Dans son essai L’Empire Netflix publié aux éditions de la Nouvelle Librairie, le journaliste Édouard Chanot nous fait découvrir les coulisses d’une industrie qui a fait de la propagation du wokisme l’une de ses spécialités.
La netflixisation du monde
En 2022, Netflix peut compter sur 221 millions d’abonnés répartis partout sur la planète pour leur imposer « une seule vision du monde » dont le propre est de l’uniformiser au nom… de la diversité. C’est le paradoxe américain par excellence : répandre la démocratie partout grâce à des moyens peu démocratiques. Ou plutôt répandre le marxisme culturel grâce au capitalisme. En bref, coloniser les esprits au nom de la décolonisation.
Jusque dans les bidonvilles de l’Inde où des gens se partageront un abonnement pour regarder des séries sur leur portable, dans son ensemble, Netflix est féministe, multiculturaliste et écologiste à l’américaine.
« Netflix contribue décisivement à délimiter le périmètre des interdits moraux. Sur la plateforme, les militants woke devenus managers, scénaristes, réalisateurs ou producteurs de séries ouvrent la fenêtre de nos esprits à leurs propres jugements, autrefois impensables et demain populaires », analyse Édouard Chanot.
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Révolution culturelle, révolution managériale
« Chez Netflix, la révolution culturelle doit être permanente », mais aussi la révolution managériale qui permet à la première de prendre forme. Forte de son milliard d’heures de visionnement par semaine en 2018, la plateforme prône une concurrence démesurée entre ses employés bien qu’elle soit devenue l’un des symboles de l’esprit pantouflard occidental. Les employés de Netflix n’ont pas vraiment le temps de jouir de leur propre produit.
Pour conserver son poste dans cette boîte, il faut « performer » sans relâche et se soumettre à toutes sortes de pratiques comme les « évaluations 360 », c’est-à-dire des repas à huit collègues durant lesquels les « modérateurs » doivent identifier les « attitudes toxiques ». Tout est calculé, mesuré et monitoré pour maximiser le rendement. Sous le soleil de la Californie, « les enfants des hippies sont devenus de redoutables capitalistes ».
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Autre constat du journaliste dans son bref ouvrage mais particulièrement dense et éclairant: les algorithmes contribueraient à façonner un art sur mesure en fonction des profils des utilisateurs, ouvrant ainsi la voie à des créations « à la carte » combinant leurs préférences. Serait donc en train de naître une manière de scénariser tenant moins compte des passions et aspirations humaines intemporelles que des attentes psychologiques immédiates d’un public hypnotisé.
Netflix aspire à cibler de manière toujours plus précise ce que vous avez envie de voir à tel moment de la journée, il aspire à vous connaître pour vous vendre une ambiance.
« Netflix ne saurait être réduit à une simple plateforme de streaming. C’est un mastodonte du data, qui a fait basculer l’intelligence artificielle dans la consommation et la production cinématographiques. »
Par ailleurs, l’auteur note que l’entreprise américaine semble avoir entamé son déclin, devant maintenant redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour que ses adeptes continuent à lui offrir autant de « temps de cerveau ». Aucune entreprise ne peut arrêter de courir dans le marché contemporain. Comme quoi le confinement n’aura pas été si bénéfique pour Netflix, ou du moins pas plus que pour HBO, Disney + et Amazon Prime; ses principaux concurrents dans cette course au divertissement à la maison.
Edouard Chanot, L’Empire Netflix, Nouvelle Librairie, 2022, 70 p., 7€.
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