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Ne dormez plus, braves gens !


Ne dormez plus, braves gens !

Saint-Aignan

Je n’arrive pas à oublier ces images vues au journal télévisé de ces tilleuls abattus en place publique, que des grappes de gens, « du voyage » en l’occurrence, s’acharnaient à faire tomber. Sur place, il y avait des caméras pour filmer mais pas un gendarme, un CRS ou un militaire pour empêcher le massacre. Comme toujours, la cavalerie a fini par arriver mais trop tard. Il serait inquiétant d’en conclure que les équipes de télévision sont mieux informées et plus réactives que les forces de l’ordre censées assurer la sécurité des personnes et des biens. Je crois plutôt qu’une fois encore, on a préféré éviter l’affrontement et attendre que la colère retombe en négociant je ne sais quel retour au calme. 

Ce que nous aimons est ancien, fort et fragile

Les habitants de Saint-Aignan, village du Cher, je ne sais pas, mais moi je n’ai toujours pas retrouvé mon calme. Comme sédentaire et comme amoureux de la nature, j’ai le sentiment de m’être fait avoir parce que pendant que les élus ou représentants de l’Etat entendaient les doléances des cousins au sens large du braqueur descendu, les arbres étaient tranquillement tronçonnés et parce que si dans 10 mois, le plus lourdement condamné des vandales sera libre et absous, il se passera des décennies avant que les villageois revoient de grands arbres border leurs rues. Il faudra beaucoup de temps pour remplacer ceux que leurs aïeux avaient plantés, protégés dans leur jeunesse et entretenus, avec le cœur et la patience qu’il faut pour travailler au bien-être de sa descendance. Si je ne décolère pas, c’est aussi parce qu’un peu de cet effort-là est tombé avec ces arbres piétinés par des gens de passage qui se foutent de la beauté centenaire et sédentaire.

Comme tout ce qui fait notre civilisation, de notre art à notre architecture, de notre art de vivre à notre hospitalité, tout ce que nous aimons est ancien, fort mais fragile. Je m’inquiète qu’un peu de technologie et de malveillance puisse détruire si vite ce que les siècles et les Français qui nous ont précédés ont construits et que nous soyons si peu capables d’y opposer une efficace résistance. Que se passerait-il si des groupes pas très catholiques et très énervés tentaient d’incendier  une cathédrale ? Hésiterions-nous longtemps à sauver notre patrimoine et notre passé en tirant sur la foule ?

Nous nous sommes habitués aux voitures brûlées et aux magasins pillés, les gens qui travaillent paient des assurances qui indemnisent les victimes et ces systèmes prévus pour faire face aux accidents ont fini par remplacer nos systèmes de défense. Après une nuit chaude en banlieue ou une descente de manouches, la solidarité nationale ou la prévoyance privée réparent les dégâts et évitent que des citoyens en colère ne refroidissent les incendiaires ou ne pendent les romanichels aux arbres encore debout. Cette inertie devant l’agression, ce ventre mou censé assurer la pérennité des régimes démocrates et leur supériorité sur les dictatures semble atteindre ses limites.

Quand on est prêt à tuer, on doit être prêt à mourir

Face à cette apathie, les violences augmentent. Les malfaiteurs professionnels ont oublié que le gendarme, c’est une chance pour le voleur car il le protège à terme de la colère du peuple et que la prison, ça vaut mieux que le lynchage. Incapables de comprendre ces choses, les voyous aujourd’hui ne reconnaissent plus à la police le droit de les arrêter et, pris la main dans le sac, ils font usage de leurs armes ou forcent les barrages, prêts à tuer pour échapper à la justice. Or, quand on est prêt à tuer pour ne pas répondre de ses actes, on devrait être prêt à mourir. Ce n’est pas le cas. La mort de criminels dans l’exercice de leur fonction est de moins en moins acceptée par  leur « communauté » qui déclenche des représailles par des saccages et des tentatives de meurtres.

Avant-hier, les émeutes répondaient à une bavure policière, par exemple un jeune mort en garde à vue dans des circonstances troubles, hier, on cassait tout pour honorer la mémoire de délinquants morts accidentés pour avoir tentés d’échapper à un contrôle de police, aujourd’hui, on met la cité à feu et à sang pour un braqueur descendu parce qu’il tirait sur les forces de l’ordre. 

Dans le même genre, si vous vous interposez parce qu’une bande de voyous agresse une femme, un jeune ou une personne âgée (ou même un homme costaud mais esseulé), vous risquez la mort parce qu’on peut tout vous faire subir mais si vous réagissez, on vous accusera de faire de la provocation.

Il y a là plus qu’une escalade de la violence, c’est un changement de nature des rapports des individus entre eux, des individus avec la loi, des communautés avec l’Etat. 

Je n’ai rien contre les manouches en général mais je n’aime pas beaucoup quand des gens, qu’ils soient ou non « du voyage, la ramènent en plein jour sur leur honneur et viennent vous voler la nuit. Ce n’est pas du racisme mais de l’expérience concrète. Car si pour les habitants des centres-villes (qui n’en voient jamais), les gitans c’est Toni Gatlif, la liberté et le jazz manouche, pour les gens des banlieues et des campagnes, ce sont souvent des voleurs, capables de détruire des biens sédentaires à la moindre contrariété. Je n’ai pas non plus une grande sympathie pour les racailles des banlieues qui se prennent pour des hommes et peuvent vous tuer à coups de poings à quinze contre un si vous opposez une résistance à leur agression. Et cela, quelle que soit leur origine. Je ne les aime pas, c’est mon problème et je m’en arrange.

Nous n’avons pas besoin de nous aimer, nous avons besoin d’une loi commune

Pour vivre ensemble ou côte à côte dans le même Etat, nous n’avons pas besoin d’amour, ni de tolérance ni même d’antiracisme. Nous n’avons pas besoin de propagande sur les bienfaits du métissage ou du multiculturalisme, nous n’avons pas besoin de reconnaissance des communautés qui composent la nation, nous n’avons même pas besoin de fraternité. Nous avons seulement besoin d’une loi commune, reconnue par tous parce que traitant tous les individus à égalité. Or cette reconnaissance de la loi ou à défaut la peur du gendarme semblent avoir disparu et dans les cités comme chez les nomades, si seuls quelques individus sont violents, tous sont solidaires, il suffit de les interroger pour s’en rendre compte

Quand un groupe refuse la répression qui s’abat sur l’un de ses membres criminel et proteste avec violence, c’est cette loi commune qui est rejetée. Enfin, seule la loi républicaine qui réprime les voleurs et les tueurs est contestée car celle qui impose aux communes l’aménagement d’aires d’accueil, favorise l’accès à l’école et aux soins ou aux allocations diverses est toujours acceptée, sans excès de gratitude mais acceptée, et elle finit par être confondue avec un droit de l’homme.

Si la loi de la République et la violence légitime qui la fait respecter sont contestées par des groupes entiers, qu’ils soient mafieux, religieux ou ethniques, c’est peut-être que le sentiment communautaire l’emporte sur le sentiment national. C’est le ciment de la nation qui s’effrite et un premier pas vers une forme de sécession. Peut-être la fin annoncée de la France que nous connaissons. Accepterons-nous d’assister impuissants au début de notre fin ? De transiger comme nous le faisons sur tout pour préserver je ne sais quelle paix sociale sous la pression menaçante de bandes criminelles ou de quelques voleurs de poules ? Eviterons-nous les affrontements qu’on nous promet en renonçant à la répression qui s’impose ? 

Pour faire face à ces problèmes qui deviennent récurrents, les solutions sont variées. Le repli identitaire en est une et certains Français de souche se rassemblent en une communauté fermée à l’abri des autres Français. Pour répondre à la violence, je connais un plombier qui, les soirs d’émeutes dans sa cité, passe la nuit dans sa camionnette avec son fusil. Ça pourrait un jour finir mal pour lui ou pour les petits merdeux qui s’amuseraient à réduire en cendres le fruit d’années de travail. Si l’auto-défense ne peut pas être une solution, alors la défense sans failles de l’ordre républicain par ses représentants doit en être une.

Avec le Grenelle sur la sécurité qui s’annonce, ces questions seront peut-être posées. Saurons-nous exiger de nos institutions judiciaires qu’elles rendent une justice efficace qui exige d’assumer la répression ? L’opinion suivra-t-elle ses représentants dans l’usage de la force que nécessite la restauration de l’ordre ou sera-t-elle retournée comme une crêpe par le premier voyou à terre et le premier article de Libé ?

Je me souviens depuis la cour de récréation qu’on dort mieux avec un œil au beurre noir qu’avec le sentiment amer d’avoir été lâche. C’est mon expérience et mon apprentissage du courage. Je souhaite que toutes nos expériences individuelles du courage nous servent à envisager une solution collective pour endiguer l’insécurité et la violence qui se répandent. Le temps est venu de retrouver pour notre nation l’exigence que nous avons pour nous-mêmes, si nous avons une certaine idée de notre devoir, si nous avons encore une certaine idée de la France.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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