Eh non, cher Luc, je ne suis pas « aveuglé par ma détestation de Netanyahou ». J’estime, comme beaucoup de mes compatriotes, que cet homme nous mène dans le mur. J’ose croire que ce constat, assez banal dans ces parages, ne me rend pas moins « concerné » que toi par « la pérennité » de la nation à laquelle je suis assez passionnément attaché pour y vivre quoiqu’il arrive, comme par le sort de mes frères juifs où qu’ils se trouvent.
Sur la question qui me vaut ton interpellation, je n’ai aucun problème, et je l’affirme haut et fort dans ma chronique, avec l’appel traditionnel à l’aliyah, inscrit dans la vocation même de l’Etat d’Israël. J’ai simplement constaté, mais je me trompe peut-être, que la France n’est ni l’Ethiopie, ni l’Union soviétique d’antan. Et j’ai prétendu que, formulé de cette manière, l’appel de mon valeureux Premier ministre – puisque, dans sa première version, édulcorée dans un deuxième temps, c’est bien d’une injonction qu’il s’agissait – et au moment où la communauté nationale française était frappée au cœur, avait quelque-chose de proprement indécent. Imagines-tu quelle serait la réaction du gouvernement d’Israël, quelle serait ma réaction, si, à chaque fois que le terrorisme palestinien sème la mort dans nos rues, Paris s’avisait d’inviter ses ressortissants franco-israéliens à trouver refuge dans leur mère patrie ? Je persiste et signe : ce fut une double gifle, à un gouvernement ami et à l’idéologie fondatrice de l’Etat juif dans ce qu’elle a de plus noble.
Enfin, Netanyahou n’aurait pas joué des coudes, tout aurait été arrangé par les bons soins du protocole français. Allons donc, ce fut bien pire que cela. En fait, il n’était pas invité du tout, les Français n’en voulaient pas, précisément parce qu’ils se doutaient de ce qu’il allait dire. Il est venu quand même, ce qui a valu à Mahmoud Abbas de se trouver là aussi. Merci qui ?
En fait, il n’avait aucune intention de faire le voyage pour Paris, affaire de « sécurité » vois-tu. Jusqu’au moment où il a appris que deux de ses ministres et rivaux, et pas des moindres, Naftali Bennett et Avigdor Lieberman, faisaient leurs valises. Du coup, la sécurité n’était plus un problème. Ah, les dures exigences des campagnes électorales… « Pérennité », dis-tu ? Oui, pérennité de son job. Il faut bien qu’il y ait quelque chose de pérenne en ce bas monde…
Au final, un tout petit bonhomme, qui fait un excellent travail pour nous couper de la communauté des nations civilisées, transformer le sionisme en un gros mot et l’Etat juif en un machin binational. Là où la situation exigerait un Ben Gourion, on n’a qu’un Netanyahou. Mais la déesse Fortune n’est pas seule responsable. En démocratie, on a toujours, toujours les chefs qu’on mérite.
Avec mon amitié indéfectible.
Photo : Balilty-Pool/SIPA/SIPA/1211211619
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