Nadine Morano reniera-t-elle son engagement sarkozyste ? Ou mangera-t-elle son chapeau ? La nouvelle députée européenne enrageait cet été des nouvelles fréquentations de son champion. Les rumeurs les plus insistantes annonçaient en effet un retour de Nicolas Sarkozy, s’appuyant sur NKM et Laurent Wauquiez. Le sang de Nadine n’a fait qu’un tour. Pour faire connaître son mécontentement voire son désarroi, elle a même choisi de se confier à Marianne, magazine qu’elle ne porte pas dans son cœur pour avoir été le fer de lance de l’antisarkozysme pendant cinq ans. Et elle n’y est pas allée avec le dos de la cuiller, fidèle à sa réputation : « Nicolas Sarkozy sait que je lui porte de l’affection mais quand je le vois aller chercher des gens qui lui crachent à la figure, je ne vois pas l’intérêt ». Elle menace de « faire campagne contre lui s’il recommence ses conneries » avant de préciser : « Aujourd’hui, c’est une nouvelle page qui s’ouvre, je ne le suivrai pas sans conditions ».
Et pourtant, il semble bien que Nicolas Sarkozy reste sourd aux menaces de cette fidèle d’entre les fidèles. De toute évidence, c’est bien avec l’ex-candidate à la mairie de Paris et le député de Haute-Loire qu’il compte faire son retour dans la course à la présidence de l’UMP. Nicolas Sarkozy a toujours fonctionné ainsi. Les amitiés sont secondaires. Il fait de la politique. Et l’alliance avec ces deux représentants de la jeune génération n’est pas due au hasard. Il s’agit d’une construction qui va au-delà du simple fait que NKM et Wauquiez pèsent davantage politiquement que Morano et Hortefeux. Pour comprendre cet attelage, il faut reprendre les déclarations, publiques ou rapportées de l’ex-président. Il y a un an déjà, à Nice, il avait raillé François Fillon : « «C’est un drôle de programme de promettre les 39 heures payées 35 et la retraite à 65 ans. Bon courage à celui qui veut se faire élire là-dessus !». On imagine aisément ce que Nicolas Sarkozy, dans la même veine, pourrait penser du « choc thatchérien » préconisé par son ancien premier ministre. Sur les sujets économiques, ces deux-là s’opposent depuis longtemps, Sarkozy préférant une plus grande souplesse quand Fillon a toujours été favorable à la priorité donnée à la lutte contre dette et déficits. Qu’on se le dise : le retour de Nicolas Sarkozy ne se fera pas sous le signe du libéralisme. Et pas seulement sur l’économie, on y reviendra. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’apport de NKM, marquée à gauche de l’UMP et plus à même d’incarner une forme de générosité sociale.
Sur l’autre flanc, l’alliance avec Laurent Wauquiez s’appuie sur des fondations encore plus solides. Depuis la rue de Miromesnil, Nicolas Sarkozy n’a pu que remarquer que son ancien ministre des affaires européennes a énormément travaillé son corpus idéologique depuis mai 2012. Alors que Gaël Brustier l’analysait lui-même dans un article du Huffington post[1. « Méthodiquement, il construit donc sa stratégie dans la droite et sa stratégie pour la droite. Défense de « classes moyennes » en 2011, soutien au populisme conservateur de « La Manif pour tous » en 2012-2013 et enfin rupture avec la doxa de la droite française sur la question européenne. C’est sur ce dernier point que de bruyantes oppositions se sont élevées »], celui qui avait réussi à rassembler la droite en 2007 peut le comprendre très facilement. Le même politologue proche du PS accordait début juillet un entretien à nos confrères du Figaro Vox, décrivant un véritable virage social-conservateur de Nicolas Sarkozy, expliquant que ce dernier s’inspirait des « Veilleurs », mouvance née de la Manif pour Tous. L’ex-président expliquait, dans son entretien au FigMag, qu’il avait été « une erreur d’attaquer l’égalité par la liberté car c’est toujours perçu comme la liberté qui opprime le faible ». Sarkozy et Wauquiez scellent donc une alliance qui repose sur une réflexion idéologique profonde, à mille lieues des préoccupations d’ordre amical de Nadine Morano. Plus à gauche économiquement que ses concurrents Juppé, Le Maire et surtout Fillon, il les déborde par la droite sur le plan sociétal. L’attelage Wauquiez-NKM aurait d’ailleurs pu aussi être suppléé par un seul homme, qui fut son conseiller spécial pendant cinq ans, Henri Guaino. Lui aussi s’est opposé bruyamment à la thérapie de choc préconisée par Fillon en économie et a été actif dans les combats avec la « Manif pour tous ». Mais Nicolas Sarkozy souhaite sans doute s’appuyer sur des personnalités de la nouvelle génération, en affichage et par confort, tenant compte du caractère ombrageux et volcanique de son ami Henri. Du reste, Laurent Wauquiez et Henri Guaino avaient co-signé une tribune sur l’Europe au printemps dernier, qui prenaient le contrepied de la campagne officielle de l’UMP.
C’est aussi là-dessus qu’on attend Nicolas Sarkozy. Fera-t-il siennes les analyses de Wauquiez et Guaino. Cela aurait l’avantage d’être cohérent avec sa démarche économique et même sur les sujets sociétaux, tournant le dos aux recettes libérales, et aussi aux traités qu’il a négociés pendant son quinquennat…
*Photo : JEFFROY GUY/SIPA. 00691365_000089.
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