Accueil Politique Najlae Lhimer : une victoire et une défaite

Najlae Lhimer : une victoire et une défaite


Najlae Lhimer : une victoire et une défaite
L'affaire Najlae Lhimer : à qui la faute ?
L'affaire Najlae Lhimer : à qui la faute ?

Najlae Lhimer et les milliers d’hommes et femmes qui l’ont soutenue ont gagné : la jeune marocaine de 19 ans avait été arrêtée à Châteaurenard, après s’être rendue au commissariat de police de la ville afin de porter plainte pour violences, puis expulsée vers son pays natal. Elle a enfin pu rentrer, aujourd’hui, dans son pays d’adoption.

Son histoire et sûrement ses qualités humaines ont suscité un élan de solidarité qui a largement dépassé la commune où elle vivait depuis cinq ans, où elle a été scolarisée et où, enfin, elle a refait sa vie après la violente rupture avec sa famille. Rappelons que Najlae avait 14 ans quand elle a fui son pays natal, parce que son père voulait la marier contre son gré et, de surcroît, à un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Pour la protéger, sa mère l’avait envoyée en France et l’avait confiée à son grand frère, installé à Châteaurenard. Sauf qu’au lieu de devenir un havre de paix lui permettant de surmonter le traumatisme subi et de retrouver une vie normale d’adolescente, le foyer de son frère manquait cruellement de fraternité. Pour dire les choses directement, le frère a reproduit en France la tyrannie patriarcale à laquelle Mlle Lhimer pensait avoir – grâce à sa mère – échappé. Pendant longtemps, elle but le calice jusqu’à la lie et, un jour, n’en pouvant plus, elle a fui, de nouveau, sa famille biologique pour se réfugier chez une amie. Les parents de cette amie l’ont persuadée de porter plainte et la suite, absurde, vous la connaissez déjà.

Le plus facile dans ces circonstances est de tomber à bras raccourcis sur Hortefeux, son préfet, son patron et sa politique de chiffres – sans oublier, bien entendu, de lancer une méchanceté vers Besson et « son » débat. Effectivement, l’Etat français aurait pu mieux faire dans cette affaire, même dans le cadre actuel de nos lois, ordonnances et circulaires. Que je sache, même après la dernière réforme constitutionnelle, le bon sens n’est pas interdit dans notre pays. Il est plus difficile de faire une place aux véritables méchants et surtout à cette culture qui les fait pousser. Car c’est bel et bien cette culture patriarcale tyrannique et arriérée – venue du Maghreb dans ce cas, mais qui sévit ailleurs aussi – et qui cantonne la femme au rang d’objet – bien plus que la pub et la mode occidentales. Il est plus difficile de dénoncer les véritables malfaiteurs – le père et le frère de Mlle Lhimer, ainsi que leurs complices au sein des ces familles. Ces pudeurs, cet aveuglement permettent à ces petits tyrans de semer la terreur autour d’eux, de se venger sur les femmes des frustrations de leur vie quotidienne.

Bref, on invective à tout va, mais on évite soigneusement de parler des causes du malheur de Mlle Lhimer, tout comme on prend bien garde de ne pas identifier clairement ni d’en stigmatiser les véritables auteurs. Ce serait alors toute une culture qu’il faudrait condamner. Il est donc plus facile d’accabler le préfet et de se moquer de Brice, Nicolas et Eric : la victoire de Mlle Lhimer n’aura servi à rien.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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