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Nicolas Sarkozy, c’est nous !


Nicolas Sarkozy, c’est nous !

Commençons par vider l’abcès afin que le lecteur sache vraiment d’où nous parlons et posons-nous la question-clef : partirions-nous en vacances avec Nicolas Sarkozy[1. Souvenons-nous de l’antienne de Thierry Roland : « Ah, ces deux-là, ils partiront pas en vacances ensemble ! »] ? La réponse est négative parce qu’il nous est arrivé de le rencontrer − trois ou quatre fois, je ne sais plus − et que cela nous a suffi pour nous rendre compte que nous n’appréciions pas particulièrement le bonhomme, loin s’en faut.[access capability= »lire_inedits »]

Seulement voilà, ce n’est pas à cette aune que nous devons juger une personnalité politique et a fortiori un chef de l’Etat, surtout quand c’est le nôtre[2. De chef. Et, surtout, d’Etat]. Qu’on aime ou pas le bonhomme, ce n’est pas la question, il est de toute manière le Président de la République et nous devons le juger uniquement sur ses actes, sans tomber dans l’obsession, ce qui tombe bien puisque c’est précisément le thème central de cette livraison.

Pourtant, les derniers démêlés d’une bonne partie de la presse française avec Nicolas Sarkozy révèlent qu’Icelui en obsède plus d’un. L’autre jour, l’amie Muriel Gremillet estimait, en conclusion d’un article brillant, que ceux qui s’opposent au Président n’étaient pas obligés de tomber dans tous les pièges − même grossiers − qu’il leur tend. On ne saurait mieux expliquer cette grave disposition d’esprit, laquelle pourrait bien avoir pour conséquence que nous en prenions pour cinq années supplémentaires. Coup de génie − dont je ne sais s’il est l’œuvre de Muriel ou d’un autre responsable de notre site − cet article était illustré par une photo absolument révélatrice, où l’on voit Nicolas Sarkozy dans la position d’un gourou et une flopée de journalistes l’entourant, carnets à la main, comme ensorcelés tel Mowgli devant le serpent du Livre de la jungle. Cette image en dit beaucoup sur le regard de la plupart des journalistes en particulier, mais aussi des Français en général sur celui qui préside aujourd’hui aux destinées de notre nation. Fascinés, voire ensorcelés, et dans la démesure − négative ou positive −, à l’image, justement, de l’objet de leur fascination.

Cette fascination vire parfois – et effectivement − à l’obsession, notamment sur le style présidentiel, et fait perdre de vue l’essentiel à la plupart des opposants à Nicolas Sarkozy, presse de gauche comprise. Or, ce qui nous obsède davantage, c’est qu’on ait pu dans notre République, dans notre démocratie, faire adopter par le Parlement, et sous un autre nom, un texte rejeté massivement par le peuple trois ans plus tôt. Où était donc Edwy Plenel le 4 février 2008, lorsque députés et sénateurs avalisèrent cette infamie ? Marianne nous gratifia-t-il d’une « une » sur le « voyou de la République » ? Nenni ! On préfère en appeler au sauvetage de la République en danger à l’occasion d’une séquence estivale − plutôt mal maîtrisée, d’ailleurs − et de roulottes mal garées[3. © Jérôme Leroy]. Et s’il n’y avait que les journalistes ! On se mobilise, on perd des journées de salaire, on évoque l’éventualité d’une grève générale à l’occasion du débat sur les retraites, lequel n’est pourtant qu’un corollaire des décisions prises en matière européenne et, lorsqu’on viole délibérément notre refus de participer à cette Europe-là, il ne se trouve personne pour aller prendre l’Elysée d’assaut, muni d’une fourche ou d’autre chose ! Voilà ce qui devrait obséder tous les Français !

Nicolas Sarkozy n’est pas dangereux lorsqu’il est « clivant ». En général, peu de temps après, il recule, car il s’agissait juste d’une séquence de com’. En revanche, lorsque Libé et Le Figaro l’approuvent de conserve, lorsque Plenel se tait, lorsque Marianne ne parle du sujet qu’en petit dans ses pages intérieures, il y a vraiment danger. Ce qui est inquiétant dans la France de 2010, c’est que l’anti-sarkozysme intelligent ait beaucoup de mal à trouver quelques porte-drapeaux médiatiques[4. A part peut-être à 7h15, chaque jour ouvrable sur Radio Luxembourg].

Et si Nicolas Sarkozy personnifiait notre renoncement collectif, notre frilosité collective à assumer un destin commun ? Et si notre laisser-faire au moment de l’adoption du Traité de Lisbonne révélait notre fatalisme, notre manque de courage et, pis, une communion – par paresse davantage que par adhésion − avec nos élites politiques et médiatiques ? Et si, effectivement, nous ne méritions, collectivement, pas autre chose que de choisir entre Sarkozy et Royal la dernière fois, entre Sarkozy et DSK, ou Aubry ou encore Royal, la prochaine fois ? Lorsqu’Eric Zemmour évoque une « mélancolie française », notre léthargie en février 2008 lui donne furieusement raison.[/access]

Décembre 2010 · N° 30

Article extrait du Magazine Causeur



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