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Le mauvais œil des conservateurs

La politique d’acquisition des musées mise en cause


Le mauvais œil des conservateurs
La Dérision du Christ, Cimabue, vers 1280. © Wikimedia Commons

Le ministère de la Culture a refusé le départ de France d’une bénigne icône de Cimabue tout en laissant partir aux États-Unis une oeuvre majeure du peintre William Bouguereau. Aux yeux des conservateurs de musées, l’intérêt historique d’une oeuvre prend souvent le pas sur l’esthétique. Enquête.


L’actualité de la peinture est marquée par la désolante errance de La Jeunesse de Bacchus. Il s’agit de l’œuvre majeure de William Bouguereau, l’un des principaux peintres français du xixe siècle. Partie aux États-Unis, puis revenue, personne ne semble en vouloir, ni les collectionneurs ni les musées français. Dans le même temps, une commission du ministère de la Culture déclare « trésor national » une bénigne icône de Cimabue et deux tableaux de qualité moyenne de Caillebotte. Cela conduit à s’interroger sur une historiographie artistique encore dominante qui ne comprend ni ne protège l’essentiel de nos héritages du xixe.

Cimabue sauvé de la déchetterie

De temps à autre, la découverte d’une dent ou d’une phalange d’hominidé met en effervescence le petit monde de la paléontologie. Des restes apparemment insignifiants peuvent s’avérer des jalons essentiels pour écrire l’histoire de nos origines. Pour l’histoire de la peinture, bizarrement, il en est parfois de même : l’engouement des experts pour une rareté peut faire oublier son absolu manque d’intérêt artistique. C’est le sentiment que donne la récente affaire Cimabue.

Une nonagénaire partant en maison de retraite laisse dans son logement une centaine d’objets. On appelle un commissaire-priseur pour y jeter un coup d’œil. Il y a une petite icône dans le couloir, à côté de la cuisine. La professionnelle hésite. Finalement, elle dit : « Non, ça ne doit pas partir en déchetterie. » L’expertise révèle qu’il s’agit d’une œuvre de Cimabue (1240-1302), Le Christ moqué (26 x 20 cm), une scène autrefois découpée dans un diptyque.

On organise dans la foulée une vente internationale, mais la commission des trésors nationaux refuse l’exportation. Par conséquent, pour se substituer à l’enchérisseur, l’État va devoir trouver la modique somme de 24 millions d’euros, soit trois fois le budget d’acquisition annuel du Louvre, ou encore un peu plus que les recettes du loto du patrimoine. L’intérêt strictement artistique de cette œuvre paraît toutefois minime. Il est clair que le choix de la garder en France tient principalement, voire exclusivement, à sa valeur historique. La commission motive d’ailleurs son avis [tooltips content= »JORF, n° 0297 du 22 décembre 2019. »][1][/tooltips] par le fait que cette pièce « permet de porter un regard renouvelé sur


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Mars 2020 - Causeur #77

Article extrait du Magazine Causeur




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est écrivain. Dernier ouvrage paru : Précipitation en milieu acide (L'éditeur, 2013).

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