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Introuvable beurgeoisie


Introuvable beurgeoisie
Une délégation de "marcheurs pour l'égalité et contre le racisme" rencontre Pierre Bérégovoy, décembre 1983
Lyon "Beurgeoisie" "Marche des beurs" Radicalisation Communautarisme Djamel Atallah
Une délégation de "marcheurs pour l'égalité et contre le racisme" rencontre Pierre Bérégovoy, décembre 1983

En 1983, c’est à Lyon, plus précisément dans sa banlieue « sensible », Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Bron, qu’est inventée la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », vite baptisée « Marche des beurs » par la presse. Dans le contexte d’affrontements récurrents entre la police et les jeunes des cités et des premières percées électorales du Front national, deux ecclésiastiques, le catholique Christian Delorme et le protestant Jean Costil, qui exercent leur ministère sur ce territoire, suggèrent aux jeunes en colère de suivre l’exemple de Gandhi et de Martin Luther King : faire valoir leurs revendications par des méthodes non violentes.


La Marche pour l’égalité et contre le racisme par

17 jeunes, dont 9 sont originaires du quartier des Minguettes à Vénissieux, accompagnés de Delorme et Costil, entament, le 15 octobre 1983, à Marseille, une longue marche à travers la France, avec deux revendications phares : l’octroi d’une carte de séjour de dix ans pour les immigrés et l’instauration du droit de vote des étrangers aux élections locales. Partie dans une relative indifférence de l’opinion, cette marche reçoit à chacune de ses étapes un soutien médiatique et politique croissant. À Paris, elle est saluée par un défilé de 100 000 personnes, et couronnée par la réception par François Mitterrand, à l’Élysée, des principaux marcheurs, dont leur figure emblématique Toumi Djaïdja, blessé lors d’affrontements violents avec la police dans le quartier des Minguettes.

Le rêve d’une élite maghrébine

À l’époque, on ne parlait pas de religion, car la vague islamiste radicale et le terrorisme international n’avaient pas encore provoqué le désordre du monde que l’on connaît. Cette marche a néanmoins été le début de la prise de conscience, par l’opinion et la classe politique, de l’existence d’un problème d’intégration des immigrés venus du Maghreb, particulièrement des jeunes, victimes[access capability= »lire_inedits »] de relégation sociale et en butte au racisme quotidien… On connaît la suite : ce mouvement fut récupéré par le pouvoir socialiste avec la création de SOS Racisme, où l’ex-trotskiste Julien Dray donna toute la mesure de ses qualités d’organisateur. Quant aux marcheurs, ils furent soit rattrapés, comme Toumi Djaïdja, par leur passé délinquant, soit laissés sur le bord du chemin par les amis de Julien Dray : un des marcheurs « historiques », Djamel Atallah, en fait, trente ans plus tard, le constat amer dans Le Nouvel Obs : « Une petite classe moyenne maghrébine a émergé, c’est vrai. Des journalistes, quelques cadres supérieurs, des travailleurs associatifs, comme moi. Mais c’est très minoritaire. Il faut savoir que la quasi-totalité des gens avec qui j’ai marché en 1983 sont aujourd’hui complètement cabossés : pas de travail, pas de formation, au RSA, certains dans l’alcool… Personne n’a fait attention à eux. Ils ont été les stars d’un soir, puis sont rentrés chez eux et c’était fini. »

L’idée a alors émergé, cependant, qu’il était urgent de promouvoir des immigrés dans des secteurs clés : politique, administration, médias, économie. Depuis trente-cinq ans, la France « d’en haut » s’efforce donc de favoriser l’émergence d’une élite musulmane, dont les principales figures pourraient devenir des modèles de réussite pour les jeunes déboussolés, et transmettre, dans leur communauté, les valeurs de la République : laïcité, égalité hommes-femmes, patriotisme.

Lyon et ses alentours ont vu naître ou s’implanter certains des fleurons de cette « beurgeoisie » : Najat Vallaud-Belkacem à gauche, Nora Berra, médecin et secrétaire d’État sarkozyste, ou encore Azouz Begag, « le gone de Chaâba », promu au gouvernement par Dominique de Villepin. L’affichage de ces parcours « exemplaires » devait effacer l’image des émeutes de Vaulx-en-Velin de l’été 1990 et la première irruption du terrorisme islamiste en France, de 1991 à 1995, fomentée par le FIS algérien et symbolisée par un autre Lyonnais, Khaled Kelkal, abattu par la police…

Communautarisme et territoires perdus

Derrière d’indéniables réussites individuelles, on assistait en effet, dans les zones sensibles de la métropole rhodanienne, à une montée en puissance inexorable des violences de toute nature, des incivilités et de la petite délinquance à la constitution de cellules djihadistes en passant par le contrôle des « quartiers » par les gangs de la drogue. L’argent déversé par les pouvoirs publics permettait certes de ravaler les façades, mais derrière, le processus de désaffiliation d’une partie importante de leurs habitants se poursuivait. Des imams autoproclamés, ralliés aux courants salafistes les plus radicaux, rassemblaient autour d’eux de nombreux jeunes en délicatesse avec le système scolaire, la police et la justice, avec, souvent, la bienveillance des responsables politiques et administratifs (« Pendant qu’ils sont à la mosquée, ils ne font pas de bêtises… »). Pire, l’argent de la « politique de la ville » nourrissait un clientélisme politique délétère : les municipalités en place, ou leurs opposants, n’étaient pas trop regardants sur l’intégrité ou l’idéologie des « responsables associatifs » susceptibles de leur assurer des paquets de bulletins, pourvu que l’on attribue des logements et des postes d’employés communaux à leurs affidés. André Gerin, député maire communiste archéo-stalinien, a été l’un des premiers à dénoncer ce système : « J’ai eu un électrochoc, en 2002, quand je me suis retrouvé avec deux gamins de Vénissieux enfermés à Guantánamo, confiait-il au Point en 2015. C’étaient des jeunes intégrés qui ne posaient pas de problèmes. J’ai cherché à savoir qui pourrissait la tête de nos gamins. Il est évident qu’il y a une prise de pouvoir commune de certains territoires par les trafiquants de drogue, les mafias et les fondamentalistes. Il y a une connivence entre eux. Cela explique pour une part les violences contre les pompiers, la police. »

Gerin a notamment rappelé le rôle d’un prédicateur salafiste, Abdelkader Bouziane, expulsé vers l’Algérie en 2004 après avoir proclamé, dans un hebdomadaire local, qu’il était légitime pour un bon mari musulman de battre ses femmes et que son objectif ultime était l’instauration d’un califat mondial. Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, avait pris fermement parti en faveur de son collègue dans Le Progrès : « Je suis surpris de découvrir cette espèce de poussée de fièvre, car cet imam que nous appelons habituellement Cheikh Abdelkader est bien connu de tout le monde, depuis des années. Les maires successifs de Lyon – Michel Noir, Raymond Barre et Gérard Collomb – ont eu l’occasion de le rencontrer et même d’aller dans sa mosquée lorsqu’il était à La Duchère. Quant à sa polygamie, ceux qui la dénoncent aujourd’hui font preuve d’une belle hypocrisie. Tout le monde la connaît depuis des années. Il n’a pas fait seize enfants du jour au lendemain. »

Aujourd’hui, Kabtane, habile entrepreneur cultuel, vient de réussir l’exploit de se faire financer un énorme « centre culturel musulman » accolé à sa mosquée, tout à la fois par des fonds publics et des contributions de l’Algérie et de l’Arabie saoudite. Le préfet de région Michel Delpuech, qui favorisa déjà à Bordeaux l’ascension de Tareq Oubrou, en a fait son interlocuteur privilégié pour les affaires musulmanes. Pendant ce temps, dans les cités, la vie continue, as usual : la police se fait caillasser, les femmes sont invisibles, les voiles prolifèrent et les juifs s’en vont. Heureusement, nous avons Najat Vallaud-Belkacem ![/access]



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