination à l’envers leur échec immérité.

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D’autre part, la suppression des épreuves écrites est un mauvais signal parce qu’elle signifie que l’effort n’est plus récompensé. Certes, les partisans de la réforme objecteront que les facilités à l’écrit sanctionnent toujours chez l’élève l’appartenance à une classe sociale privilégiée. Telle était la thèse de Bourdieu, qui imputait à l’école la reproduction des élites et la pérennisation des déterminismes sociaux. Mais si nous voulons lutter contre ces derniers, il est plutôt nécessaire d’agir dès la primo-scolarisation afin de donner à chaque élève l’égalité de chance à laquelle il a droit au départ. Or, la voie de la discrimination positive est la plus mauvaise solution, car elle entretient celui, ou celle, qui en bénéficie dans l’illusion que sa réussite est due à son travail ou/et à son talent.

Les grands politiques sont des hommes de culture

Enfin, la suppression des matières générales trahit chez les responsables de Sciences Po un mépris pour le passé et nos racines culturelles et historiques. Un pays ne démarre jamais de rien, de même que je n’invente pas la langue que je parle. J’en hérite de ceux que j’ai entendu l’utiliser, qui eux-mêmes la reçurent de leurs ancêtres qui en furent redevables à leur tour au pays qui fut le leur, la France. Le concours écrit de Sciences Po possède le mérite de situer le candidat dans une filiation civilisationnelle. Logiquement, l’institution lui demande ensuite de restituer intelligemment cet héritage sur un thème particulier. De telle sorte que l’élève ne soit pas jugé sur une aléatoire « ouverture d’esprit », mais sur sa capacité à comprendre le génie d’un peuple qu’il sera peut-être appelé demain à diriger.

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Car en politique, ce qui compte, ce n’est pas la dextérité du technocrate à jongler avec les chiffres et les concepts abscons du galimatias administratif, mais la capacité à appréhender les problèmes dans la perspective historique du temps long. Certes, les technos ont leur mot à dire quand tout va bien. Mais en période de gros temps, leur bulle éclate. Les vrais capitaines se reconnaissent  à ce qu’ils savent apprécier la situation à l’aune de leur science des hommes et de l’histoire. Et cela, seule la culture générale l’apprend. Ne peut aspirer à conduire son pays dans la haute mer de l’histoire que celui qui en connaît les « ressources humaines », comme on dit dans le jargon du « management ». Or, les ressources humaines d’un pays, cela s’appelle sa culture et son histoire. De Gaulle tenait les humanités pour « la véritable école du commandement ».

Sciences Po mérite mieux que les projets de nos apprentis sorciers progressistes. La France n’est pas née d’hier. Les nouveaux arrivants ont le droit de découvrir et de s’approprier les richesses du pays qu’ils ont choisi de faire leur. A cette fin, ce n’est pas maltraiter les candidats que de les juger sur leurs capacités à  exposer par écrit le génie de nos chefs-d’œuvre dans la langue de Molière.



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est l'auteur de « 48 objections à la foi chrétienne et 48 réponses qui les réfutent » aux Editions Salvator.

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