Le petit État de l’Himalaya est en pleine crise identitaire, alors que la Chine et l’Inde y ont trouvé un nouveau terrain d’affrontement.
C’est un combat anachronique qui se joue actuellement au Népal. Il y a trois semaines, face aux pressions exercées dans la rue par les royalistes qui réclament le retour du roi Gyanendra Shah sur son trône et aux divisions internes qui minent son gouvernement, le Premier ministre marxiste Khagda Prasad Sharma Oli a annoncé la dissolution du parlement et des élections anticipées prévues pour le 30 avril prochain.
Dans cet Etat de l’Himalaya en pleine crise identitaire, les Népalais appellent désormais au retour de la monarchie renversée en 2008. Tapies dans l’ombre, Chine et Inde jouent une impitoyable partie d’échecs afin de préserver leur sphère d’influence dans cette partie de l’Asie.
Un pays troublé
Depuis plusieurs jours, le Népal vit aux rythmes des manifestations en faveur du retour de la monarchie. Par dizaines de milliers, les rues des principales villes du pays, dont la capitale Katmandou, se sont couvertes de drapeaux de l’ancienne monarchie défunte et de portraits du roi Gyanendra Shah. Monté sur le trône en 2001, après un parricide particulièrement sauvage, le dernier monarque du Népal a été contraint à l’abdication après sept ans de règne marqué par une tentative de restauration de l’absolutisme qui a précipité sa chute. Exilé de l’intérieur et bénéficiant de larges privilèges, que la coalition marxiste au pouvoir depuis 2017 a tenté vainement de faire retirer, le souverain reste une voix critique.
Il n’a pas hésité à remettre publiquement en question l’adoption de la laïcité et la fédéralisation du pays qui ont mis à mal l’unité du pays forgée sous le sceau du roi Prithivî Nârâyan Shâh au cours du XVIIIème siècle. Lorsqu’ils ont pu se hisser au pouvoir après une longue rébellion d’une décennie et avec la complicité du Congrès népalais, pourtant soutien à la royauté des Bir Bikram Shah, les communistes et marxistes-léninistes ont été porteurs d’espoirs. Rattrapés par la réalité des affaires, le Népal connaît aujourd’hui une grave crise économico-sociale que la crise du Covid-19 a achevé de plonger dans une instabilité politique chronique. Aujourd’hui les partis de gauche sont à couteaux tirés et les monarchistes se sont engouffrés dans les multiples brèches ouvertes par le gouvernement.
Kamal Thapa fédère les monarchistes
Le Rashtriya Prajatantra Party est ainsi une épine dans le pied d’argile de la République fédérale. Ultra-monarchiste et hindouiste convaincu, Kamal Thapa a réussi à fusionner sous le nom de son mouvement toutes les composantes royalistes du pays. À la tête de la première force politique extra-parlementaire, l’ancien (deux fois) vice-premier ministre tire actuellement à boulets rouges sur les marxistes, les Chrétiens qui essaiment et menacent l’identité religieuse du pays selon lui ou encore contre la Chine et l’Inde qui se disputent le contrôle du Népal. New Delhi ne fait pas mystère de son soutien public au roi Gyanendra Shah, l’Inde l’a rencontré à de nombreuses reprises. Au grand dam de Pékin qui a récemment dépêché une délégation afin d’imposer sa médiation dans le conflit opposant les maoïstes dissidents et les marxistes-léninistes et empêcher le retour à l’ancien régime qui s’est acheté une bonne conduite aux yeux des Népalais. Un souverain qui vient justement de débarquer dans l’Est du pays et devrait rencontrer les différents leaders royalistes du pays afin de discuter de la situation du pays. Le Népal va-t-il retrouver sa monarchie ? Le Congrès népalais, principal parti d’opposition, reste encore très frileux quant à cette perspective et rejette toute proposition de référendum en ce sens. «La monarchie ne reviendra pas au Népal. Les manifestations pour son rétablissement se poursuivent en raison de l’incompétence du gouvernement Oli à gouverner », croit savoir Sher Bahadur Deuba, ancien Premier ministre, qui minimise la portée de ces rassemblements dont le principal slogan est « Roi, reviens nous sauver ». « Notre nation doit retrouver évidemment sa monarchie et son statut d’état hindou. Tant que nous n’atteindrons pas notre objectif, nous nous battrons pour cela » lui ont répondu en cœur les monarchistes, le 27 décembre dernier.
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