Architecte majeur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, ce leader désormais sans mandat parlementaire s’est trouvé une nouvelle cause : la chasse aux migrants clandestins arrivant sur la côte anglaise. Reconverti en youtubeur à succès, il a de nouveau le Continent dans son collimateur.
Que devient Nigel Farage, le bouillonnant défenseur de la souveraineté britannique, l’ancienne bête noire de l’Union européenne ? Pour le leader du Parti du Brexit, ex-UKIP, le point culminant de sa carrière a été sa victoire retentissante aux élections européennes de mai 2019. Elle a ouvert les portes du 10 Downing Street à Boris Johnson et mis effectivement fin aux tergiversations et querelles qui bloquaient Westminster depuis 2016, rendant inévitable la sortie de son pays de l’UE. Maintenant que cet objectif suprême a été atteint et qu’il ne dispose plus de tribune à Strasbourg ou à Bruxelles pour ses vibrantes homélies contre la tyrannie eurocratique, que peut donc faire ce chef d’un parti sans député ? Réponse : une nouvelle campagne contre l’immigration. Précisément contre l’arrivée sur la côte sud de l’Angleterre d’immigrés clandestins venus de France dans des embarcations de fortune. Lui qui s’est toujours battu pour que le Royaume-Uni reconquière la maîtrise de ses frontières, trouve un nouveau souffle dans ce rôle de patrouilleur des côtes.
Pendant le confinement, Farage montre où les clandestins accostent
C’est pendant le confinement qu’il a commencé à arpenter les blanches falaises de Douvres ou les plages du comté de Kent où il vit, jumelles à la main, suivi d’un caméraman qui enregistre ses faits, gestes et surtout commentaires. Debout en habit de gentleman-farmer, il montre les points stratégiques où les clandestins accostent, interroge des témoins locaux ou désigne du bras tendu quelque canot qui arrive, chargé d’êtres humains. Il a été interrogé plus d’une fois par la police, pour avoir enfreint les restrictions de déplacement imposées par la crise sanitaire. Il s’est autoproclamé travailleur essentiel. Contraint de démissionner de la radio londonienne, LBC, après avoir comparé le déboulonnage de statues par les #BLM aux méthodes des talibans, il s’est reconverti en vedette de YouTube où ses vidéos font un tabac.
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Les chiffres officiels ne lui donnent pas tort. De janvier à septembre, au moins 5 385 migrants ont accosté dans des bateaux de petite taille ou ont été sauvés en pleine mer par les autorités britanniques et ramenés à terre. C’est cinq fois plus que pendant la même période en 2019. Plus de 1 562 sont arrivés au seul mois d’août. Si la plupart sont d’origine iranienne, les arrivants – parmi lesquels on a du mal à distinguer les réfugiés de guerre des migrants économiques – viennent d’un peu partout en Afrique, au Proche-Orient et en Asie.
Farage attaque le gouvernement
La première cible des critiques de Farage est le gouvernement de Boris Johnson, accusé d’un laxisme incompréhensible depuis que le pays a quitté l’UE. Goguenard, il exploite le fait que les autorités britanniques auraient fourni aux migrants des taxis pour les ramener au centre-ville de Douvres, des séjours dans des hôtels quatre étoiles et même une visite guidée du stade de football de Liverpool. Il n’est pas plus tendre pour la France, accusée – à tort ou à raison – de faiblesse face aux réseaux de passeurs opérant sur son territoire et dont la marine guiderait des bateaux jusque dans les eaux territoriales britanniques avant de les y abandonner. Il n’empêche que les services français ont secouru de nombreux migrants dont les bateaux ont coulé dans la Manche. À l’heure où les négociations de l’accord commercial entre l’UE et le Royaume-Uni prennent une tournure critique, la question migratoire accentue la pression sur les relations franco-britanniques. Gérald Darmanin a rencontré son homologue, Priti Patel, en juillet, afin de créer une cellule de renseignement commune chargée de lutter contre les trafiquants humains. Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent en France, dont celle de la maire de Calais, pour appeler à une révision des accords du Touquet qui régissent les contrôles frontaliers entre les deux pays.
Pendant ce temps, Farage jubile d’avoir retrouvé son rôle de trouble-fête international. Les autorités douanières britanniques ont donné à une aire réservée aux camions, située près de Douvres, le surnom humoristique « the Farage Garage ». Ce qui est sûr, c’est que Farage ne reste jamais longtemps au garage.