L’accord de libre-échange UE/Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) sera-t-il le clou sur le cercueil de nos agriculteurs ? C’est ce que craignent les syndicalistes agricoles ainsi que le député LREM Jean-Baptiste Moreau, ancien éleveur bovin qui se fait fort de convaincre le président Macron. La prime au moins-disant social social et environnemental qu’on nous décrit a en effet de quoi faire peur. L’économiste libéral Nicolas Bouzou se veut néanmoins rassurant, décrivant un accord de régulation commerciale. Entretien.
Daoud Boughezala. La FNSEA qualifie d' »inacceptables » les accords trouvés entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) concernant le libre-échange des denrées agricoles. Comprenez-vous que nos agriculteurs craignent de subir une concurrence – éventuellement déloyale ?
Nicolas Bouzou. Oui, en particulier sur l’élevage. Mais il faut comprendre que la baisse de compétitivité de notre agriculture vient moins des accords commerciaux que des charges et des réglementations issues du principe de précaution. J’observe aussi que la France traduit dans son droit les directives européennes avec plus de zèle que tous nos voisins. Je comprends que la FNSEA s’inquiète mais, pour notre agriculture, les vrais enjeux sont ailleurs.
L’Europe est une zone réglementée et protégée.
L’Union européenne est née du Marché commun, qui prévoyait un tarif extérieur commun pour les Etats fondateurs de l’Europe. Aujourd’hui, l’UE semble signer des accords libre-échange à rebours des pratiques protectionnistes des dirigeants chinois et américains. Sommes-nous trop naïfs dans la compétition commerciale internationale ?
Pas du tout. L’Europe est au contraire une zone réglementée et protégée. On parle d’accord de libre-échange un peu à tort. Certes, il s’agit de diminuer les droits de douane et d’augmenter le commerce international mais ces accords sont avant tout des accords de réglementation. Regardez les milliers de pages d’un accord commercial et vous comprendrez que c’est l’inverse de la loi de la jungle. En réalité, les accords de libre-échange nous font entrer dans une logique de droit international et donc de régulation. Ils essaient de faire ce que l’OMC n’a pas réussi à réaliser.
L’Asie ne serait jamais sortie du sous-développement sans le libre-échange
C’est-à-dire ?
L’OMC voulait apporter une solution globale. Les accords régionaux sont donc forcément moins performants mais, avec Trump qui se désengage des organisations multilatérales, il n’y a malheureusement pas de possibilité de faire autrement…
Au fond, à l’heure des gilets jaunes, de Trump et Bolsonaro, le libre-échangisme est-il encore audible par les populations ?
Bien sûr si c’est bien expliqué. Un monde sans accords de libre-échange serait bien plus pauvre et désordonné qu’un monde avec de tels accords. L’Asie ne serait jamais sortie du sous-développement et nombre de nos industries comme l’aéronautique, l’agroalimentaire ou les cosmétiques seraient restés à l’état croupion. J’ajoute qu’on ne peut pas lutter contre les dérèglements climatiques dans des accords commerciaux qui abordent ces questions.
Il est d’ailleurs significatif que Trump, Bolsonaro ou Le Pen et Mélenchon en France soient protectionnistes : ils veulent construire des lignes Maginot car, en réalité, ils n’ont pas confiance dans la liberté et les capacités d’innovation de leurs pays.
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