Le vice-amiral Nelson, accusé de complicité avec le commerce d’esclaves, est la cible des militants de Black Lives Matter. Il rejoint Napoléon son ennemi de toujours.
Le vice-amiral Nelson, du haut de sa colonne à Trafalgar Square, regardait passer les iconoclastes emmenés par Black Lives Matter. Au cœur de Londres, ceux-ci s’en prenaient aux statues des figures historiques accusées de complicité envers le commerce d’esclaves au xviiie siècle (ou taxés de racisme, comme l’ignoble Winston Churchill). Dans The Guardian, une éditorialiste vigilante s’était occupée de rétrécir le héros national, qualifiant Nelson de « suprémaciste blanc ». Mais, à 50 mètres d’altitude, la sculpture du vainqueur de Trafalgar était à l’abri des crachats.
Une fausse lettre comme mobile…
Les néo-abolitionnistes ont trouvé une statue plus à leur portée. Ils ont attaqué l’amiral stratège boulonné près de la cathédrale de Norwich (Norfolk), Nelson étant un enfant du pays. Lors de son arrestation, la jeune vandale auteur des dégradations de la sculpture a expliqué qu’elle voulait ouvrir le débat. Le vandalisme comme préliminaire à la discussion, c’est très tendance.
Pourquoi s’en prendre à Nelson, qui n’a jamais possédé ni transporté d’esclaves ? À cause d’une lettre qu’il aurait écrite à bord du Victory le 10 juin 1805 : adressée à un propriétaire de plantations en Jamaïque, elle trahirait son soutien aux négriers. Or cette lettre est une contrefaçon. Une copie de l’originale figure à la British Library. Au jeu des différences, on ne trouve pas moins de 25 erreurs dans cette version apocryphe publiée en 1807 par les anti-abolitionnistes, désireux de mettre le prestige de feu Nelson au service de l’esclavage.
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Martin Downer, fin connaisseur de la correspondance de Nelson, affirme qu’il n’y a, parmi ses 8 000 lettres, pas une once de racisme, si ce n’est vis-à-vis des Français qu’il haïssait passionnément… Or, en France, on veut déboulonner Napoléon. L’internationale progressiste aura réussi ce tour de force de faire de Bonaparte et Nelson des alliés objectifs dans cette aberrante « guerre culturelle ».