D’après la doxa néoféministe, les hommes gagneraient 25% de plus que les femmes. Complaisamment relayé par L’État, ce chiffre gonflé ne tient pas compte des écarts de temps de travail, de pénibilité et de productivité.
Le 6 novembre dernier à 15 h 35 très précisément, les femmes françaises ont – aux dires de notre Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les sexes – commencé à travailler « bénévolement » jusqu’à la fin de l’année 2018, puisqu’à compétences égales elles auraient été en moyenne payées « 9 à 27% de moins » que leurs collègues masculins. Dès la décennie 1990, le progressisme anglo-saxon a adopté comme coutume de marquer symboliquement chaque année la durée de travail incrémentale que les femmes auraient à consentir pour que leurs salaires équivaillent à ceux dont les hommes jouissent. Cette revendication égalitariste, parée de tous les atours de l’humanisme le mieux intentionné, s’est diffusée dans tout le monde occidental au point de devenir un programme politique et une bannière de ralliement pour un féminisme bon teint que d’aucuns se plaisent à afficher.
La première des conditions de l’hygiène étant une bonne conscience, selon les termes bien connus de Nodier, peu de voix se sont fait entendre pour questionner la doxa désormais bien établie en vertu de laquelle l’inégalité salariale serait nécessairement la résultante discriminatoire du système de domination patriarcale. Pour le gouvernement, il s’agirait même d’une « violence économique » faite aux femmes, à ajouter à la longue litanie des violences sexuelles, symboliques, routières, culturelles et sociales.
Le dessous des chiffres
La plupart des statistiques publiques sont communiquées dans leur forme réduite, c’est-à-dire au moyen d’un chiffre unique et explicite. En matière de traitement salarial, il semble en aller bien autrement, les autorités ne communiquant que des intervalles aux bornes fluctuantes selon les circonstances et les locuteurs. Pourtant, maints travaux académiques existent et tous convergent quant à leurs conclusions : si l’écart de salaires en France se situe bien autour des 25 %, c’est en analysant les données de la manière la plus « brute » qui soit, en comparant des agrégats en fait non commensurables. Il ne viendrait, normalement, à l’idée de personne de se plaindre d’un traitement discriminatoire pour avoir été payé, pour travailler à mi-temps, la moitié du salaire d’un collègue occupant un poste similaire à temps plein ; c’est pourtant ainsi que la valeur de 25% est établie, sans tenir compte des différences effectives de temps de travail. Une fois cet ajustement pris en compte, l’écart s’établit sous les 20%. Mais c’est là encore sans considérer la qualification des salariés, ainsi que les différences de secteurs professionnels et des catégories d’emplois en jeu. Après correction de ces effets, l’Insee lui-même reconnaît un écart résiduel de 9 % (dit « à compétences et postes égaux »). Voilà trivialement d’où provient la borne basse de la communication gouvernementale en matière de discrimination professionnelle.
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Cependant, notre Institut national de la statistique, comme tous les autres organes de recherche sérieux ayant traité du sujet, reconnaît que ce chiffre néglige encore d’autres facteurs à même d’en relativiser la portée, au rang desquels : la pénibilité ou la dangerosité des emplois occupés (le taux de mortalité par accident du travail étant sensiblement plus élevé chez les hommes), la durée et la fréquence des interruptions de carrière (les femmes ayant en moyenne des parcours moins continus), le consentement aux mobilités externe et géographique (les hommes acceptant plus souvent cet inconfort vis-vis de leur situation familiale), voire la productivité réelle (certaines études, dont celles du Crest soulignant qu’elle puisse varier selon les genres et les secteurs d’activités). La prise en compte plus juste de telles considérations permet, sans surprise, de réduire encore un peu plus l’écart, de 9 % à moins de 4% (déjà, en 2002, un rapport d’information du Sénat indiquait cet ordre de grandeur). Autrement dit, l’inégalité salariale,telle qu’elle est revendiquée, relève autant de l‘incertitude statistique que de phénomènes problématiques de discrimination. La discrimination peut exister – nul ne le contestera – mais elle n’a rien à voir avec le système fantasmé par le progressisme sexualiste.
De si commodes inégalités
Les données relatives aux salaires d’embauche des jeunes diplômés confirment en outre qu’il n’y a en moyenne pas de traitement différencié sensible entre les hommes et les femmes pour un même métier lorsque les qualifications sont identiques. En revanche, les parcours de vie divergent ensuite et la survenue de la maternité, l’appétence au risque ou les choix subséquents d’orientation de carrière sont de nature à induire des décalages de progression en termes de salaires. Mais à y regarder de plus près, il apparaît par exemple que l’arrivée d’un premier enfant n’infléchit que peu à la baisse le taux d’activité des femmes « sans ascendance migratoire » (selon les chiffres et termes de l’Insee), alors que cela tend à éloigner durablement les immigrées et descendantes d’immigrés du marché de l’emploi, induisant de facto une baisse de rémunération chez ces dernières. Le patriarcat de l’« homme blanc » discrimine moins qu’il n’y paraît ; pourtant, c’est celui que l’on voue volontiers aux gémonies. A contrario les véritables traditionalismes machistes restent largement impensés par le féminisme accusateur contemporain.
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Clamer à la moitié de sa jeunesse qu’elle est condamnée à moins bien réussir en raison de son sexe, c’est alimenter une opposition catégorielle aussi insupportable que fallacieuse. La question des inégalités réelles est une chose bien trop sérieuse pour être laissée à la main de militants politiques aux raisonnements simplistes, fussent-ils en situation de responsabilité politique. Churchill admettait ne croire aux statistiques que lorsqu’il les avait lui-même manipulées ; notre gouvernement, lui, ne se prive pas d’établir des politiques publiques sur ces fondements instables, instaurant des indicateurs d’égalité, promettant de multiplier contrôles et sanctions, menaçant de pratiquer le « name and shame » à l’encontre des entreprises les moins disciplinées. La mesure et la raison attendront une fois de plus, tant que les périls inégalitaires guetteront.
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