NKM brisée net… dans son élan vers la présidentielle de 2017 ? C’est le rêve que font beaucoup de sympathisants de droite, des militants de la Droite forte aux familles de la Manif pour tous, qui semblent avoir noyauté l’organisation des primaires UMP pour les municipales de 2014, afin de faire perdre la favorite. Ainsi, sur le site de la Manif pour tous, on donne des conseils de vote : « du bitume aux urnes, participez aux primaires à Paris ! ». Deux candidats, Franck Margain et Jean-François Legaret sont estampillés du sceau « opposé », tandis que NKM et Bournazel sont marqués « abstentionniste » ou pire « favorable ».
Quant à Guillaume Peltier, le leader de la Droite forte, il incite publiquement à un vote anti-NKM. L’intéressée déclare « avec son mouvement, il est prêt à nous faire perdre Paris pour défendre ses valeurs », sous-entendant sans doute qu’elle-même était prête à perdre ses valeurs pour gagner Paris…
La guerre entre une droite forte, buissonnière, bonapartiste et sarkophile et une droite mesurée, libérale, technocratique et moderne incarnée par la nymphe polytechnicienne aura-t-elle lieu ? Ces primaires semblent être qu’un premier round, une ébauche de la grande bataille que devra affronter la droite en 2017. L’UMP, assemblage hétéroclite de traditions politiques opposées est en train d’imploser. Tant mieux ?
La primaire ouverte était un rêve terra-noviste progressiste et moderne, censé garantir une démocratie transparente et « participative » qui, en s’ouvrant à tous, ferait forcément le choix du « cercle de la raison ». Finis les plébiscites crypto-bonapartistes et le mythe du leader charismatique, la personnalisation et la dictature opaque du parti, désormais la désignation des candidats serait le fruit d’un processus clair, populaire et « ouvert ».
(Mal)heureusement les choses ne se passent jamais selon les prédictions des think-tanks, et la réalité de la primaire est bien différente.
Côté gauche, Hidalgo a été investie au terme d’un vote où, seule candidate, elle a remporté 98,3% des voix, alors que Désir avait été désigné quelques mois plus tôt à la tête du Parti socialiste par la grâce élyséenne. Alors que la gauche se reconvertit à la « dictature » du leadership ou replonge dans ses vieilles habitudes d’apparatchiks, la droite s’essaie aux vertus participatives, avec les succès que l’on sait : fiasco de l’élection du président UMP en novembre et aujourd’hui, crise interne autour de la primaire pour les municipales.
L’invention des primaires, du moins en France où l’on tient à la bonne vieille tradition de l’homme providentiel, est un signe de l’essoufflement de la politique. Car, chez nous, quand on veut ajouter de la démocratie, c’est toujours parce qu’on manque d’un leader, et inversement, quand une figure politique se dégage, nul besoin de passer par les urnes en interne.
Les primaires ouvertes étaient conçues pour élargir la droite au centre, dans les faits, elles favorisent, comme les primaires américaines, la frange militante la plus radicale. Comme aux Etats-Unis, le candidat de la droite doit donc durcir son discours pour passer la barrière militante, puis l’édulcorer pour séduire une majorité d’électeurs. Ce que NKM n’a pas compris, partant trop vite comme le lièvre de La Fontaine, se voyant déjà séduisant les bobos, oubliant qu’avant elle devait faire la cour à son propre camp.
Les éditorialistes de tous bords déplorent avec une condescendance ponctuée de désespoir que le peuple de droite soit assez stupide pour ne pas élire la divine Nathalie, ainsi Hervé Gattegno qui écrit, dans Le Point,« ce serait un comble pour l’UMP de se priver de sa meilleure candidate ».
La douce NKM crie au « sabotage » : elle est la meilleure, ça ne devrait pas se passer comme ça ! À la rigueur se battre contre Dati, ça avait du panache, mais contre des inconnus qui n’ont pas fait de grandes écoles et n’ont jamais été ministres : quelle humiliation !
La fracture qui déchire la droite parisienne n’est pas qu’une réplique de la guerre Fillon/Copé qui a eu lieu à l’automne. Elle est plutôt l’ébauche du grand massacre à la tronçonneuse fratricide qui aura lieu en 2017. Guerre sans dentelles où les combats idéologiques, ballottant un peuple de droite désorienté, ne seront que l’habillage transparent d’un concours du plus gros ego.
Car la mère porteuse qu’est l’UMP a accouché, faute d’une ligne idéologique claire, d’étranges siamois même pas monozygotes. Allez comprendre quelque chose au ticket Copé/Raffarin, ou Fillon/Ciotti[1. Le duo Xavier/Bertrand est plus homogène mais moins convaincant.] par exemple… ou plutôt si, vous avez compris. Le parti fait davantage penser à une cour florentine, où les rapports de forces succèdent aux complots d’alcôve, qu’à un « mouvement populaire » qui pourrait mener une politique alternative.
Ce scénario gore à venir n’est que l’écho d’une défaite depuis longtemps consommée, celle de la politique charnelle, batailleuse sur les valeurs et ancrée dans une tradition idéologique.
Bien sûr, la véritable bataille idéologique ne se déroulera pas à Paris déjà toute acquise à la cause sociétalo-libérale. Car le vrai clivage ne se situe pas entre une bourgeoisie catholique et une bourgeoisie libertaire, il ne se jouera pas entre le Marais et le 16ème arrondissement, mais bien entre le « pays réel » de la France péri-urbaine et les centres-villes des grandes métropoles connectées à la mondialisation.
La vraie guerre n’aura pas lieu, tant que les gueux ne s’inviteront pas dans le débat.
*Photo: capture d’écran du débat sur France 3 IDF
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