À cause de l’insécurité, de nombreux Nantais quittent leur ville, nous apprend une stupéfiante enquête du Figaro. « Depuis quelque temps, l’image de la ville de Nantes s’est à nouveau dégradée : enchaînements de faits divers, fusillades liées au trafic de drogue… Dans le palmarès 2023 des villes et villages de France où il fait bon vivre, la cité des Ducs était reléguée à la 55ème place, contre 33 un an avant » peut-on lire chez nos confrères. Dans notre numéro de novembre, notre directeur de la publication alertait déjà sur la situation de cette ville, paradis socio-économique des bobos dynamité par l’extrême gauche. Nous vous proposons aujourd’hui de relire son enquête.
[REDIFFUSION] En dix ans, le «modèle nantais» a volé en éclats. Le paradis socio-économique des bobos a été dynamité par l’extrême gauche qui, outre l’esprit zadiste, a fait prospérer le marché de la drogue, les filières d’immigration clandestine et la délinquance qui en découle.
Autrefois, on les appelait villes de province. Dans le langage techno de l’époque, ce sont des « métropoles régionales » – implantées au cœur des « territoires ». Angers, Nice, Montpellier et bien d’autres, des noms qui, il y a encore quelques années, étaient synonymes de douceur de vivre.
Depuis les années 1990, elles se tirent la bourre pour obtenir des ressources nationales et attirer entreprises et populations. Dans cette compétition, Nantes a souvent été classée en tête. Célébrée en 2003 comme la « meilleure ville de France » par L’Express et comme le « meilleur endroit pour vivre » par Le Point, elle a été consacrée l’année suivante par Time Magazine comme « The most liveable city in Europe » avant d’être désignée en 2013 « capitale verte de l’Europe » par la Commission européenne.
L’hallali sur la ci-devant reine de la classe a été lancé par Le Point dont la « une » du 2 décembre 2021 posait une question contenant la réponse : « Faut-il quitter Nantes ? » Depuis c’est la descente aux enfers, notamment autour de la sécurité ou plutôt de son absence. Et il ne s’agit pas d’un simple « sentiment d’insécurité », les faits sont bien là. En quelques semaines, plusieurs crimes se sont invités à la « une ». Une femme de 47 ans qui se rendait à son travail a été tuée à l’arme blanche dans la rue. Une quadragénaire a été importunée alors qu’elle rentrait seule chez elle après une sortie, avant d’être frappée, violée. Un jeune homme a été tué d’une balle dans la tête à Saint-Herblain, à proximité immédiate de Nantes. Le nombre d’agressions sexuelles a augmenté de 70 % en cinq ans (428 en 2017, 728 en 2022). À ces crimes, il faut ajouter des délits, certes moins violents mais qui pourrissent la vie des Nantais. ? Exemple parmi d’autres, dans la nuit du 19 au 20 octobre, un homme de 22 ans, en état d’ivresse, a dégradé les rétroviseurs et les essuie-glaces d’une vingtaine de voitures avant d’être interpellé en flagrant délit. On comprend bien que des femmes aient peur de sortir et que les parents se fassent du mouron quand leurs enfants sont dehors.
Comment expliquer cette chute ? En fait, le déclin a commencé depuis longtemps, mais il a été camouflé par d’épaisses couches de com’. Car Nantes paie aujourd’hui aussi en excès d’indignité l’excès d’honneurs dont elle a longtemps bénéficié. C’est que les majorités municipales successives ont fait preuve d’un talent particulier pour ripoliner le réel à travers d’habiles campagnes qui ont planqué sous le tapis de la boboïsation culturelle des réalités urbaines douloureuses et anciennes. Bref, aujourd’hui, elle ressemble peut-être à l’enfer, mais cela fait plusieurs années que ce n’est plus le paradis.
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Depuis les années 1970, Nantes a été métamorphosée. La petite ville se trouve aujourd’hui au cœur d’un vaste ensemble, Nantes Métropole, connectée à Paris depuis 1989 par le TGV et dotée depuis 1985 d’un tramway. Elle gagne presque 4 500 habitants pendant les années 1980, et plus de 25 000 habitants entre 1990 et 1999. À la fin du XXe siècle, Nantes attire plus que la plupart des grandes villes françaises. L’élan démographique se poursuit au XXIe siècle. Avec plus de 300 000 habitants, Nantes se situe actuellement au sixième rang des villes de France, derrière Nice et devant Strasbourg.
Nantes attire avant tout les jeunes et les actifs, des étudiants et des cadres. Ils s’installent dans les quartiers centraux qui offrent de nouvelles possibilités de logement à la suite de grands programmes immobiliers. Les familles avec enfants s’installent dans la couronne périurbaine, ou bien dans des quartiers comme Sainte-Anne. Ce dynamisme démographique repose sur un dynamisme économique : depuis la fin du XXe siècle, Nantes est la quatrième ville de France pour la croissance des emplois.
D’une ville ouvrière (industries agroalimentaires, constructions navales), elle devient une ville de cadres supérieurs et de professions intermédiaires. Nantes est bien pourvue en commerces et agences bancaires, y compris des banques étrangères, de même que de grands établissements financiers. Elle est aussi championne en matière de logements sociaux : avec un parc HLM représentant 20 % des résidences principales, elle n’est devancée que par Strasbourg et Lille. Enfin, politiquement, la démocratie correspondant à la démographie, la ville longtemps plutôt de droite s’est ancrée vers la gauche, comme en témoigne le parcours politique de Jean-Marc Ayrault : en 1977, il bat le maire RPR de Saint-Herblain (ville populaire devenue partie intégrante du tissu urbain nantais), Michel Chauty. Ce dernier est ensuite élu maire de Nantes, mais perd sa place en 1989, battu par… Jean-Marc Ayrault. Bien utilisée par des politiciens habiles, l’attribution des HLM est un levier redoutablement efficace et les majorités municipales nantaises ne s’en sont pas privées.
Toutes ces dynamiques difficilement visibles ont été merveilleusement et habilement emballées à Nantes par une politique culturelle volontariste à la Jack Lang. Cette stratégie a aidé Jean-Marc Ayrault à conquérir la ville de Nantes, puis de lui donner le lustre et l’image dont la presse nationale fait ses choux gras. La chute de Michel Chauty s’explique largement par sa politique culturelle, notamment la censure d’un spectacle théâtral et l’arrêt de subventions à la maison de la culture de Nantes (MCN). Les protestations contre Chauty cristallisent l’opposition entre la ville-centre et plusieurs communes de l’agglomération, gouvernées à gauche et devenues « terre d’asile » pour les initiatives culturelles en disgrâce. Pour Alain Besson, ancien journaliste de Ouest-France, Michel Chauty était « un capitaine Fracasse qui s’était mis à dos les cultureux nantais en réduisant d’une manière drastique les subventions attribuées à la culture. Ces derniers le qualifieront de “sécateur-maire”, surnom qu’il traînera comme un boulet. »
Pendant cette « guéguerre culturelle », des alliances se tissent autour de Jean-Marc Ayrault, jeune maire socialiste de Saint-Herblain (1977-1989), et l’argent public permet de lancer le Centre de recherche et de développement culturel (CRDC), ainsi qu’un festival de théâtre. Ces initiatives, présentées par la liste Ayrault comme la quintessence de son action et sa vision de l’avenir de Nantes, ont largement contribué à la victoire de la gauche aux municipales nantaises de 1989. Une fois élue, la majorité en a fait la pierre angulaire de sa politique municipale et un instrument bien efficace pour assoir une hégémonie politique toujours intacte. Dans le cas de Jean-Marc Ayrault, le succès supposé du « modèle nantais » explique largement la décision de le choisir comme Premier ministre en 2012. C’est d’ailleurs à ce moment-là, au début de l’été 2012, que l’image de la ville commence à se dégrader. En effet, bien que converti au « jack-langisme », Jean-Marc Ayrault conservait quelques restes de la gauche présociétale, en particulier son soutien au projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Or, si la gauchisation qui a accompagné la gentrification de Nantes a permis au Parti socialiste de conquérir la ville, elle se mue progressivement en extrême gauchisation, préfigurant avec une décennie d’avance la Nupes : une alliance entre écolos radicaux, anticapitalistes et « jeunes des quartiers ». Un aéroport avec sa logique de croissance économique à l’ancienne, le rêve d’Ayrault, est leur cauchemar. En quelques mois, il devient aussi le cauchemar d’Ayrault, Hollande et Valls. Le rêve nantais a accouché de la ZAD. Ces jeunes qui prennent au sérieux tout le fatras sur la « culture », l’« art » et la « rebellitude » s’emploient surtout, avec succès, à dynamiter le modèle économique de Nantes, le vrai secret de son succès. Leurs violences répétées contre les acteurs de la réussite nantaise (banques, commerces et restaurants) transforment le centre-ville en Beyrouth. Elles cassent une mécanique profonde : les dizaines de milliers de cadres et de jeunes qui se sont endettés à vie pour vivre à Nantes rêvaient de balades à vélo au bord du fleuve et peut-être de spectacles antisystèmes pour le supplément d’âme, mais certainement pas du retour des Jean-Baptiste Carrier[1]. Et ce n’est pas tout. Cette jeunesse merveilleuse qui se dévoue pour trouver un modèle alternatif à notre société de consommation renonce à beaucoup de choses, mais pas à ses pétards. Breizh-Info du 24 avril 2018 nous apprend que « jamais la vente de drogue n’a aussi bien marché dans les banlieues nantaises, et ce grâce aux défenseurs de la ZAD qui consomment beaucoup et font des allers-retours entre la ZAD et Nantes pour ravitailler leurs camarades.» Et ces braves gens ne se contentent pas de beuh (herbe de cannabis) et de shit (résine). Selon Breizh-Info toujours, ils consomment aussi des substances qu’on ne peut pas faire pousser dans son jardin bio : « Des drogues dures circulent sur la ZAD, y compris de l’ecstasy, des métamphétamines ou de l’héroïne. »
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Et c’est ainsi que ces rebelles alternativo-radicaux créent un marché ultralibéral, comme Monsieur Jourdain de la prose ! En se fournissant en substances désinhibantes, ils alimentent un marché de deal qui donne à certains quartiers nantais des airs de « 9-3 ». Il est vrai que ces zadistes ne sont pas les seuls. Jeunes, cadres, étudiants, intermittents du spectacle, serveurs et serveuses de restaurants et bars, festivaliers : toute la faune nantaise attirée par les majorités municipales successives de Jean-Marc Ayrault à sa protégée Johanna Rolland à coups d’éléphant mécanique[2] et de pistes cyclables consomme énormément ! Et pour s’approvisionner, tout le monde se tourne vers… les quartiers où une autre jeunesse, très dynamique elle aussi, les attend 24h/24 et 7j/7 (y compris, désormais, pendant le ramadan, preuve que certains secteurs économiques savent privilégier l’efficacité).
Les Dervallières. Selon Wikipédia c’est « un grand quartier d’habitat social situé à l’ouest de Nantes. Construit entre 1955 et 1965, c’est un des plus anciens quartiers HLM de la ville. Il comptait 4 884 habitants en 2006. » Aujourd’hui, 30,1 % des Dervalleriens et Dervalleriennes sont des immigrés. Taux d’emploi, 40,2 % (73 % au niveau national). Dans les années 1960, c’était toujours un quartier populaire, bastion du FC Nantes, avec une intense vie sociale animée par des associations comme Femmes chefs de famille (FCF), la Confédération syndicale des familles (CSF), l’Amicale laïque des Dervallières. On organisait des kermesses. Mais ça, c’était avant. Depuis, la population change et malgré des investissements importants, les Dervallières ainsi que d’autres quartiers (Le Breil, Bellevue), complètement intégrés (contrairement au cas parisien par exemple) dans le tissu urbain nantais, sont devenus « chauds ». Ainsi, les Dervallières s’embrase pendant les émeutes de 2005, preuve de la forte implantation d’une société et d’une économie parallèles fondées sur l’islam et le trafic de drogue, les deux éléments constitutifs d’un séparatisme culturel et géographique.
Plus tard, le quartier adopte tous les attributs des « quartiers » : rodéos de scooters (volés), attaques contre les forces de l’ordre pour établir un « équilibre de dissuasion » et sanctuariser des zones de deal et autres activités illicites, renforçant la dynamique séparatiste islamo-criminelle. Pour couronner le tout, le 21 septembre la police a arrêté Bilal Benyoucef, connu comme le « roi des Dervallières » (condamné à 24 reprises avant son 20e anniversaire), qui tenait d’une main de fer le 38, rue Watteau, point de deal le plus rémunérateur de l’agglomération. Et, malgré cet échec patent de la « politique de la ville », quand éclate la crise des migrants en 2015, le discours officiel de la majorité met en avant l’« accueil ».
À côté du mot « culture », « accueil » est devenu le deuxième « buzzword » associé à l’image jeune-dynamique-ouverte de Nantes. Il est difficile de trouver des chiffres fiables sur le nombre de sans-papiers, mais Philippe Guibert, ancien directeur du service d’information du gouvernement (SIG), remarque que « c’est la réputation de la préfecture de Nantes, d’accorder des papiers plus facilement qu’ailleurs. D’où un afflux de personnes d’origine étrangère. » Il faut aussi mentionner le tissu étoffé d’associations et la bienveillance de la mairie. Sans oublier les attraits de l’« économie parallèle » : selon Christophe Rouget, commandant de police et secrétaire général du Syndicat des cadres de sécurité intérieure, à Nantes « des filières de migrants génèrent plus de 50 % de la délinquance de voie publique ». Pas besoin de faire un dessin : le cocktail de bons sentiments, clientélisme et aveuglement idéologique produit les conséquences que l’on sait.
Pendant des décennies Nantes a été présentée comme la réussite emblématique d’un PS moderne, innovant, « cultureux » et festif. Ce papier peint ne cache plus le réel.
[1] Révolutionnaire, très actif pendant la Terreur, qui entre décembre 1793 et février 1794 a ordonné massacres, fusillades et noyades à Nantes.
[2] Attraction emblématique de Nantes.
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