Contrairement à d’autres commentateurs, Elisabeth Lévy refuse d’accabler le gouvernement après le meurtre au couteau dramatique de la surveillante du collège de Haute-Marne. Nous vous proposons d’écouter sa chronique radio. Devant les enquêteurs, l’adolescent meurtrier n’exprime ni regrets ni compassion.
Plus on en sait sur le meurtrier de Mélanie, moins on comprend son acte. C’est d’autant plus inquiétant et vertigineux. Sous réserve des informations qui viendront peut-être infirmer les hypothèses actuelles, à l’écoute de l’avocat de ce garçon, ou du procureur, cela ressemble de plus en plus à un meurtre sans pourquoi. Ce qui se rapproche le plus d’un crime gratuit.
Derrière les apparences…
- Il n’y avait apparemment aucun contentieux entre la victime et le tueur. Visiblement, il n’aurait pas supporté d’être recadré quelques jours plus tôt, pour une histoire d’embrassade dans le collège ;
- Il n’y a pas d’explication sociologique ou culturelle : le père de Quentin n’est pas alcoolique, il n’a pas été élevé dans la haine de la France, ni dans une famille déstructurée ;
- Quentin n’était pas scolarisé dans un collège violent, et n’habitait pas non plus dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Et le drame s’est produit en présence des gendarmes, donc on ne peut pas non plus mettre en cause le laxisme de l’Éducation nationale ;
- Enfin, Quentin était inconnu des services de police, donc il n’y a pas de défaillance de la justice non plus.
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Certes, il a été exclu deux fois pour violences.
Il est facile de dire aujourd’hui qu’on aurait dû détecter un risque plus grave. Mais il n’y a pas de science exacte pour anticiper les passages à l’acte. Et on ne peut pas psychiatriser l’ensemble de la jeunesse. Résultat, et c’est le plus déconcertant : nous n’avons pas de coupable à accabler. On ne peut pas accuser l’État, le gouvernement ou je-ne-sais quel ministre.
Si ce n’est la faute de personne, peut-on parler de fait divers ?
Non, pas complètement. Car la récurrence de ces violences inexpliquées en fait un phénomène de société. Le nombre d’adolescents poursuivis pour assassinat, meurtre, coups mortels ou violence aggravée a doublé depuis 2017, passant de 1207 à 2095 en 2023. Cette violence gratuite et totalement disproportionnée par rapport à l’enjeu de départ devient banale. Un couteau peut sortir pour une casquette volée, une cigarette refusée ou une fille convoitée.
Il n’y a pas de responsabilité politique, mais peut-être une responsabilité collective. Chaque parent éduque ses enfants, mais c’est la société tout entière qui fabrique un état d’esprit, peut-être une anthropologie.
Éloignons-nous du cas de Quentin…
L’école ne valorise pas l’effort, déteste la verticalité et la hiérarchie. L’air du temps encourage la plainte et la victimisation. On apprend tout sur les droits, rien sur les devoirs. Si les jeunes ont des mentalités de créanciers à qui tout est dû, c’est peut-être aussi parce que cet état d’esprit s’est répandu chez leurs parents.
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Qui s’interroge aujourd’hui dans la société sur ses responsabilités dans ce qui lui arrive ? C’est toujours la faute des autres.
À force de sacraliser le ressenti, la spontanéité, on fabrique des générations sans Surmoi, des jeunes hommes qui ne s’empêchent pas. Comme le disait Zemmour, il ne s’agit plus de se demander quel monde nous laisserons à nos enfants, mais quels enfants nous laisserons à ce monde.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale
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