Niqab et Belphégor


Niqab et Belphégor

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Connaissez-vous le marché Noailles, à Marseille ? Au cœur du Ier arrondissement, en plein centre ville, à 100 m du lycée Thiers, et juste dans le dos du plus grand commissariat de la ville hors l’Evêché — où ne réside pas l’évêque, mais le cœur administratif et logistique de la police marseillaise, tout au bout du Panier, juste en dessous de l’ancien appartement d’un certain mammifère marin de ma connaissance qui passe souvent ici…

On l’appelle aussi le Marché des Capucins, parce qu’y prend naissance la rue Longue des Capucins. Pour ceux qui ne savent pas, c’est un marché 100% musulman, à part une exquise charcuterie qui fait un magret séché et un figatelli maison tout à fait délectables — et, à midi, des sandwiches aux rillettes de lapin ou à la caillette, avec assortiment de cornichons pour le même prix. Hmm…
Vendredi, émeute en milieu d’après-midi dans ce marché qui est pourtant plus calme, depuis un mois que le barbu qui surveillait le commerce en faisant semblant de vendre des calendriers s’est discrètement éclipsé — et depuis que les policiers municipaux et / ou nationaux viennent y faire des tours en VTT (ne riez pas, Marseille est une ville qui ne cesse de monter et de descendre, et moi qui me farcis ça en Vélib, j’en sais quelque chose).

Reprenons le récit du journal local :

« Une jeune femme de 27 ans a été interpellée hier après-midi, vers 15 h 30, sur le marché de Noailles (1er) à Marseille, alors qu’elle portait un niqab de couleur noire. Seuls ses yeux étaient effectivement visibles, précise-t-on de source proche de l’enquête.
« Elle a refusé de se dévoiler malgré la demande expresse des policiers qui intervenaient, en l’occurrence cinq îlotiers, dont deux réservistes. Elle s’est mise à insulter les forces de l’ordre en ces termes : « Chez nous, on ne parle pas aux hommes. Ne m’emmerdez pas ! »
« Elle a dès lors été rejointe par une amie qui se trouvait en compagnie de son fils de 8 ans et l’accompagnait. S’adressant à sa copine, la deuxième femme a stigmatisé à son tour le rôle des agents : « Tu n’as pas à parler à ces sales chiens ! » Un attroupement s’est aussitôt formé autour des deux jeunes femmes. Les policiers ont dû faire appel à trois VTTistes, tandis qu’ils recevaient également le renfort de la Brigade anticriminalité (Bac).
« Pendant le trajet qui les conduisait au commissariat Noailles, les insultes continueront à pleuvoir. Les deux femmes ont été placées en garde à vue pour « outrage et rébellion ». Elles doivent, depuis, s’expliquer sur les raisons de leur comportement. »
Si je traite un poulet de « sale chien », moi, qu’est-ce que je risque ?
Eh bien, la même chose que Belphégor : 6 mois de prison et 7500 euros d’amende. Article 433-5 du Code pénal.
Comparution immédiate, flagrant délit — allez, depuis deux jours elle couche aux Baumettes…
Enfin, elle devrait.

Alors maintenant, écoute-moi bien, Belphégor.
« Chez nous » — mais tu n’es pas chez toi : la France est une maison commune où s’appliquent les lois de la République — qui ne prévoient pas, par exemple, que l’on ne puisse pas s’adresser à une femme, parce qu’elle ne fait pas de différence entre les hommes et les femmes (et si toi tu en fais une, tu es juste une pauvre esclave). La loi ne prévoit pas non plus, depuis le 11 avril 2011, que l’on cache son visage en public, sauf autorisation de carnaval. 150 euros d’amende en sus.
Et si jamais on peut prouver — et je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, sauf à supposer que tu es bête comme tes pieds — que c’est un homme qui t’a imposé cette tenue moyenâgeuse, il écopera d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende.

Fais gaffe, un jour ou l’autre, des citoyens excédés (et cette ville en est bourrée) s’amuseront à dévoiler toutes les malheureuses victimes d’une idéologie machiste. Pour leur bien.
Parce qu’une fille voilée, ce pourrait par exemple être elle :

Et tu sais quoi ? Elle est suspectée de terrorisme, elle s’habille justement en Belphégor, et sur une méprise, on pourrait bien tirer à vue sur toute personne qui lui ressemble — si tant est que l’on ressemble à quelqu’un, ou à quelque chose, sous un niqab.

La loi ne prévoit pas non plus que l’on traite des agents de la force publique de « sales chiens », et ta copine devrait dormir en taule avec toi, à l’heure qu’il est.
La loi ne prévoit pas que des citoyens normaux, commerçants ou clients supposés honnêtes, s’opposent à une interpellation — ils seront trop heureux, les uns et les autres, le jour où ces mêmes agents mettront la main sur un racketteur ou un voleur à la tire.
Voilà — petit cours de Droit rapide. Et si tu crois que tu peux encore bénéficier de l’impunité ou du silence complice des bobos parisiens, c’est que tu n’as pas bien saisi ce qui a changé depuis un mois.
À moins que rien n’ait changé ? Il y a un mois, 17 personnes se faisaient abattre par des islamistes, et un mois après, Belphégor croit pouvoir se balader impunément dans les rues de Marseille. 17 morts pour rien — en attendant qu’il y en ait d’autres ?

*Photo : wikicommons.



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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