« Le vrai problème qu’on a aujourd’hui au collège, c’est que les élèves s’ennuient. », s’inquiétait il y a quelque temps Najat Vallaud-Belkacem sur les ondes. La ministre de l’Education nationale est décidément pleine de sollicitude pour nos petites têtes blondes, brunes ou rouquines. Après avoir déconstruit le collège au printemps dernier, l’hôte de la rue de Grenelle a sans doute un nouveau chantier en tête : le lycée. Alarmé par un récent rapport de la Cour des comptes et les conclusions d’une mission parlementaire, Laurent Cantamessi prévoit un prochain passage du collège au lycée uniques. À des fins d’efficacité, le rapport parlementaire Bréhier préconise en effet la création d’un « lycée pour tous » (aussi indiscutable que le mariage du même nom) « mêlant école à la carte et mythologie interdisciplinaire ».
Nos radars placés sous les préaux ne s’y sont pas trompés : chez les profs, la révolte gronde. Bien que le « collège Najat » entre bientôt en vigueur, Elisabeth Lévy salue la résistance passive des enseignants contraints d’appliquer l’interdisciplinarité kafkaïenne et de saborder l’enseignement des humanités. Pour notre chère directrice de la rédaction, « c’est bien la même idéologie, bêtassonne, uniformisatrice, et faussement égalitaire, qui préside à la simplification de l’orthographe et à la destruction du collège. » Et comme de bien entendu, ce n’est pas l’enfant de bourgeois latiniste de Louis-le-Grand qui trinquera mais le petit prolo de Montluçon… Aux yeux de l’ancien recteur d’académie Alain Morvan, que Régis Soubrouillard a interrogé dans nos colonnes, « la suppression des langues anciennes répond à une idéologie : celle de l’arasement » défendue par une « véritable camarilla de bien-pensance pédagogique (qui) a fait son nid au cœur de la rue de Grenelle (…) pour répandre son idéologie toxique » de déculturation.
Bourdieu allié du management ?
Mais cédons la parole à la défense. Chef de file présumé des pédagos, Philippe Meirieu a eu l’élégance de nous accorder un entretien. Proposant « d’accompagner l’élève pour qu’il se dépasse et progresse en étant fier de ses acquisitions », il démonte les clichés qui lui collent à la peau et réaffirme son attachement à la transmission des savoirs. C’est plutôt du côté de Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, qu’il faudrait chercher l’inspiratrice des réformes sauce Najat, fruits d’une hybridation bourdieusisme et fascination pour l’idéologie managériale.
Comme le note malicieusement Elisabeth Lévy, « c’est une partie des bataillons traditionnels de la gauche qui s’insurge contre le progressisme scolaire » débridé. L’annonce d’un virage républicain à bâbord ? En tout cas, une partie du peuple et des intellectuels de gauche redécouvre le réel en matière d’éducation, de laïcité et d’immigration. De quoi inspirer un dossier entier à Causeur, partant du constat dressé par Helvé Algalarrondo : la gauche de Tonton version Epinay, c’est fini ! Au cœur de l’aventure du Printemps républicain, collectif d’intellectuels et de personnalités issus de la gauche républicaine, Marc Cohen nous fait partager son journal d’un laïque en campagne dont l’ardeur militante a été réveillée par les attentats du 13 novembre. Plus circonspect, Gérald Andrieu dresse un état des lieux de la nébuleuse plus large qu’on pourrait qualifier de gauche conservatrice, républicaine, laïque ou tout simplement libre. Revenus des appareils partisans, ses membres divergent cependant sur le terrain économique, ce qui fait pousser un sanglot de regret à mon confrère : ce grand parti sociétaliste a beau avoir raison, faut-il pour autant oublier l’économie ?
« Si affronter le réel c’est être conservateur, alors il existe en effet une gauche conservatrice. », résume le professeur de philosophie du droit Eric Desmons. L’auteur de Mourir pour la patrie qui m’a fait la grâce d’une interview scrute le penchant de l’individu moderne à ne chercher que la poursuite de sa propre survie. Face aux légions de kamikazes de l’Etat islamique, notre incapacité à nous sacrifier pour une cause rend le combat malaisé. Sur le terrain de la lutte antiterroriste, l’expert François Heisbourg se désole de la guerre des polices qui mine l’efficacité de nos services : mises bout à bout, les bourdes et erreurs en tous genres de janvier et novembre 2015 ne laissent pas d’inquiéter…
Stallone et antimodernité
Place à la culture. Tristan Ranx retrace le destin tragique d’Eduardo Rosza-Flores dit Chico, comédien et martyr hongrois passé par les guerres de Yougoslavie, Israël puis l’Amérique du Sud avant de mourir en Bolivie en comédien et martyr du mercenariat. Quant à notre ami Luc Rosenzweig, trop content de commander L’esprit du judaïsme de Bernard-Henri Lévy en vue d’une recension, il a purement et simplement confondu cet essai avec son quasi-homonyme Le génie du judaïsme, signé d’un certain Dominique Zardi. Si une certaine parenté semble relier les deux thèses, rien de commun entre leurs auteurs : le philosophe n’a certainement jamais croisé le regretté acteur abonné aux rôles de brutes. À ce propos, ne boudons pas notre plaisir à lire le portrait-fleuve de Sylvester Stallone que Patrick Mandon a consacré à Rocky Balboa fait homme. Sans oublier un long détour par l’article de Jérôme Leroy autour de Baudouin de Bodinat, post-situ de l’Encyclopédie des nuisances, auteur d’Au fond de la couche gazeuse, dont la démolition grand style de la vie moderne enchantera autant les esthètes en quête de radicalité que les radicaux en quête de beauté.
Avec Alain Finkielkraut, Roland Jaccard, Jérôme Leroy, et L’ouvreuse comme parrains chroniqueurs, vous voilà parés pour la rentrée de février !
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