La sentence de la presse et de l’opinion publique est sans appel : dans l’affaire des accords PS-EELV François Hollande s’est planté. Certains se demandaient de qui il se mox, d’autres ont lancé une torpille sur le capitaine de pédalo, tandis que les plus indulgents se contentaient d’expliquer qu’il s’agit tout simplement d’un trou d’air, que les niveaux très élevés de popularité s’envolent avec le souvenir de la primaire ; bref personne n’a contesté le prétendu passage à vide de Hollande. Mais si on regarde les faits, il n’y pas grand-chose à reprocher au candidat socialiste.
Hollande a rapidement repris en main une négociation entamée il y a plusieurs mois par le Premier secrétaire du PS, qui n’est autre que son ancienne rivale des primaires, Martine Aubry. Cela n’a pas été une mince affaire car le maire de Lille était prête à aller plus loin vers les écologistes et ses désaccords « écolos » avec Hollande constituaient même l’axe principal de sa stratégie de différenciation pendant la dernière ligne droite de la campagne interne. A la lumière des vifs échanges entre les deux principaux prétendants lors du premier débat des primaires, on peut raisonnablement estimer que Martine Aubry aurait, entre autres, signé un document annonçant la sortie du nucléaire comme horizon stratégique de la politique énergétique de la France.
François Hollande a donc fait machine arrière en quelques semaines pour imposer ses propres engagements aux Verts : faire passer le poids du nucléaire dans la production énergétique français de 75% à 50% d’ici 2025.
Plus encore, le député de Corrèze a accompli une autre prouesse : il a changé unilatéralement une clause de l’accord déjà négocié – le paragraphe concernant le MOX – et, à la stupéfaction générale, l’a fait gober aux écolos qui, malgré ce comportement de marchand de tapis, ont ratifié le document ! Politiquement, Hollande a donc réussi exactement là où Joly a lamentablement échoué : il est à la fois candidat et maître de son parti politique. Et si Martine Aubry n’est pas la Cécile Duflot du PS, c’est-à-dire la patronne du parti qui savonne la planche du candidat à la présidentielle, on peut être sûr que ce n’est ni par altruisme ni par manque de volonté. Hollande le mou a fait plier la Gauche dure…
Quant au prix payé – soixante circonscriptions ont été réservées par le PS aux candidats Verts – il est certes élevé mais sûrement pas disproportionné et la très légère tempête soulevée par Bertrand Delanoë n’a pas encore fait de vagues susceptibles de déstabiliser le moindre pédalo.
Ceci dit, on peut reprocher à Hollande les détails techniques de l’accord. Pas besoin d’être expert pour comprendre que l’engagement de fermer 24 réacteurs d’ici 2025 sans lancer d’études prospectives pour la construction de nouvelles centrales vide de son sens le principe d’une dénucléarisation progressive (de 75% à 50% de l’énergie consommée).
Autrement dit, on peut soupçonner que le fond du compromis PS-EELV est le suivant : Hollande peut dire qu’il a tenu parole en maintenant son refus d’une sortie du nucléaire et les écolos peuvent ricaner en insinuant le contraire… Les concessions d’EELV fournissent à Hollande les arguments dont il a besoin pour gagner la présidentielle, voilà – pour le moment- la seule chose qui compte. Car, si Hollande gagne, tous ces détails seraient renégociés à partir des nouveaux rapports de force établis à l’issue de la présidentielle. Est-ce qu’une fois élu, le nouveau président de la République privilégierait la parole donnée à EELV à celle donnée aux Français ?
Dans cet épisode, Hollande est loin d’avoir démérité. On peut même dire qu’il vient de remporter une bataille décisive : peu importent les fonctions officielles, au PS, c’est lui le patron. Pour comprendre pourquoi il a été si sévèrement jugé, rappelons-nous la fameuse « règle du triple L » énoncée par Jean-François Kahn : dans leurs rapports avec les personnalités les médias suivent trois phases : léchage, lâchage, lynchage… Tout l’art est d’être dans la bonne phase au moment des élections.
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