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Némésis: quand le féminisme se fait «identitaire»

Entretien avec des féministes pas comme les autres


Némésis: quand le féminisme se fait «identitaire»
Crédit: Monsieur huître

Causeur a rencontré Charlotte, Elisabeth et Emma, membres fondatrices du collectif Némésis


Elles se font appeler Némésis, en hommage à la déesse de la colère vengeresse. Ce collectif « féministe anti-conformiste » fait beaucoup parler de lui depuis quelques mois, notamment pour s’être vu violemment exclure de la manifestation parisienne « Nous toutes » du 23 novembre 2019. Depuis, Némésis redouble les actions : elles interpellent des figures du militantisme féministe et soulignent une omerta envers les agressions sexuelles commises par des migrants en France, dénonçant selon elles une injustice dans le traitement de l’information. Il y a quelques jours, elles ont rendu un hommage théâtral à une femme rouennaise victime de viol par un homme de nationalité camerounaise dont la demande d’asile venait d’être rejetée. Lors de cette action, elles ont souligné le silence du collectif féministe rouennais « Droits des femmes Rouen » face à l’agression. Depuis, « Droits des femmes Rouen » a tenu à assurer son soutien envers la victime et tient à dénoncer l’agression qu’elle a subi, précisant également qu’elles condamnent « l’acte et pas la nationalité » de l’agresseur.

Rencontre avec Charlotte, Elisabeth et Emma, membres fondatrices du collectif Némésis, qui tiennent farouchement à leur anonymat.

Nora Bussigny. Vous vous définissez comme un collectif féministe « anti-conformiste », quelle est votre vision du féminisme ? Et comment vous êtes-vous réunies ?

Charlotte : On s’est regroupées sur les réseaux pour lancer une initiative concrète en octobre 2019 après s’être retrouvées chez nous ou dehors durant l’été. Certaines d’entre nous étaient déjà amies de longue date. On est un noyau dur composé de 8 filles, mais au total, on est une soixantaine de membres. A Lille comme à Lyon et à Rouen, on a pu voir que des groupes se formaient également pour libérer la parole. Dans notre collectif, on s’autorise tous les sujets, même ceux liés à l’immigration qui sont tabous la plupart du temps. Par ailleurs, aucune de nous n’est misandre.

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Elisabeth : Parmi nos membres, il y a des cathos traditionnelles, mais également des athées, des païennes. On a aussi des lesbiennes, des turques, des marocaines de confession musulmane. La plus jeune de nos membres a 16 ans et la plus âgée une quarantaine d’années.

Par contre, même si nous acceptons tout soutien des hommes qui se montrent très présents, nous préférons rester un collectif de femmes.

Vous faites régulièrement le parallèle dans vos posts sur les réseaux sociaux entre les femmes et les frontières avec cette phrase « les Européennes ne sont pas des frontières violables », qu’entendez-vous par cette métaphore ?

Charlotte : On constate qu’il y a des personnes qui n’ont pas la nationalité française, des réfugiés, qui commettent des crimes et qui ne sont pas exclus du territoire. En fait, pour certains migrants, la France est le pays de Cocagne, et nous subissons le choc culturel. On ne peut pas tout se permettre, surtout dans un pays qui nous accueille.

Emma : Par ailleurs, Marlène Schiappa avait elle-même émis l’idée de l’expulsion des étrangers violeurs. L’un des problèmes, c’est que les féministes anti-racistes et anti-islamophobie mettent des barrières à ça, elles pensent que ça représente une « double peine » pour l’agresseur. Je pense réellement que les féministes actuelles qui s’autoproclament « dissidentes » mélangent tellement les combats qu’elles sont devenues intouchables. On comprendrait par ailleurs qu’un pays nous renvoie un agresseur français, car si l’on exige des étrangers de bien se comporter, on se doit de faire pareil.

Pourquoi cette insistance envers l’anonymat ? Pensez-vous que vos opinions puissent nuire à votre vie personnelle ?

Elisabeth : Lors de la manif « nous toutes » du 23 novembre, nous voulions être floutées. On pense que cela peut être dangereux pour nous, des groupuscules sont prêts à nous tabasser dans une rue pour ça, on reçoit beaucoup de menaces. Surtout qu’il y a des mineures parmi nos membres.

Charlotte : Et il faut être réaliste, si l’on veut enseigner, ou encore passer le barreau, on ne peut pas se permettre que nos opinions nous portent préjudice.

Elisabeth : Plusieurs journalistes ont cherché à balancer nos profils personnels et nos photos. Les menaces de viols collectifs que l’on reçoit par messages privés nous dissuadent de faire fuiter toute information sur nous.

Emma : Néanmoins, nous recevons beaucoup plus de messages de soutien que de menaces. « Enfin un féminisme qui nous représente » est un des messages que l’on reçoit le plus. Nous avons également beaucoup de soutien chez de nombreux membres de la communauté LGBT, ainsi que d’ex-Femen déçues.

Nous pouvons observer sur vos réseaux sociaux des conflits latents avec le collectif « Nous toutes ». Que s’est-il passé lors de la manifestation du 23 novembre 2019 ?

Elisabeth : On est arrivées à la manif un peu avant, et pour tout vous avouer, on était déjà choquées par les pancartes misandres où était écrit par exemple qu’elles voulaient « couper les couilles des hommes », ou encore hétérophobes (« mon plus grand malheur c’est d’être hétéro »). Au début, on avait caché nos vrais slogans derrière des pancartes avec des messages plus généraux et soft. A Opéra, on a révélé nos vrais slogans : « 52% de viols par des étrangers en IDF », « Cologne, Rotherham, bientôt Panam » « Schiappa, les étrangers violeurs sont toujours là ». L’une d’entre nous s’est pris un coup de poing, j’ai été frappée avec mon propre carton sur la tête. Ce qui est assez paradoxal, c’est que c’est une manifestation contre les violences faites aux femmes mais j’y ai quand même été frappée par un homme pour ma pancarte.

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Charlotte : Nous pensons que l’on avait totalement notre place car nous sommes des femmes et le féminisme ne devrait pas avoir de bord politique. C’est complètement antinomique de se faire agresser à cette manif, c’est là que ces féministes ont démontré qu’il y a une idéologie derrière. Encore une fois : ce mélange des combats (anti racisme, LGBT, misandrie) qui sont parfois incompatibles…

Vous focalisez l’essentiel de vos revendications sur les violences sexuelles commises par des migrants. Ne pensez-vous pas qu’à revendiquer uniquement celles-ci, vous oubliez d’autres violences émanant des hommes bien Français ? Surtout qu’il n’existe aucune statistique ethnique en France, je le rappelle… Alors quelles sont vos sources ?

Charlotte : L’Observatoire Nationale de la Délinquance et des Réponses Pénales a réalisé en 2013 une étude qui a été faite sur Paris sur tous les viols qui ont fait l’objet d’une plainte. Sur 688 viols : 52% ont été commis par des étrangers qui ne possèdent pas la nationalité française.

Emma : On trouve qu’il y a une omerta chez les féministes, dans des coins comme Saint-Denis c’est très compliqué de circuler, car il y a un problème de culture. Les féministes ne veulent pas reconnaitre que ce problème existe. Ce qui s’est passé à Rotheram a été camouflé, pareil pour Cologne. Mais on a aussi parlé d’autres cas, comme celui de Matzneff.

Charlotte : Après, on trouve que les médias font déjà le travail sur beaucoup de points.

Emma : Effectivement, avec « Balance ton porc » et «#Metoo » il n’y avait pas besoin d’en rajouter. On veut dénoncer ceux qui sont impunis, parler des choses dont on ne parle pas. Par exemple à Nantes, des victimes nous ont contacté, elles auraient été violées dans leur propre jardin par des migrants venus d’un camp à proximité. Notre source d’information, ce sont toujours les journaux régionaux, on s’est vite rendu compte qu’il y a tellement d’informations dont les journaux nationaux ne parlent plus. Soit car c’est volontaire, soit car il y a trop d’informations. Et notre force, c’est notre réseau. Les gens nous envoient tout ce qui passe.

Charlotte : Je voudrais aussi revenir sur un point : nous, on ne veut pas attaquer les femmes qui se voilent, ce ne sont pas elles qui nous agressent, elles ne nous font rien dans la rue par exemple. On veut libérer la parole d’un silence forcé qu’on veut briser. A force de le faire, les gens vont reconnaître le problème comme l’expulsion des étrangers violeurs.

Pourtant, sur Instagram, vous avez lancé un #nohijabday où de nombreuses femmes posaient, cheveux lâchés en marquant « parce que les femmes françaises ne se soumettront jamais au voile », pourquoi avoir fait cette action ?

Charlotte: En effet les femmes qui se voilent ne nous agressent pas dans la rue, nous n’avons rien contre elles.

Mais il y a une énorme différence entre vivre sa religion tranquillement et en faire la promotion et donc faire du prosélytisme. Nous avons lancé un #nohijabday  parce que nous pensons que cette initiative, reprise par exemple par des étudiants de l’Unef dans une grande école comme Sciences Po Paris est une très mauvaise idée, et un manque de respect total envers les femmes qui sont obligées de le porter comme par exemple les Iraniennes qui aujourd’hui peuvent être condamnées à 109 ans de prison pour avoir retiré leurs voiles. Nous avons en gros le même avis que Masih Alinejad sur cette question. Ou comme les FEMEN: Non au HijabDay, jusqu’à ce que toutes les femmes soient libres de l’enlever.




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