D’habitude toujours prompts à monter en épingle le moindre début de commencement d’affrontement social, nos confrères de L’Humanité auront été étonnamment discrets et « factuels » dans leurs comptes-rendus du conflit qui oppose ces jours-ci la direction des NMPP au syndicat CGT de l’entreprise.
De fait, pour qui sait lire entre les lignes et décrypter la langue de bois maison, il est évident que le quotidien qui soutient toutes les luttes des travailleurs s’est totalement désolidarisé de ces grévistes-là. On pourra penser qu’à L’Huma, qui va encore plus mal que Libé ou Le Monde, on n’a tout simplement pas apprécié de perdre une journée de recettes le 30 octobre. Mais on pourra aussi penser que le quotidien n’a pas jugé indispensable de froisser le groupe Lagardère, actionnaire majoritaire des NMPP, mais aussi – jusque-là, on se demandait pourquoi – actionnaire minoritaire de L’Huma.
On pourra aussi éventuellement rapprocher cette neutralité bienveillante des prises de positions extrêmement surprenantes de Rue89, le site d’info en ligne citoyen fondé par Pierre Haski. Ledit site a publié coup sur coup deux articles sur ce conflit (signés Augustin Scalbert et Hugues Serraf), qui n’auraient pas déparé dans les colonnes du Figaro, voire de Présent, dont l’édito du premier novembre : « NMPP les casseurs en action » reprend à son compte la déclaration tout en finesse du directeur de Libération, Laurent Joffrin : « On n’est plus dans le syndicalisme, on est dans la prise d’otage » ; et hop, la boucle est bouclée ! C’est bien entendu le droit le plus absolu de Rue89 d’être violemment hostile au Syndicat du Livre ; d’ailleurs, à Causeur, nous sommes loin d’avoir tous le même avis sur la question, pour tout dire, c’est même très exactement le contraire.
N’empêche, les virulentes prises de positions anti-grévistes de ce confrère détonnent bizarrement dans sa ligne générale, d’ordinaire résolument favorable aux mouvements sociaux. Comme la grève des NMMP ne lui a pas fait perdre d’argent, mais plutôt gagner des lecteurs, on pourra penser qu’il s’agit là d’une légitime solidarité confraternelle avec les titres exsangues de la presse écrite qui s’estiment menacés dans leur survie par ce conflit. On pourra aussi penser, comme le prétend une rumeur forcément malveillante, que les actionnaires de ce site, ne seraient pas foncièrement hostiles à une entrée de Lagardère dans leur capital…
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