Nathalie Loiseau est bien la tête de liste LREM pour les européennes. Elle veut la souveraineté de la France et en même temps celle de l’Europe. Leçon d’enfumage politique et de fabrique d’eurosceptiques.
En tant que sujet de Sa Très Gracieuse Majesté, le spectacle de la scène politique britannique qui, depuis plusieurs mois a tourné à la tragicomédie, puis a carrément pris la forme d’une farce à la fois truculente et sinistre, me perturbe profondément. Malgré tout, confiant en la capacité de résilience de mes compatriotes, j’essaie de me persuader que nous finirons bien par retomber sur nos pattes.
Il faut être d’accord avec Nathalie Loiseau, sinon…
Cependant, en ces temps troublés, l’observation de la vie politique française à l’approche des élections européennes du 26 mai prochain n’est pas pour me rassurer non plus. Au point de me demander s’il y a encore un pilote dans l’avion?
Parmi le personnel politique français censé tenir fermement le gouvernail de la République, certains semblent perdre leurs nerfs, comme la tête de liste LREM Nathalie Loiseau qui, dans une sortie pour le moins incongrue, déclarait à la télé, le 18 avril dernier, que le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan méritait deux claques !
Parce que je demande à ce que les Français connaissent les causes de l’incendie de #NotreDame, @NathalieLoiseau déclare que je mérite « 2 claques » avant de me faire passer pour un complotiste qu’il faut faire taire.
La dérive autoritaire de la Macronie m’inquiète de plus en plus. pic.twitter.com/OSdcNtjDNT
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 18 avril 2019
Celui-ci avait osé remettre ouvertement en question les explications avancées par le gouvernement concernant la tragédie de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Alors que les députés britanniques s’organisent justement pour faire face aux menaces dont ils pourraient faire l’objet à l’extérieur du Parlement de Westminster dans le contexte délétère du Brexit, il me paraît tout à fait extraordinaire qu’en France, une candidate à la prochaine élection européenne puisse avec tant de désinvolture envisager de ventiler ses frustrations en évoquant la possibilité de gifler son rival dans un scrutin, sans aucune poursuite.
Une souveraineté + une souveraineté = deux souverainetés ?
J’ai été le correspondant en titre du journal The European à Bruxelles à une époque pas si lointaine, mais pour l’observateur étranger, force est de constater que les déclarations de Nathalie Loiseau, que j’entends depuis quelques semaines, contribuent à rendre encore plus confuse la compréhension de la politique française vue de l’extérieur. En témoignent par exemple ses récentes prises de positions concernant l’unification européenne. « Je ne suis pas fédéraliste », a-t-elle affirmé à plusieurs reprises, la dernière en date figurant dans les pages du Figaro – à noter aussi un débat mené par la candidate avec l’Union des fédéralistes européens (UEF), le 25 janvier.
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Insistant pour se différencier de la droite conservatrice LR, elle souligne : « Nous sommes pour une Europe qui nous protège là où les Républicains veulent se protéger de l’Europe. » Et ajoute : « Cela ne veut pas dire transférer la souveraineté » mais « avoir une échelle européenne en plus de l’échelle nationale ». Pour elle, ce sont des souverainetés qui s’additionnent. L’addition des souverainetés, il fallait y penser. Comment cela est-il possible ? Comment envisager « une Europe souveraine » – comme le désire tant le président français – qui serait en même temps constituée d’Etats eux-mêmes souverains ? On parle maintenant d’Union européenne souveraine comme si cela allait de soi. Mais enfin, il ne s’est jamais agi d’un Etat souverain et, à ma connaissance, seuls des Etats peuvent être souverains ! Si l’on défend le concept d’Europe souveraine, il est évident que l’on est fédéraliste. Si ce n’est pas le cas, il faudrait parler de confédération européenne ! Entre fédération et confédération le choix est pourtant clair.
Il n’y a pas de feu sans fumée
Madame Loiseau monte sur ses grands chevaux et se défend pourtant comme un beau diable d’être fédéraliste. Elle met en avant le fait que la politique menée par son parti, le parti présidentiel, serait mise en œuvre uniquement dans un souci de pragmatisme, au niveau européen, en assurant qu’ « à chaque fois qu’il y a une valeur ajoutée européenne, il faut renforcer ce que l’Europe sait et peut faire » mais également qu’ « à chaque fois que le niveau national est plus efficace, il n’y a aucune raison de vouloir transférer pour transférer ». Faut-il rappeler que cette dernière approche est déjà prévue dans le processus d’intégration européenne et qu’elle a un nom : le principe de subsidiarité en droit de l’Union européenne ? Là où la confusion est sciemment entretenue, c’est que dans cette approche, l’échelon national est évidemment situé à un niveau inférieur et subordonné au sein de la structure globale fédérale.
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Devant un tel écran de fumée, je souhaite rappeler solennellement que l’une des raisons du Brexit est justement liée à l’immense frustration engendrée par l’incompréhension d’une majorité de citoyens britanniques face à l’opacité du fonctionnement de l’Union européenne actuelle. Les gens ont eu l’impression que l’on se moquait d’eux à Bruxelles, que leurs impôts servaient à financer une flopée de fonctionnaires européens grassement payés et bénéficiant de surcroît d’exemptions d’impôts avantageuses. Et surtout, que les fédéralistes avançaient masqués. Dans ces conditions, le positionnement actuel de Madame Loiseau est susceptible de les conforter (ainsi que tous les eurosceptiques européens appelés à se présenter aux urnes le 26 mai prochain) dans leurs doutes et craintes les plus vifs.
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