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Nil novi sub sole


Lucien Jerphagnon

J’ai sur mon bureau un volume élégant qui me procure, chaque fois que je l’ouvre, une délectation extrême. C’est Le Petit livre des citations latines, de Lucien Jerphagnon.
Avec Paul Veyne, Lucien Jerphagnon était l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée grecque et romaine. Il est décédé à la fin de l’été, le 16 septembre, tout comme Raoul Ruiz, autre érudit formé par les jésuites et lecteur inlassable de Maine de Biran. Je suppose, où qu’ils soient aujourd’hui, que leur conversation ne s’est pas interrompue pour si peu. Ni l’un ni l’autre ne prenaient la mort trop au sérieux.[access capability= »lire_inedits »] Ils la considéraient plutôt comme une de ces plaisanteries un peu tartes que la vie nous réserve.

D’ailleurs, leur langue de prédilection, le latin, était déjà mort depuis longtemps. Lucien n’en avait jamais fait le deuil et c’est parce qu’il aimait tant les pages roses du Larousse, ces pages devenues un cimetière qu’on entrevoit en touriste pressé, sans jamais s’y recueillir, qu’il a eu l’idée d’une visite guidée de cette nécropole. Cette visite, il l’a dédiée à Pierre Dac, disciple de Mordicus d’Athènes, qui, depuis toujours, l’avait empêché de se prendre au sérieux.

Pour en donner un bref aperçu, voici le commentaire que fait Lucien Jerphagnon de Nil novi sub sole, « Rien de nouveau sous le soleil », parole tirée de L’Ecclésiaste et qui répond souvent à la question : « Quoi de neuf ? » : « Les personnes âgées, que rien ne surprend plus, sinon l’éternel retour des mêmes âneries, prononcent volontiers cet apophtegme en l’accompagnant d’un geste vague et d’un sourire désabusé. »

Si Lucien Jerphagnon, par un tour de passe-passe que personne ne lui souhaite, revenait sur notre bonne vieille planète, sa première question serait : « Quoi de neuf ? » Et notre réponse : « Nil novi sub sole ». C’est dire combien la vie est dérisoire. Mais supportable grâce à ces femmes « dont la chair est prompte et l’esprit faible », ajouterait-il.
À propos de l’inévitable Carpe diem d’Horace, il précisait que les épicuriens étaient tout, sauf des stakhanovistes de la jouissance : trop fatigant. Son recueil de citations latines a le double mérite de ne pas l’être, fatigant, et de nous offrir à moindres frais une leçon de sagesse. Merci Lucien… et bon voyage avec ce viatique ![/access]

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Octobre 2011 . N°40

Article extrait du Magazine Causeur



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