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Nazie-soit-elle!


Nazie-soit-elle!
Emmanuel Macron au Champ de Mars, 24 avril 2022 © Christophe Ena/AP/SIPA

« Non, ne sifflez personne ! » implore Emmanuel Macron, hier soir, devant la foule rassemblée au Champ de Mars, alors qu’il vient d’évoquer les électeurs de Marine Le Pen. Le président réélu espérait célébrer sa victoire dans une ambiance apaisée, après 15 jours de comédie sur une menace fasciste soi-disant à nos portes…


Dimanche 17 avril, à Marseille, devant un panorama méditerranéen de toute beauté, sous l’œil attendri de son professeur de maintien et d’art dramatique qui est également son épouse, le jeune président-directeur-général de la société France, avait réuni tous les éléments de sa force de vente, augmentés des membres de leur famille et de quelques thuriféraires locaux. Il a présenté les nouveaux « process » qu’il leur faudra suivre, pour la bonne marche de l’entreprise. « Inclusif », « territoire », « process », le vocabulaire de la macronie ministérielle est l’arme de destruction massive de la mémoire et de la culture de ce pays.

Derrière Emmanuel M., avance la petite armée de ceux qui le soutiennent et espèrent tirer un profit ou un emploi de sa victoire, véritables singes de leur maître (très semblables en cela, d’ailleurs, aux employés de M. Mélenchon, ces derniers sur un mode moins policé). L’Europe est l’ultime recours de M. Macron, qui veut désencombrer l’univers numérique de son héritage français énorme et jugé malfaisant. Mais il s’agit d’une vision européenne très particulière, très étroite, qui refuse le legs éblouissant de cette partie du monde, et rend le beau projet d’union détestable aux yeux de nombreux, sincères et estimables partisans de sa réussite sous une autre forme.

Dans sa tentative, il aura le concours de l’impayable Charles Michel, président du Conseil européen, auquel Ursula von der Leyen, son ennemie intime, dut sa relégation humiliante sur un sofa turc lors d’une visite au Sultan. Au reste, la présidente de la Commission européenne déploie un zèle linguistique considérable pour précipiter l’« intégration » des peuples d’Europe au « monde global ». Si sa langue natale est l’allemand, elle ne prononce ses discours officiels qu’en anglais ! Voudrait-elle signifier aux anglophones que non seulement elle ne les oublie pas, mais que, par surcroît, elle les veut pour principaux interlocuteurs ? Tiendrait-elle le teuton pour un idiome secondaire, alors que la langue de Shakespeare n’est parlée, à Bruxelles comme à Strasbourg, que par une vingtaine de députés (maltais et irlandais) ? On notera que l’Angleterre, à qui l’on prédisait la ruine après sa brexiterie, s’éloigne sans crainte de notre continent et a signé un accord de libre-échange avec l’Australie…

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Pour ces gens, l’Europe, la France, l’univers visible et invisible ont un seul ennemi : l’extrême-droite fascistoïde, le nazisme, sous l’apparence d’une ménagère de plus de cinquante ans qui voulait qu’on la prît pour la petite mère du peuple.

Heureusement, la bonne presse et les beaux esprits veillaient…

Nazimutés

Pour cinq cents artistes du cinéma et de la scène, Marine Le Pen représentait le pire danger pour la République, immédiatement après la peste bubonique, le corps musculeux de Stanislas Rigault, et la clé à molette (à côté de laquelle le marteau de Thor paraît un outil de couturière) brandie par Eugène dans ses (fréquents) accès de colère (1).

Cette courageuse mise en garde par l’élite de l’écran subventionné (qu’allait donc faire Fabrice Lucchini dans cette galère ?) a laissé indifférente la population. Il n’empêche, ces grandes gentilles vedettes avaient jeté un cri d’alarme, dont l’écho retentirait plus tard, si, par malheur, la  candidate de l’« extrême-droite » entrait à l’Élysée par la porte de service. Il serait trop tard ! Des trains de déportés rouleraient déjà vers les Marches de l’Est, et, la nuit, dans les caves de la Préfecture de police, à Paris, des tortionnaires se livreraient à tous les excès de la rage et de la revanche sur les malheureux, que la rafle du jour leur aurait livrés. Ivres de leur pouvoir tout neuf, les gars de la Marine reprendraient avec zèle la sale besogne des voyous de la rue Lauriston.

Marine, manière de goule à carrure de viking, peut toujours prétendre incarner la « douce France », les esprits les plus éclairés de ce pays de lanternes ne furent pas dupes : « Plus que de l’inquiétude, je ressens de l’effroi […] On n’essaie pas Marine Le Pen! On n’essaie pas le fascisme. » (Ariane Mnouchkine, site Télérama, 14/04).

Peu importe que les bulletins populaires soient non seulement la protestation des Français délaissés, abandonnés à leurs ressentiments et, chez quelques-uns, à leurs passions troubles, mais encore un vote de classe, l’affirmation d’une colère contre ceux qui gouvernent dans le seul intérêt des « possédants ». Peu importe que, par ce moyen, des citoyens parfaitement honorables lancent une imprécation contre l’administration sourde, qui les dépossède de leur seule richesse : une patrie, une mémoire, un passé brillant dont ils reconnaissent volontiers qu’il fut compliqué.

Nacht und nébuleux

De l’avis unanime d’Alice Coffin, penseuse municipale (2) la victoire de Marine Le Pen à la première élection présidentielle post-nationale allait donner le signal d’une manière de Saint-Barthélemy des féministes (programmée, selon des sources sûres, le 22 août 2022) : dès lundi à l’aube, l’infortunée Sandrine Rousseau, que la rumeur publique surnomme « la tache ménagère » (3), serait conduite à l’échafaud des rires et des moqueries (4) dans un char tiré par Alice-la-débonnaire et Caroline De Haas (qui conjugue tous les verbes au présent du vindicatif). De cette redoutée commissaire aux bonnes mœurs, les mauvaises langues rapportent qu’elle aurait fait breveter un modèle de slip masculin destiné aux entreprises, fabriqué dans une matière spéciale contenant du bronze afin de sonner en cas d’érection inopinée sur le passage d’une jeune femme, dénonçant ainsi le mâle concupiscent et le désignant à la vindicte, au procès, à la réclusion.

Ce cortège funèbre circulerait dans les rues de Paris, sous les cris d’une foule hilare, composée de créatures pulpeuses et de grands garçons athlétiques à la mâchoire carrée et à la nuque raide. Il serait trop tard pour se lamenter. Sandrine verserait-elle ce qu’elle croira être ses larmes dernières devant la multitude énervée, déjà gagnée par une sorte de fièvre érotique ? Après celle de Sandrine, la tête factice d’Alice roulerait-t-elle sur le trottoir, réalisant ainsi sa prédiction terrible ? Entendrait-t-on, repris en chœur par la populace enfiévrée, ce couplet lugubre, bien digne des hordes arborant sur leurs casque d’acier une tête de mort :

Te v’la le nez par terre,
Pas d’la faute à Voltaire,
Le cou dans le ruisseau,
C’est d’la faute à Rousseau
Les woke sont en deuil
De l’Alice Cercueil (5)

Nazimineure

Le fascisme se dissimule : il se révèlerait si la malédiction d’une victoire « marinière » s’abattait sur cet infortuné pays ! Nazi-fasciste, elle le fut dès le berceau, elle est condamnée à le rester. France-info, sur son site, examinait les thèmes du projet politique du RN : Présidentielle 2022 : pourquoi le programme de Marine Le Pen reste ancré à l’extrême droite, malgré la dédiabolisation, par Elise Lambert et Thibaud Le Meneec. Ces deux vigilants censeurs de la pensée républicaine correcte écrivaient : « Si Marine Le Pen se défend de présenter un projet d’extrême droite, l’essentiel de son programme est pourtant consacré aux thématiques traditionnelles de cette famille politique. La candidate du RN entend entre autres réviser la Constitution, refonder les droits des étrangers, renforcer le pouvoir des forces de l’ordre, affaiblir les contre-pouvoirs et « éradiquer l’islamisme » ». La presse est libre, tout au moins tant que la synthèse parfaite de Benitier Musso et d’Adolf Litière n’a pas pris le pouvoir ; mais depuis quand la volonté d’éradication de l’islamisme fonde-t-il l’appartenance à l’extrême-droite ?

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Nazis-soient-ils

Libération (qui fut jadis un passionnant quotidien pour adolescents migraineux et délicieusement sectaires), L’Obs, hebdomadaire de la gauche coton éthique et café équitable, adoptèrent la plus belle des postures moralisatrices. Il fallait couler la Marine ! Drapées dans de soyeuses toges griffées Yves Saint Laurent, leurs grandes signatures mirent solennellement les lecteurs en garde : la menace fasciste est à nos portes !

Pour brocarder ce fatras d’effroi parfois sincère et souvent feint, où se mêlent la bêtise de Science-Po aujourd’hui et la veulerie opportuniste des résistants de 1946, il faudrait tout l’esprit viennois « fin de siècle » de notre très cher Roland Jaccard couronné de sa parure éclatante de chef indien. Vous vous contenterez de ma plume.


Notes

1) « Breum #5. Ça va bien s’passer », chez Magnus éditeur : dans ses plus récentes aventures, Eugène, l’homme aux pectoraux blindés, ne laisse aucune chance à ceux que lui désigne son courroux (dans ses plus anciennes non plus, d’ailleurs!). C’est encore du brutal et c’est exquis !

2) Alice Coffin est conseillère musicale à Paris (élue)

3) Déclaration de Sandrine Rousseau : « Je voudrais qu’il y ait même une possibilité de délit de non-partage des tâches domestiques, parce que je pense que le privé est politique et que tant qu’on ne donne pas les moyens aux femmes de véritablement obtenir l’égalité sur le partage, on n’y arrivera pas ! » (entretien sur Twitch avec Mademoizelle).

4) L’échafaud des rires et des moqueries est un amusement proche de Guignol. Sur une estrade où se dresse un échafaud en carton-pâte, on soumet le condamné à une parodie de décollation. C’est une tête remplie de son, figurant le visage de la suppliciée, qui se voit séparée du corps par la chute d’un couteau factice.

5) Jeux de mots navrant sur l’équivalent anglais de Coffin




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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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