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Corse: «Nous entendons briser cette hégémonie gauchisante sur l’autonomisme!»

Entretien avec Nicolas Battini


Corse: «Nous entendons briser cette hégémonie gauchisante sur l’autonomisme!»
Nicolas Battini, fondateur du mouvement corse identitaire "Mossa Palatina". DR.

Le nationalisme corse est en ébullition. La mort d’Yvan Colonna a profondément fracturé les militants. La victoire des nationalistes, en 2015, s’est accompagnée de nombreuses désillusions pour beaucoup de Corses. Ceux qui prétendaient défendre la Corse éternelle, celle des montagnes indomptables et des dynasties fières, se sont acoquinés avec le gauchisme parisien pour mieux réagir à la République. Nicolas Battini, avec son parti politique Mossa Palatina, entend combattre et vaincre cette erreur. À l’indépendance « tiers-mondiste » et « wokiste », il oppose l’identité corse.


Causeur. Vous abordez dans votre livre tout récemment paru plusieurs problématiques intéressantes. Vous identifiez notamment l’universalisme jacobin comme l’origine du mal en Corse… Pourquoi ?

Nicolas Battini. Le jacobinisme est l’un des maux majeurs dont souffre la France, pas seulement la Corse. Contrairement à ce que d’aucuns en disent, il ne se résume pas au centralisme. Le jacobinisme va bien plus loin que la simple concentration des leviers de décision à Paris. Il est l’une des matrices intellectuelles qui a préparé, deux cents ans en amont, le wokisme et la déconstruction. Il a organisé institutionnellement et imposé mentalement la destruction minutieuse des vieux héritages, du lien charnel avec le catholicisme populaire, de l’attachement au terroir et au peuple historique, de la légitimé des corps intermédiaires entre l’individu et l’État. La Corse, dans ses profondeurs populaires, est aujourd’hui l’un des points avancés de la résistance et du refus de l’universalisme républicain. Même si elle a elle-même fini par produire une élite locale, y compris indépendantiste, soumise aux grands canons jacobins adaptés localement, et prête à glisser spontanément vers la pensée décoloniale et woke.

Une critique que l’on entend. Pourtant, une partie de la Corse ne vit que grâce à l’État. Avec 86 emplois de la fonction publique pour 1 000 résidents, la Corse est aussi la région de province la plus administrée…

Le libéral que je suis est tout à fait d’accord pour convenir de l’état catastrophique d’une économie insulaire beaucoup trop articulée autour de la fonction publique. Mais encore une fois, le jacobinisme, avant de se manifester par une omniprésence de l’Etat, est avant tout une pensée totalitaire et déracinante. La question économique pèse finalement bien peu dans la critique que j’en fais. Un Etat centralisé, même omniprésent, mais respectueux du fait autochtone en Corse et prompt à en valoriser l’identité millénaire ne représenterait pas à nos yeux un péril de nature mortelle pour le peuple corse.


Comment les indépendantistes sont-ils passés à cet universalisme jacobin ?

C’est une question sociologique. La bourgeoisie urbaine s’est largement ralliée à la gauche universaliste depuis des générations. En particulier depuis mai 68. Les cadres indépendantistes viennent de cette sociologie-là, ils en ont donc les codes et les valeurs. Par ailleurs, le phénomène historique qui a poussé à l’émergence de l’indépendantisme en Corse est étroitement lié au développement de la pensée soixante-huitarde qui accompagne la fin de la décolonisation à partir des années 50 et 60. Enfin, le nationalisme corse étant né dans les années 20 dans un courant de pensée très clairement situé à droite, voire à l’extrême-droite, plusieurs de ses meneurs se compromirent avec le fascisme italien. Au sortir de la guerre, une génération nouvelle tendit à offrir à la revendication corse disqualifiée une forme de fréquentabilité auprès des cercles urbains de la gauche parisienne. Le prisme anticolonial et anti-impérialiste permit cela, ce qui teinta durablement la revendication corse, indépendantiste comme autonomiste, d’un arrière-fond de valeurs très à gauche. Un cycle historique que nous entendons briser.

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Une trahison intellectuelle qui se recoupe d’après votre expérience avec des intérêts criminels ?

Assurément. La pratique continue et systématisée du moyen violent a nécessairement fait émerger des pré-carrés, des habitudes, des façons d’être et de vivre particulièrement rédhibitoires et préjudiciables à l’établissement durable d’une saine vie démocratique en Corse. Des chefs de réseaux armés se présentant comme des combattants de la Corse sont en réalité des chefs de gangs qui, à la tête de leur capital de nuisance, défendent et font fructifier leurs intérêts financiers. Le tout construit sur le sacrifice d’une jeunesse évidemment naïve qui pense s’investir au service d’une juste cause. Tout ceci doit prendre fin. Ou tout du moins, la légitimation politique de tels intérêts doit-elle être annihilée par un discours public de vérité.

La mort d’Yvan Colonna en prison a-t-elle changé les choses pour le nationalisme corse ?

La mort d’Yvan Colonna a mis nombre de nationalistes corses au pied du mur : évoquer l’islamisme par souci de vérité ou bien se contenter d’un discours complotiste résolument tourné contre l’État afin de ne pas sortir des clous de la bien-pensance gauchisante. Le président Gilles Simeoni intima la consigne d’opter pour la deuxième option. Pour ma part, alors membre de l’Exécutif de Femu a Corsica, j’ai pris la décision de démissionner pour affirmer les convictions qui sont les miennes et qui structurent aujourd’hui le narratif de Palatinu. Pour l’actuelle majorité territoriale, Yvan Colonna a été assassiné par les services préfectoraux par l’intermédiaire du djihadiste Elong-Abé. Pour ce qui nous concerne, jusqu’à preuve du contraire, Yvan Colonna est mort à cause de l’incapacité de l’extrême-centre à gérer la question de l’islamisme et de la surpopulation pénale ! Ces deux visions sont en train de fracturer profondément le nationalisme corse ainsi que le reste de la société insulaire.

Comment Palatinu, votre association récemment transformée en parti, compte répondre à cet appel du peuple corse ?

Nous y répondons par notre existence même ainsi que par nos actions. En moins de deux ans d’activité soutenue, Palatinu s’est installé au cœur du débat public corse. Pas un mois sans que nous ne soyons au centre d’une polémique. Notre nombre d’adhérents est aujourd’hui le même que Femu a Corsica, le parti majoritaire. Et ce sans aucun levier de pouvoir à notre disposition. La lame de fond est profonde au sein du peuple. Le jour de la création de notre organe électoral, Mossa Palatina, la plus grande salle de meeting d’Ajaccio était pleine à craquer. Une véritable démonstration de force selon les aveux de nos propres contradicteurs. L’établissement d’un secteur identitaire et conservateur, antiwoke et opposé à l’islamisation au sein de l’autonomisme corse est désormais durable.

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