Une cérémonie haute en couleurs dans laquelle s’est glissé Frederic de Natal. De son côté, Emmanuel Macron a parlé d’une « commémoration éclairée » lors d’un discours à l’Institut.
C’est le personnage le plus connu après Jésus-Christ. Le 5 mai 1821, loin de ce peuple français « qu’il a tant aimé », s’éteignait un des héros de notre panthéon national. Tour à tour Général, Premier consul puis Empereur des Français, Napoléon Bonaparte a laissé derrière lui un legs qui continue de fasciner encore des générations d’Européens depuis deux siècles. Reposant dans un tombeau de quartzite rouge, au cœur même de l’Hôtel national des Invalides, la République française a décidé de commémorer la mémoire du « Petit caporal », mais sans le célébrer pour autant.
Un héritage dans lequel nous vivons
Napoléon Bonaparte a connu un destin unique. Un nom qui résonne avec celui des plus belles heures de notre histoire. Arcole, les Pyramides, Marengo, Austerlitz, Iéna, Eyau, Friedland… autant de batailles remportées par l’homme du 18 brumaire et qui aura marqué de son empreinte la première moitié du XIXᵉ siècle. Lycées, Banque de France, Légion d’honneur, les égouts, le Code civil, les préfets et même la numérotation pair-impair des rues, Napoléon Bonaparte a été aussi bien un talentueux militaire, dont les tactiques de guerre sont encore enseignées, qu’un réformateur de génie. Un héritage avec lequel nous vivons tous les jours, parfois sans même le savoir.
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Lorsque survient sa première abdication en 1814, l’Aigle le ressent comme un déchirement national et ne pense qu’à son retour. L’épisode des cent jours achèvera de créer une légende qui se poursuit aujourd’hui, ancrée dans notre subconscient national. De sa défaite à Waterloo, il garde une amertume qu’il aura tout le loisir de ruminer à Sainte-Hélène où il sera envoyé en exil. Un petit caillou au large des côtes de l’Afrique du Sud, sous bonne garde de Britanniques trop zélés et heureux de s’être enfin débarrassé de « l’ogre corse » qui va écrire ici le dernier chapitre de sa vie.
Un instant solennel
« Vive l’empereur, vive la Nation ! » Les cris raisonnent en ce mercredi 5 mai 2021 dans l’Hôtel national des Invalides où les nostalgiques de l’Empire se sont rassemblés pour saluer cette figure historique. L’instant est solennel devant l’imposante structure où repose le fils de Charles Bonaparte et de Letizia Ramolino, « Madame mère ». Des gerbes de fleurs ont été disposées autour du tombeau pris d’assaut par les journalistes et la télévision. Sous le dôme des Invalides et le regard des grands noms de l’Empire, celui de Bonaparte en César étouffe de sa présence tous les participants. Venu accompagner de son épouse, le prince Murat, descendant du maréchal éponyme confie volontiers « son émotion » en descendant les marches qui les conduisent tous deux vers le lieu de repos éternel de Napoléon. Escorté par les élèves de l’école de Saint-Cyr, revêtus de leurs uniformes rouges et bleus, au passage de ces héritiers de l’empire, le salut est de rigueur. Dans l’armée française, on n’a pas oublié les fameuses charges épiques de Murat contre l’ennemi qui forcent l’admiration. Le temps d’une cérémonie, la France a renoué avec les fastes de l’Empire défunt, avec ses costumes chamarrés, dans un lieu emblématique où l’horloge du temps semble s’être arrêtée.
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Venu de Londres où il réside, le prince Jean-Christophe Napoléon fait face à l’Histoire. Le prétendant au trône impérial de France (lire notre portrait), entouré d’officiers militaires, s’incline légèrement alors que retentit les premières notes d’une marche militaire. La cérémonie se veut loin de toutes les polémiques qui entourent ce bicentenaire et qui ont mis dans l’embarras le palais de l’Élysée. Dans une interview parue dans le magazine Point de Vue, le prince est revenu sur le sujet-phare qui a empoisonné ces festivités fermées au public et qui ont crispé comme divisé les Français. L’arrière petit-neveu de l’Aigle a volontiers reconnu que le rétablissement de l’esclavage avait été une faute, mais que l’Empereur l’avait réparée en le faisant interdire lors de son retour de l’ile d’Elbe en 1815. « Il est toujours délicat de juger une action ou une personne morte il y a deux siècles avec les critères et valeurs du XXIème siècle » se risque-t-il à rappeler.
Macron: “Nous avons tous en nous une part de Napoléon”
Si cette cérémonie manquait singulièrement d’éloges républicains, difficile d’ignorer la présence remarquée du maire de Nice et ancien ministre Christian Estrosi, comme celle de Valérie Pécresse. Très à l’aise avec le comte de Paris, la présidente de la Région île de France était tout sourire en face du Chef de la Maison royale de France. Un Jean d’Orléans venu en représentant de son ancêtre, Louis-Philippe Ier, le dernier roi des Français qui avait organisé le retour des restes de Napoléon Ier en France en 1840. Du monde politique au gotha en passant par celui de l’armée de Terre, la cour d’honneur des Invalides vibrait à l’unisson de la fanfare déployée pour l’occasion. Un regret, l’absence du président de la République, Emmanuel Macron, qui avait décidé de commémorer seul ce bicentenaire, loin des objectifs des photographes. Lors de son discours prononcé à l’Institut de France, le chef de l’État a pourtant affirmé qu’il « assumait tout » de cet « être complexe », prenant bien soin de préciser que la République reconnaissante de l’œuvre de Napoléon s’inscrivait dans un geste de « commémoration exaltée ».
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« De l’Empire nous avons renoncé au pire et de l’empereur nous avons gardé le meilleur. Son ultime intuition fut de vouloir combler le vide laissé par le roi le 21 janvier » n’a pas hésité à déclarer Emmanuel Macron. Napoléon Bonaparte ? Simplement une aventure palpitante ressassée à foison dont on ne se lasse jamais de découvrir les multiples facettes et qui reste malgré toutes controverses, une fierté nationale pour chaque Français.
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