Évidemment, notre titre est une boutade ! Reste que la nomination, à l’Éducation nationale, de Mme Belloubet (qui a tenu des propos controversés durant l’affaire Mila), sème le trouble. Face au séparatisme islamique et à la crise de l’autorité, avec Emmanuel Macron et Gabriel Attal, c’est un pas en avant, deux pas en arrière ! Céline Pina analyse les nouvelles nominations gouvernementales annoncées hier soir.
La fiction du « gouvernement resserré » a pris fin ce jeudi 8 février avec la nomination de la liste complémentaire des favoris du président. Après le premier cercle des ministres, voici le second choix des secrétaires d’État. C’est une liste de « seconds couteaux » qui a été sortie du chapeau. Pas de trophée arraché à un autre parti, pas de personnalité incarnant une orientation politique ou portant un message allant au-delà de sa propre personne. La liste des nouveaux ministres est insignifiante au sens premier du terme, elle ne « dit » rien à personne.
Pouvoir sans imagination
Et ce n’est pas un hasard, c’est même le but recherché. La mise en scène de ce total manque de considération pour de soi-disant politiques ravalés au rang de ternes exécutants délivre, elle, un message politique. Et il n’est pas glorieux pour le pouvoir. Pour tenter de donner un reste de crédit à une parole politique dont il ne cesse d’affaiblir la portée, la communication gouvernementale tente vainement de masquer les revirements permanents et les sorties inconsidérées d’un président sans gouvernail ni cohérence. Ainsi, Emmanuel Macron ayant promis un gouvernement resserré, la fiction doit donc être maintenue à tout prix, même si elle ne trompe personne. Tout le monde savait que la première salve de ministres n’était qu’une mise en bouche et qu’il faudrait compléter l’appareil gouvernemental par d’autres nominations. Il faut dire que des dossiers cruciaux et passablement chauds (Santé, logement, aménagement du territoire, industrialisation…) étaient restés en jachère. Alors la raison a fini par l’emporter et le gouvernement regroupe de fait plus d’une trentaine de personnes. Et cela n’a rien de problématique. On se demande même qui a réussi à refourguer ce vieux rogaton fatigué de la communication qu’est le « gouvernement resserré ». Vieux plat réchauffé des pouvoirs sans imagination.
Symboliquement, le fait de mettre en scène un processus de nomination désinvolte permet de bien faire ressortir qu’il s’agit ici de désigner des subalternes. Le vrai gouvernement, ce sont les ministres de plein exercice et eux ne sont que quinze. En apparence la promesse est tenue et cela suffit à contenter l’ego du Prince.
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Sauf que personne n’est dupe. Les Français encore moins, ils regardent ébahis leur gouvernement leur jouer une comédie qui ne trompe personne. Tout le monde se moque du nombre de personnes nommées au gouvernement si le travail est fait. Si les services publics sont à la hauteur, si les hôpitaux fonctionnent, si tous les médicaments sont disponibles en pharmacie, si l’école tient sa promesse d’ascension sociale, si la sécurité règne dans les rues… alors Emmanuel Macron pourra nommer cinquante personnes ministres sans que cela ne dérange quiconque. En revanche, si c’est pour continuer à cravacher le pays pour qu’il s’enfonce plus vite dans la spirale du déclin, même quinze parasites, c’est déjà trop.
Tambours et trompettes
Cette façon de procéder inutilement humiliante dit bien qu’il n’y a encore aucun véritable politique dans ce train de nomination. Il s’agit là de simples gestionnaires, sans beaucoup de poids propre, élevés à cette hauteur par la faveur du Prince. Mieux vaudrait en ce cas un simple communiqué de presse, informatif et neutre. Trop de tambours et trompettes pour saluer un non-évènement finit par montrer ce que le pouvoir aimerait bien cacher.
La simple énumération des noms des nouveaux membres du gouvernement est en elle-même significative : Frédéric Valletoux (Santé), Patrice Vergriète (Transports), Fadila Khattabi (autonomie et handicap), Marina Ferrari (Affaires européennes), Dominique Faure (Collectivités territoriales et ruralité), Guillaume Kasparian (Logement), Marie Guevenoux (Outre-mer), Dabrina Agresti-Roubache (Ville), Hervé Berville (Mer), Sarah El Haïry (Enfance et famille), Olivia Grégoire (entreprises), Thomas Cazenave (Comptes publics), Agnès Pannier-Runacher (Souveraineté alimentaire), Jean-Noël Barrot (Europe), Franck Riester (Commerce extérieur), Patricia Mirallès (Anciens combattants), Chrysoula Zacharopoulou (partenariats internationaux)…
Ces noms n’évoquent rien pour quiconque dans la rue, et peut-être même dans une partie des rédactions de journaux. Il n’y a pas si longtemps, avant de devenir ministre, il fallait faire ses classes : on existait un peu, on représentait quelque chose, une force structurée, une capacité à agir qui avait fait la différence dans l’administration d’une ville ou la redynamisation d’un domaine d’activité. Pour accéder aux responsabilités, on était censé avoir fait ses preuves. Ce n’est plus le cas et sans présager des capacités des nouveaux ministres et sous-ministres, c’est le manque de densité de cette équipe gouvernementale qui saute aux yeux. Hormis Darmanin, Le Maire et Dati, il n’y a guère de politiques au gouvernement, les ministres sont soit des émanations de la technostructure soit de futures victimes de celle-ci, bien plus puissante qu’eux par sa permanence et sa connaissance des rouages.
Cette liste de sous-ministres est donc révélatrice de l’absence de vivier politique dans lequel puiser en général, et du vivier encore plus réduit qui reste au président. Lequel, parce qu’il est empêché de se représenter, n’est pas un gage d’avenir tout en représentant une prise de risque.
Ne restait donc qu’à puiser dans les partis croupions lambeaux des anciens grands partis de gouvernement, Horizons, Modem…. Le reste est affaire d’équilibres politiques internes à la macronie, combien de sièges attribuer au Modem, à Horizons, à Renaissance… De la politicaillerie interne, essentiel à la vie des partis mais qui n’éveille pas l’intérêt des citoyens à juste titre.
L’école ne sait pas où elle va
Et pour finir, alors que l’on pouvait espérer retrouver peut-être avec Gabriel Attal une ligne politique claire et explicite, une fois de plus, Emmanuel Macron détruit d’un revers de main ce qu’il semblait vouloir installer définitivement la veille. Si cet homme était un héros antique, il serait Pénélope, celle qui défaisait la nuit, ce qu’elle faisait le jour. Voilà pourquoi on a bien du mal à discerner sa ligne politique, disons par exemple, en matière d’éducation.
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On a eu d’abord droit à Jean-Michel Blanquer, présenté en chevalier blanc de la laïcité, puis Pap Ndiaye, son opposé, venu piétiner l’orientation donnée par le précédent ministre pour distribuer des gages aux wokistes et aux racialistes. Puis face au rejet suscité par l’idéologie d’un Ndiaye, retour aux symboles républicains avec Gabriel Attal, qui a semblé insuffler un nouvel espoir et axait son discours sur le retour de l’autorité et des savoirs. Le tout pour finir avec Nicole Belloubet, plus proche d’un Pap Ndiaye que d’un Attal. Une femme qui incarne tout sauf l’autorité et le courage. Dans l’affaire Mila, garde des Sceaux, elle fut incapable de défendre la liberté d’expression face à l’accusation de blasphème que subissait une jeune fille de 16 ans. Chargée d’incarner et de défendre notre Etat de droit, elle a jeté la hiérarchie des normes aux orties pour donner des gages aux islamistes. Alors que ceux-ci sont à l’offensive, le chantage à l’abaya le prouve, nommer une femme prête à sacrifier la liberté de conscience et d’expression au nom du respect de la religion est une erreur. Le pire étant qu’elle prend cette position alors qu’une jeune Française est menacée sur notre sol pour avoir exercé une liberté fondamentale.
Cette nomination, qui est la seule à faire passer un message politique est donc désastreuse. C’est curieux chez Emmanuel Macron cette capacité à faire tout et son contraire et à se croire le maître des horloges – il doit les confondre avec des ventilateurs.
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