La funk ne meurt jamais ! Après 23 ans d’absence, Nile Rodgers revient dans les bacs avec le groupe mythique Chic. Son nouvel album s’appellera « It’s About Time ». Les nostalgiques du son à l’ancienne peuvent d’ores et déjà écouter le titre « I’ll Be There » en hommage à Bernard Edwards. Si vous ne connaissez pas ce génie de la piste de danse, plongez-vous dans C’est chic, son autobiographie parue chez Ruefromentin. Ceux qui aiment la Soul américaine, les films Blaxploitation et l’envers du show-business seront aux anges. Nile Rodgers y raconte sa vie de producteur et de guitariste sans langue de bois. Le résultat est âpre, brutal et terriblement excitant. Sorti aux Etats-Unis en 2011, ce livre revient sur les grandes heures de la Disco, du R&B et du jazz-funk sur fond de tensions raciales et trafics de drogue. Ça commence comme dans une Série B où Pam Grier agitait son opulente poitrine, dans une de ces rues crasseuses de New-York ou de L.A, entre petits italiens, juifs, mexicains, noirs et blancs, un temps où la ségrégation coupait l’Amérique en deux. A la fin des années 50 dans un pays où la société de consommation faisait des miracles économiques et les mœurs en étaient restées aux romances de Margaret Mitchell. Nile n’était pas un gamin tout à fait comme les autres, une mère noire, un beau-père blanc, maigrichon, myope, insomniaque, asthmatique, louveteau et pour aggraver son cas, vivant au milieu d’adultes qui consommaient de la dope comme d’autres s’empiffrent de M&M’s.
Et pourtant, les parents du petit Nile étaient cools, ils s’habillaient comme des princes, sniffaient comme des damnés. Ils étaient à la croisée des mouvements hippie, beatnik et du Black Power. Quand elles livrent leur autobiographie, les stars américaines parlent cash, ne contournent pas leurs problèmes d’addictions. Nous sommes loin des bios ripolinées de nos idoles françaises, fades comme un cassoulet en boîte. Avant de décrocher son premier contrat professionnel à 19 ans, Nile Rodgers va donc fréquenter ce monde interlope où l’héroïne, les viols, les armes à feu et la frénésie sexuelle font partie du quotidien d’un mineur livré à lui-même. Les cent premières pages haletantes valent, à elles seules, que vous vous plongiez dans ce témoignage même si vous n’avez jamais entendu le tube planétaire « We are family » chanté par Sister Sledge. Leur charge émotionnelle sans pathos mielleux dépasse les meilleurs polars du moment. Nile ne s’apitoie jamais sur son sort, il alterne même des passages comiques et des scènes plus dramatiques, sa première chaude-pisse, son job qui consiste à nettoyer l’avion de Sinatra et approcher ainsi les pontes de l’industrie du disque, sa rencontre avec l’héritière Firestone ou encore son passage aux Urgences en compagnie de Andy Warhol. Et puis, il y a la vraie rencontre musicale avec le bassiste Bernard Edwards, Nard pour les intimes, le jour et la nuit selon Rodgers. Ils vont ensemble créer la plus grosse machine à tubes de la période Disco : le groupe CHIC. Qui n’a jamais vibré aux premières notes d’« Everybody dance » ! Cette basse satanique qui pose la mélodie avec la force d’un destroyer suivie par cette montée chromatique qui a fait plus pour le rapprochement des corps que n’importe quel film porno. Nile Rodgers, musicien exceptionnel, explique le succès de CHIC par ce métissage culturel : « On a décidé de développer un nouveau son au croisement du jazz, de la soul et des grooves funk, avec des mélodies et des paroles sous influence plus européenne ». CHIC enchaîne alors les succès jusqu’au légendaire « Le Freak » en 1978 (6 millions de disques vendus, triple disque de platine). Suivront « Good Times », « My Forbiden Lover », Nile s’achète une Porsche 911 et un bateau cigarette. Le Studio 54 devient alors sa seconde maison (à lire les secrets des toilettes et de la mezzanine, le plus grand baisodrome de New-York). Si Nile résume sa vie à « coco, bibine et nanas », à une ininterrompue tournée des boîtes en Maserati Bora, il trouve le temps d’écrire « Upside down » pour Diana Ross ou de produire « Let’s Dance » de David Bowie et « Like a Virgin » de Madonna. Principale source d’inspiration des premiers rappeurs, Nile a mis sa touche rythmique sur des dizaines d’albums, d’INXS en passant par Duran Duran, Mick Jagger, Grace Jones, Claude Nougaro ou même Sheila. Un seul mot d’ordre : tous en piste !
C’est chic de Nile Rodgers – Editions ruefromentin.
I’ll Be There – Chic featuring Nile Rodgers – Album vinyle – Warner Bros.
*Photo : wikicommons.
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