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Le discours anti-bourgeois est devenu tendance à l’UMP


Le discours anti-bourgeois est devenu tendance à l’UMP

ump cope peltier

Immigrés, musulmans, Roms, gens du voyage… nombreuses sont les victimes des stigmates infligés par l’UMP, si l’on en croit les adversaires politiques et médiatiques du principal parti de droite français. Il est pourtant un discours stigmatisant, se développant au sein de l’UMP depuis les dernières élections présidentielles, qui ne suscite guère de remous médiatico-politiques : le discours visant à disqualifier – pêle-mêle – les riches, les habitants des quartiers huppés et les diplômés de grandes écoles.
D’une manière générale, en France, les CSP+ en France ont l’habitude d’être malmenées par le discours d’hommes politiques de gauche, d’extrême gauche et d’extrême droite. À gauche, si le PS a pu être accusé de délaisser les catégories populaires au profit des classes moyennes, son candidat à la dernière élection présidentielle s’est tout de même permis l’audace d’affirmer sans ambiguïté lors d’un débat télévisé : « Je n’aime pas les riches ! ». À l’extrême gauche, classiquement, le « bourgeois » est mauvais du fait de son appartenance à sa « classe sociale », quelles que soient ses opinions politiques. À l’extrême droite enfin, dans le discours du Front national, ce sont plutôt les membres de « l’élite » – hauts fonctionnaires et « grands patrons » – ou les « bobos » qui sont conspués. Les premiers étant accusés de confisquer les richesses nationales dans l’intérêt de leur caste apatride, les seconds de cracher sur le peuple depuis leurs insolentes tours d’ivoire.
Le Français aisé ou très aisé – du moins celui qui est perçu comme tel – avait jusqu’à récemment, sous l’averse boueuse des offenses et accusations venues de la gauche ou de l’extrême droite, l’opportunité de s’abriter sous la tolérance du discours UMP à son égard. C’était avant la campagne présidentielle de 2012.
Nicolas Sarkozy, président de la République, candidat naturel de l’UMP aux élections présidentielles de 2012, se met à vilipender, à la veille de celles-ci, « la gauche caviar, la gauche morale qui habite boulevard Saint-Germain, qui met ses enfants dans des écoles privées », puis « la gauche bobo ». La figure du riche de gauche est brandie comme un épouvantail méprisable et grotesque, provoquant rires et sifflements dans les meetings. Non pas l’homme de gauche, mais bien le nanti de gauche, le bobo, coupable de combiner vote à gauche et style de vie confortable. Le pauvre de gauche, lui, n’est (fort heureusement !) jamais invoqué comme exutoire de la colère et de la moquerie, étant en quelque sorte encore sain de par son indigence, malgré son affiliation au camp idéologique adverse. Le niveau de vie des citoyens, selon le discours anti-bobo développé par l’ex-président de la République, devient tout bonnement un critère d’exclusion du peuple : « Je ne parle pas pour les bobos du boulevard Saint-Germain »croyait utile de préciser le candidat à la présidence de la République, pourtant censé s’adresser à tous les citoyens français, sans exception.
Parallèlement, les électeurs du FN se voient considérés par le Nicolas Sarkozy de l’entre-deux-tours comme des Français « qui souffrent », auxquels il ne faut pas donner « de leçon de morale » et dont la « colère » est « respectable », du fait de leur supposée appartenance aux catégories sociales défavorisées. Les « bobos de Saint-Germain-des-Prés », eux, ne méritent que l’opprobre, puisque vivant dans une arrogante bulle hors de la vraie France sur laquelle s’abat tous les malheurs. Pour résumer : le pauvre qui ne vote pas UMP n’est qu’une brebis égarée, tandis que le riche qui vote mal mérite le sort d’une brebis galeuse.
L’émergence de ce discours anti-classes aisées s’inscrit, durant la campagne présidentielle de 2012, dans la stratégie du président-candidat Sarkozy de couper l’herbe sous le pied du FN. Afin de puiser dans le vivier électoral frontiste, en constante expansion depuis l’avènement de Marine Le Pen, il ne convenait pas seulement pour Nicolas Sarkozy d’adopter un discours plus dur sur l’immigration et la sécurité, mais également de concurrencer le FN sur le terrain du populisme anti-riches, anti-élites, anti-système – ne serait-ce que d’un point de vue rhétorique, dans l’espoir d’appâter les électeurs des catégories sociales séduites par la vague bleu marine.
Le discours sarkozyste anti-bourgeois a survécu à l’élection de François Hollande. Les deux mousquetaires de la Droite Forte, Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, le déclament pieusement sur les plateaux télé auxquels ils sont conviés.
La Droite Forte, c’est cette fameuse motion de l’UMP, créée par un transfuge du MPF et un jeune surdiplômé, qui s’est vue promue par les militants UMPistes premier mouvement au sein du parti. Sa ligne idéologique se veut « sarkozyste », ce qui signifie – si l’on se base sur les propos de MM. Peltier et Didier – conservatrice sur les questions sociétales, plutôt eurosceptique, franchement patriote et … vigoureusement « anti-bobo ».
MM. Peltier et Didier, nouvelles égéries de la ligne « dure » de l’UMP, sont des pourfendeurs hors pair de ces Français osant habiter du bon côté du périphérique. Chez Ruquier, Geoffroy Didier brocarde le journaliste Aymeric Caron qui, vivant « forcément plus près de Saint-Germain-des-Prés que des cités sensibles du Val d’Oise », ne comprendrait rien au « problème d’intégration » rongeant la France authentique.
Chez Zemmour et Naulleau, Guillaume Peltier accuse le journaliste Renaud Dély, coupable de relever la proximité croissante des discours FN et UMP, d’être « le porte-parole du microcosme parisien qui confond le peuple avec le Front national »
Neuilly, dont fut maire l’idole et mentor de Guillaume Peltier, a sans doute, il est vrai, une population plus au fait des préoccupations du peuple que le microcosme parisien !
Le discours anti-élites des hommes-liges de la Droite Forte ne s’arrête pas à des considérations sur le lieu d’habitat. Dans leur bouche, les diplômes prestigieux sonnent comme des tares : « nous on n’a pas fait l’ENA ! » clame fièrement M. Peltier sur le plateau de C à nous aux côtés de son compère, comme si cela leur conférait quelque légitimité politique que ce soit. Geoffroy Didier, en effet, n’a pas fait l’ENA… mais Sciences Po, l’ESSEC et Columbia !
Drôle de jeu, donc, que celui auquel jouent ces hérauts de la Droite Forte, et avant eux Nicolas Sarkozy. Alors que ce travers était habituellement réservé à la gauche ou à l’extrême droite, des représentants de l’UMP ont pris pour habitude de dénigrer certains citoyens français du fait de leur aisance matérielle, de leur lieu de résidence ou de leur niveau d’étude. Comme si « peuple » était synonyme de « pauvres », de travailleurs précaires ou d’habitants de quartiers « sensibles » – au lieu de désigner tous les Français sans distinctions sociales et économiques.
Si ce discours anti-bourgeois et anti-élite qui vise à draguer l’électorat populaire est grotesque et caricatural, il risque surtout de froisser l’une des bases électorales traditionnelles de l’UMP, quand la crise que le parti traverse devrait lui imposer d’éviter plus que tout la désunion…

*Photos : UMP.



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Journaliste . Il est, également, rédacteur chez Webedia. Il a, notamment, collaboré pour Valeurs Actuelles, L'Express et La Croix.

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