Il nous faut de la morale. C’est le psychodrame occidental que de se laisser aller à un « vivre-les-uns-à-côté-des-autres » dans l’oubli total des principes élémentaires qui font une société – respect, révérence des anciens, solidarité. 91% des français l’ont lucidement compris. Mais qui, parmi ces 91%, éduque ses enfants dans le respect des professeurs, des policiers, de la société, des institutions, de l’Histoire du pays ?
Il semblerait que les familles comptent sur l’État pour pallier leurs insuffisances. Certes l’État, soulignons-le, ne les aide pas comme il le devrait : on cherche toujours une politique familiale forte respectueuse des grandes valeurs du foyer (lutte contre l’accès facile à la pornographie, contre l’omniprésente violence audiovisuelle, retour aux valeurs chrétiennes qui ont fait l’Occident, etc.).
Plus que jamais, une éducation morale couplée à une solide politique familiale sont indispensables.
Aux prises avec une crise morale de grande ampleur, le pouvoir politique a l’art de justifier ses manquements par ses partis pris idéologiques. Ainsi, la morale laïque de Peillon a l’imprimatur de la catéchèse socialiste : non contente d’avoir gagné la bataille des idées, de l’art et des médias, elle se veut maintenant éducatrice des foules, et formatrice des « futurs citoyens »… Autant dire des futurs électeurs de gauche. Voyez l’article d’Olivier Vial, président de l’UNI, qui montre, à partir des textes fournis publiquement par les officines socialistes, à quel point cette Morale LaïqueTM (avec des majuscules s’il vous plaît) n’est pas tout à fait « laïcisée » de son idéologie gauchiste. Créer des électeurs de gauche, lutter contre les « discriminations », créer une « égalité réelle », développer l’esprit « artistique » des enfants, lutter contre les « valeurs de l’argent », promouvoir l’ « égalité des genres » ou la « liberté sexuelle », voilà ce que cache la Morale LaïqueTM. Il faut donc rester vigilant.
Sur le plan philosophique, n’importe quelle archéologie de la pensée, à la manière de Foucault, pourrait montrer que l’idée de Morale LaïqueTM n’est pas aussi pure qu’elle le prétend. Jérôme Leroy loue cette « morale laïque » héroïque qui a mis fin au totalitarisme éducatif de l’Eglise catholique, ainsi que les Lumières rousseauistes qui ont participé de cette libération. Mais attention. Tout se récupère, comme les marchés ont récupéré le slogan soixante-huitard « il est interdit d’interdire », la « religion civile » de Rousseau devient « laïcisme » d’état, selon un retournement philosophique tout aussi spectaculaire. À défaut de provoquer de nouvelles Lumières, on recycle et instrumentalise les anciennes. Jusqu’à promouvoir ce que les philosophes des Lumières, justement, dénonçaient. Les nouveaux « curés bourgeois » de Léon Bloy qui pullulent à l’ENA et dans les Think-thank de gauche vous semblent-ils à même de nous préserver de l’embrigadement moral ?
Face au procès de non républicanisme qui m’est intenté, que dire sinon que j’aimerais justement conserver cette pluralité d’opinions et de manières d’être qui coexistent dans une République qui ne tranche pas, et qui ne décide pas « du bien et du mal ». Cette Morale LaïqueTM est si idéologiquement orientée qu’on comprend assez vite que son universalisme de facade cache la déliquescence de la société. Si elle sert à dénoncer les riches pour défendre les pauvres, à justifier la révolte des seconds contre les premiers, à développer des formes d’ « art » déconstructeurs ou à mettre les autres cultures au premier plan pour masquer l’affreuse Histoire de France, elle ne fera que renforcer la « sous-morale des quartiers » et n’empêchera pas les charges de CRS. La France ne vaut un concert de rap, et pourtant le socialisme se gargarise en permanence de cet « enrichissement », « avenir » et « évolution » normale de notre civilisation. Pas la peine d’être catholique intégriste ou sympathisant du Bloc identitaire pour le remarquer.
La crise est spirituelle, cher Jérôme Leroy, donc trop profonde pour être résolue par de simples pansements politiques. La République démocratique, tout à la fois le cadre de notre vie sociale et notre idéal, ne saurait se faire le vecteur officiel d’une idéologie quelconque, si « laïciste » soit-elle. Car la laïcité socialiste deviendra elle aussi une religion, si ce n’est pas déjà fait…
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