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Agir pour ne pas subir

Une tribune libre de Nicolas Bourez


Agir pour ne pas subir
Image d'illustration.

Le témoignage de Nicolas Bourez, directeur d’école à Neuilly-sur-Marne (93) qui a été visé il y a un mois et demi par un tract distribué jusque devant son établissement aux parents des élèves en le diffamant et en l’accusant d’être extrémiste et antimusulmans.


Le soir venu, le doute s’installe. Ai-je bien fait ?

Je m’endors l’esprit agité par toutes ces incertitudes. Mes élèves me réveillent. Je pense à eux, à tous ceux qui ont tant compté pour moi, justifiant toutes ces heures à tenter de les accompagner au mieux. Je vois leurs visages, j’entends leurs voix, ils parlent fort, m’appellent « directeur, directeur ». Mais je ne réponds pas. Alors ils me cherchent partout dans l’école, certains courent, d’autres restent sur place, l’œil hagard, beaucoup font du bruit. Et je me réveille. Les pensées pleines de ces nombreuses années passées à rappeler les règles, à écouter les blessures, à comprendre sans pour autant excuser, bref à éduquer dans mon bureau, pour qu’en classe, ils puissent s’élever. D’aucuns diraient du temps à les sauver… pas faux, du moins à essayer !

Alors, ai-je bien agi en les laissant, sans même un petit au revoir ? Cela est triste, mais était nécessaire cependant à mes yeux, car c’était la seule manière de les protéger réellement. Savoir s’effacer. Paradoxe entier car dans mon cas cela revenait à m’exposer au vu et au su de tous… S’effacer professionnellement et s’exposer personnellement. Voilà. Bien sûr cela n’a pas fait l’unanimité parmi les collègues et certains doivent encore m’en vouloir. Peu importe car il s’agissait de protéger les élèves, pas de plaire aux adultes.

Pour le reste, pour moi, les solutions se trouveront dans le silence des bureaux de l’académie. Entre personnes responsables, loin de toute cette agitation extérieure qui ne devrait jamais pénétrer l’école. D’autant que les petits gars de la bande à Thomas pourraient écouter aux portes… Alors, discrétion de rigueur et accompagnement du syndicat Action et démocratie CFE-CGC, qui de lettre en appel téléphonique, de conseil en écoute, a toujours été présent pour que je me sente moins seul. Surtout pour que je sois entendu et bien défendu.

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Mais voilà, il n’y a pas que l’aspect professionnel, je suis mis en cause en tant que directeur d’école bien sûr, mais c’est surtout ma personne qui est visée. Je suis d’autant plus ciblé nominativement que j’ai eu l’outrecuidance d’écrire ici-même, sur Causeur.fr ! Quand les bien-pensants (devrais-je écrire les « rien-pensants », comme la patronne ?) jugent les gens sur l’endroit d’où ils s’expriment et non sur le discours, nous sommes tout près de la bêtise crasse. Quand la posture est plus forte que la prise de position, le danger est imminent ! Personnellement, ma soupe a le même goût qu’on la serve dans un bol ou dans une assiette creuse ! Avec quelques croûtons…

D’autant que Causeur est multiple, surtout si vous n’êtes pas d’accord, sinon monologues et pensée unique auraient été de meilleurs titres. Olivier Dartigolles risque de prendre un coup de moins bien, comme on dit en cyclisme, si on le traite systématiquement de facho à cause de son « Coup de rouge » ! Pardonnons à ceux qui sont perdus dans l’immensité de leur ignorance, mais combattons les autres : ils sont nettement plus sectaires que les soi-disant fachos qu’ils veulent clouer au pilori.

Donc je serais un extrémiste, à droite toute évidemment, accusé en plus d’être antimusulmans pour avoir dénoncé l’entrisme politique à l’école de certains qui feraient bien d’apprendre à lire au lieu de mettre des cibles dans le dos des autres. Mais je n’en dirai pas davantage, car comme je suis ciblé personnellement, je m’organise pour pouvoir me défendre. Là aussi, je ne resterai pas seul.

Comme mon histoire me fait penser depuis le début à celle de Didier Lemaire, en beaucoup moins grave bien entendu car j’ai pu agir à temps, avec des similitudes sur fond de politisation de l’école et d’instrumentalisation de l’islam par des politiques peu scrupuleux de nos règles républicaines, j’ai contacté l’association qu’il vient de fonder : « Défense des serviteurs de la République », dont voici le lien : https://www.defense-des-serviteurs-de-la-republique.org/

Très vite, j’ai été rappelé, écouté, entendu, accompagné par cette association qui va dans le sens de l’action pour ne pas subir, agir pour être acteur et non plus victime. Différence d’importance car il faut absolument avancer pour briser le cercle vicieux de l’isolement et de la culpabilisation. Une belle équipe compose cette association parmi laquelle un groupe d’avocats pour aider, y compris si nécessaire en dehors de toute considération financière, les serviteurs de la République qui en auraient besoin. Évidemment dans le but de défendre nos valeurs qui ne doivent pas rester seulement des mots, mais également vivre et être bien réelles, que certains s’évertuent à combattre systématiquement en attaquant, en accusant, en mettant en danger ceux qui les portent en étendard, notamment à l’école. Pourtant si nous baissions pavillon, comment serions-nous capables ensuite de nous rassembler pour faire société ?

Ainsi, Maître Georges Sauveur prépare une plainte qui sera bientôt déposée afin de m’accompagner sur le volet juridique de mon affaire. Bien sûr, je n’en dirai pas davantage, mais que chacun ait bien conscience que je ne lâcherai rien de ce côté-là non plus. Et si d’aucuns ne comprennent toujours pas, je leur répondrai avec Joël Dicker « Il y aura toujours celui qui ne comprendra pas ton choix. Mais on choisit pour avancer, pas pour être compris ».

En d’autres termes, agir pour ne plus subir.



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Directeur d'école élémentaire, auteur de "Dans l'entre-moi - Le tourbillon de la vie", publié aux éditions Baudelaire

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