Affaire Nabilla : le juge et la bimbo


Affaire Nabilla : le juge et la bimbo

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Il est évident que la détention provisoire de Nabilla est totalement disproportionnée, comme l’est son inculpation de tentative de meurtre – sans précédent pour de tels faits – et manifestement uniquement destinée à justifier la détention provisoire. En effet, pour des faits de violences volontaires, avec un couteau de table, sans plainte de la victime – qui est majeure et en mesure de s’exprimer – avec des secours appelés par la personne mise en cause (Nabilla en l’occurrence), et avec manifestement une incapacité de travail de la victime n’excédant pas une semaine (Thomas a participé à une émission de télé et a été jugé apte à subir sept heures d’audition par le juge d’instruction une semaine à peine après les faits), jamais le procureur ne se serait simplement impliqué personnellement s’il s’était agit d’une personne inconnue. Cette affaire aurait été traitée par un de ses substituts. Dans un grand nombre de cas, ce substitut n’aurait pas même poursuivi, mais classé sans suite, particulièrement dans une juridiction qui traite parmi les plus grands nombres de plaintes (là c’est le procureur lui-même qui se saisit de cette affaire et donc qui porte plainte – au nom du peuple français –) et ceci dans une juridiction qui non seulement croule sous les affaires mais est en sous effectifs de magistrats. Normalement, les faits reprochés à Nabilla auraient été qualifiés de coups et blessures volontaires et auraient fait l’objet d’une comparution libre au tribunal de grandes instances. La personne mise en cause n’aurait pas été incarcérée après sa garde à vue, qui aurait durée moins de 24 heures, et elle n’aurait éventuellement été condamnée qu’à une peine de quelques mois de prison avec sursis et peut-être à une obligation de soins (pour lui apprendre à gérer son impulsivité). Plus probablement, dans le cas d’une personne qui n’a jamais été condamnée et qui n’était de toutes façons pas en situation de récidive, il n’y aurait eu qu’un simple rappel à la loi. Il est évident que le traitement judiciaire que subit Nabilla est discriminatoire. Les avocats comme les journalistes qui prétendent comme le procureur que pour de tels faits, il est normal de mettre la personne inculpée en détention provisoire ne se trompent pas, ils mentent. La politique pénale aujourd’hui est d’éviter la prison le plus possible d’après la ministre de la Justice.

Beaucoup de « citoyens » se plaignent d’ailleurs d’une trop grande clémence de la justice qu’ils qualifient de « laxiste » particulièrement pour des faits de violences volontaires envers des personnes qui, pourtant elles, portent plainte. Des faits dont les auteurs, même récidivistes, sont souvent laissés en liberté par les magistrats d’après les policiers eux-mêmes, qui s’en plaignent. La détention préventive doit être exceptionnelle d’après la loi. L’usage de plus est de n’emprisonner des femmes que très exceptionnellement. Les femmes emprisonnées en France que ce soit en provisoire ou après condamnation ne représentent que moins de 4% de la population pénale (plus de 9 personnes emprisonnées sur 10 sont des hommes). Elles sont aujourd’hui à peu près 700 (0,00001% de la population française – 1 femme sur 50 000) à être en détention provisoire. On imagine facilement qu’elle le sont pour des faits autrement plus graves que ceux que l’on reproche à Nabilla. Qualifier ces faits de tentative de meurtre, sur son conjoint et avec arme qui sont des circonstances aggravantes, et qui est puni de la même façon que le meurtre lui-même (jusqu’à 30 ans) est une insulte pour les victimes de tels actes. Ces victimes portent plainte dans tous les cas où elles sont en capacité de le faire ou quand elles ne sont plus sous l’emprise de leur agresseur. Ce qui se dit sur cette histoire est que Nabilla aurait frappé son fiancé d’un coup de couteau de table dans une chambre d’hôtel alors qu’il voulait lui imposer sa présence après une dispute où il lui avait confisqué son téléphone portable (ce qu’il qualifierait de motif futile). Une jeune femme de mes connaissances qui ressemble un peu à Nabilla m’a raconté une histoire comparable : son ami lui avait confisqué son téléphone portable aussi après une dispute. En fait il voulait l’empêcher de sortir de l’appartement. Il avait fermé à clef et l’empêchait de sortir. Il l’empêchait aussi de fumer (du tabac), cela a duré plusieurs heures. Elle m’a dit avoir vécue cela comme une véritable agression, une séquestration en fait et à l’évidence s’en était une. Elle l’a insulté. Il l’a frappé, d’un coup de poing dans la figure. Bien que cette jeune femme soit impulsive et capable de riposter violemment à des agressions, là elle s’est suffisamment contrôlée pour seulement ne pas reculer. Elle m’a dit s’être tenu devant lui en lui disant quelque chose comme «Tu peux continuer à me frapper mais de toutes façon c’est fini entre nous. ». Heureusement, il n’a pas continué à la frapper, mais cela aurait pu se terminer plus mal et cela a pu tenir à presque rien, peut-être à la présence d’un couteau à porté de la main. En tous cas qualifier cette sorte de situation – un coup de couteau de table, lors d’une dispute entre deux protagonistes, par le plus faible d’entre eux – de tentative de meurtre est à l’évidence totalement disproportionné. Dans cette situation si la victime ne porte pas plainte, s’il ne s’agit pas d’un enfant, elle sait pourquoi elle ne porte pas plainte : sa responsabilité dans la situation est entière.

Tout le monde sait finalement pourquoi Nabilla est en détention provisoire après une garde à vue ayant atteint la durée maximum légale : parce que le Procureur pense qu’elle lui ment et que c’est elle qui à porté le coup de couteau. Et on ne lui résiste pas à lui – Procureur – surtout pas une « bimbo ». Elle doit avouer ! C’est-à-dire lui dire ce qu’il veut entendre. Quitte à faire un mésusage flagrant de la détention provisoire : Puisqu’elle résiste il va la « mater ». Elle n’a pas compris à qui elle avait à faire ! Elle n’avait pas (assez) peur. Alors il va la détruire. Socialement au moins, si ce n’est physiquement. Le temps de prison qu’elle effectue en provisoire sera nécessairement couvert par sa condamnation. Il le faut ! Sinon les indemnités (à la charge des contribuables) seraient énormes en ce cas d’espèce. À la hauteur du préjudice financier occasionné. Il s’agit d’une condamnation avant le jugement où le procureur et les juges, d’instruction comme des libertés qui lui sont subordonnés (officieusement et de fait) forcent la main des juges qui auront à rendre justice. Oui tout le monde sait de quoi il s’agit avec cette détention provisoire de Nabilla. Un acte d’autoritarisme d’un haut fonctionnaire narcissique. Cet acte consiste en effet à briser la vie d’une jeune femme de 22 ans pour se faire un petit plaisir clandestin et honteux (le procureur se cache). Mais personne n’est dupe et surtout pas ses collègues. Honteux ça l’est. Tout le monde le sait et cela pousse ce magistrat dans une course en avant. Il faut qu’il ait raison : que Nabilla soit une criminelle, reconnue et condamnée comme telle. Pour préserver son amour propre à lui. Pour qu’il puisse se dire qu’il ne s’agissait pas d’un abus de pouvoir. Alors sans complexe on peut construire une histoire où Nabilla est une récidiviste. Thomas avait été blessé par un couteau quelques temps auparavant ; il avait déclaré alors qu’il était tombé dessus : Le magistrat rétrospectivement déclare qu’il s’agit d’une agression de Nabilla.

Curieusement, pour cette première suspicion de coup de couteau, il ne s’agirait pas d’une tentative de meurtre, d’après le même procureur, mais de coups et blessures. Espérons pour Nabilla qu’il n’y ait pas eu trop d’accidents de râteaux dans les bacs à sable où elle a pu jouer autrefois. Alors, sans complexe les magistrats peuvent faire pression sur la victime, Thomas, 27 ans, une semaine à peine après la « tentative de meurtre » à son encontre, il est entendu pendant plus de 7 heures, comme un « mis en examen » ! Pour lui faire « avouer » que le coup de couteau avait été porté par sa fiancée. Au moins il a tenu bon pour ne pas porter plainte contre elle. Le juge a dû le menacer de prison pour dénonciation de délit imaginaire s’il n’accusait pas Nabilla. Reconnaissons que ce cas de figure est plutôt inhabituel où les magistrats font pressions pour obtenir des aveux de la victime (qui ne demande rien) afin de justifier leur comportement ; il faut que la victime avoue que le coupable est bien la personne qu’ils ont choisi de poursuivre. Oui, tout cela pour se faire un petit plaisir ! Si de tels faits avaient été reprochés à Mimi Mathy par exemple elle n’aurait pas fait plus de 3 heures de garde à vue. Mais Nabilla, malheureusement pour elle, on peut avoir envie de se la « payer ». On peut vouloir faire intrusion brutalement dans sa vie. Devenir inoubliable pour elle. On peut avoir envie, et même saisir l’opportunité de le faire pour peut que l’on soit dénué de scrupules, imbu de sa personne et que l’on soit en situation de le faire. Il y a un malaise dans la justice : la sélection des magistrats et leur pouvoir pose manifestement problème. On ne peut pas s’empêcher de penser que le motif principal de cette détention provisoire, clairement arbitraire, est le « sadisme ordinaire » à l’origine d’ailleurs de la plupart des violences faites aux femmes et particulièrement aux femmes désirables. En d’autres temps, les inquisiteurs, prédécesseurs de ces magistrats auraient soumis Nabilla à la « question » c’est-à-dire à la torture, dont la garde à vue est une survivance, et l’auraient promise au bûcher au lieu des 30 ans d’enfermement dont ils la menacent aujourd’hui. Comme chacun sait, à l’époque, les accusations de sorcellerie étaient prises d’autant plus au sérieux que les femmes qu’elles visaient étaient belles. Il faut changer la loi sur la détention provisoire et celle sur la garde à vue pour éviter de telles dérives. Il faut en finir avec la torture, même « light ».

C’est autour de 20 ans (le plus bel âge) que les souvenirs se gravent le plus durablement en mémoire. Nabilla même si elle sortait aujourd’hui restera marquée à vie par cette incarcération qui a tout d’une prise d’otage. Les abus de la justice ne sont pas nouveau, certes. Mais là ce qui est nouveau c’est que l’on considère que nous l’acceptons. On nous en fait non seulement les témoins, mais aussi les acteurs complices. Il ne s’agit pas d’une plainte qu’un magistrat monte en épingle pour la satisfaction au moins apparente de telle ou telle victime. Ici la plainte vient officiellement de nous. C’est en notre nom que le procureur la porte. Le garde des sceaux s’en lave les mains. C’est son choix, mais ce choix nous engage tous collectivement. L’indifférence générale face à ce scandale nous rappelle ces faits divers où une femme se fait agresser en public et où personne n’intervient… On pouvait s’interroger sur les causes d’une telle lâcheté. Nous pourrions nous questionner devant notre réaction face à l’incarcération de Nabilla. Nous devrions interroger nos propres réactions face à cette violence totalement disproportionnée à son encontre, face à cette « correction » que l’on fait subir à une jeune femme de 22 ans. On est tenté d’expliquer la lâcheté des témoins par la peur ; peur des agresseurs peur de la procédure judiciaire, peur d’être entendu longuement par les policiers et les magistrats.

Maintenant on perçoit aussi avec Nabilla le fait que les témoins ne s’identifient pas à la victime. Ils pensent qu’une telle chose ne risque pas de leur arriver à eux. Cette réaction est moins de l’indifférence que de la complicité. Et de façon remarquable ce sentiment ne concerne pas seulement les hommes (comme pourrait le laisser croire les spots de cinéma de lutte contre les violences faites aux femmes) mais aussi les femmes. Comme les hommes, les femmes taxent Nabilla de « bimbo », ou de « starlette » laissant entendre que son apparence justifie une particulière violence à son égard.

*Photo : wikimedia.



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est psychologue.

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